Comme beaucoup de conjoints de couples franco-allemands, Stéphanie risque de perdre la garde de sa fille de 8 ans parce que la justice allemande donne raison à son ex-conjoint. Sa fille risque de lui être retirée sur une décision de la cour d’appel de Toulouse, en plein déconfinement.
L’appel de détresse d’une maman toulousaine. Comme beaucoup de parents de couple franco-allemand, elle risque de perdre la garde de sa fille de 8 ans parce que la justice allemande a donné raison à son ex-compagnon. Stéphanie a accepté que sa fille qui vit avec elle à Toulouse, passe chaque année la moitié de ses vacances chez son papa en Allemagne. Mais depuis que celui-ci a demandé sa garde, les autorités allemandes font tout pour que la petite fille le rejoigne en Allemagne. Malgré tous ses recours, une décision de la cour d’appel de Toulouse le 12 mai tombe comme un couperet. Sa fille risque de lui être retirée, comme le demande la justice allemande.
Deux ans et demi de combat judiciaire
Cette maman toulousaine est effondrée, elle en appelle à Emmanuel Macron, au nom de tous les parents contraints de livrer leurs enfants à la justice allemande. « La décision de la cour d’appel de Toulouse est tombée juste après le déconfinement, ordonnant le renvoi de ma fille en Allemagne, suite à la demande de retour de son père.J’en suis à 82 000 € de procédure, à deux ans et demi de combat.Ce qui risque de se passer, c’est que le parquet toulousain et les autorités françaises fassent exécuter cette décision, et qu’elles envoient ma fille en Allemagne auprès de son père.Je ne connais pas son domicile, il a déménagé. Je sais très bien que je n’aurai plus de nouvelles de ma fille » s’inquiète cette maman qui ne peut contenir ses sanglots.
« Je veux apporter ma voix et celle de ma fille aux milliers d’autres voix d’enfants et de parents européens qui bataillent pour que l’Allemagne et surtout le Jugendamt (les services allemands de protection de l’enfance) cessent leurs méfaits, et que d’autres parents d’enfants nés d’un parent allemand puissent être dupés » ajoute Stéphanie.
Du « kidnapping légal »
« Ma fille est née en 2011 à Toulouse d’un père allemand que j’ai rencontré dans un contexte humanitaire. Son père et moi n’avons jamais été mariés, ni jamais eu de vie commune en Europe. Notre fille porte mon nom de famille, nous nous séparons officiellement d’un commun accord devant le TGI de Toulouse lorsqu’elle n’a pas encore un an. _Le jugement prévoit une autorité́ parentale partagée_, ma fille passe la moitié des vacances scolaires toulousaines en Allemagne. »
En 2017, c’est en toute confiance que Stéphanie conclut un accord de médiation familiale avec le père de sa fille, afin qu’elle passe une année scolaire en Allemagne pour favoriser sa relation avec son papa et lui permettre de mieux connaître sa famille, sa langue sa culture et ses racines allemandes. Dès son arrivée en Allemagne le 26 mai 2017, son père refuse de respecter l’accord préalablement conclu à Toulouse. Depuis, la justice allemande fait tout pour récupérer l’enfant, la préférence allant systématiquement au parent allemand pour la garde de l’enfant en cas de séparation d’un couple binational.
« Je ne savais pas que l’Allemagne pratiquait le kidnapping international sur son sol en toute impunité_, je ne connaissais pas la problématique des milliers d’enfants franco-allemands « volés », je ne savais pas que depuis 50 ans des milliers de parents français bataillent juridiquement et financièrement pour maintenir un lien avec leur enfant détenu sur le sol allemand » dit Stéphanie qui a écrit à Emmanuel Macron et Brigitte Macron pour les interpeller sur cette situation.
« Je pense profondément que les enfants ont besoin de leurs deux parents, l’Allemagne ne le respecte pas. Ce sont40 000 enfants bi-nationaux qui sont maintenus sur le sol allemand,il faut que cela cesse. »
Une résolution restée lettre morte
L’avocate toulousaine de l’association « Enfants Otages », Maitre Stéphanie Dupont-Baillon, défend quatre familles toulousaines de couples bi-nationaux franco-allemands, elle dénonce le chantage de la justice allemande qui donne systématiquement raison à ses ressortissants. Comme dans le cas de Stéphanie, les droits de sa fille qui souhaite rester en France avaient pourtant été reconnus devant un juge français.
« On va déraciner cette enfant, parce queles autorités allemandes sont toutes complices,l’intérêt c’est de garder l’enfant sur le sol allemand. L’amitié franco-allemande ne peut pas perdurer si on enlève des enfants, s’il n’y a pas de coparentalité entre un Français et un Allemand. J’en appelle aux autorités françaises pour qu’elles soutiennent leurs ressortissants,je veuxune sanction financière de l’Allemagne,des mesures de rétorsion si elle continue à bafouer le droit international. »
En 2008, les députés européens ont voté une résolution dénonçant « les pratiques discriminatoires du système judiciaire familial allemand », mais le vote semble rester lettre morte. « Les autorités françaises nous disent que les choses s’améliorent, mais ne n’est pas vrai, l’Allemagne campe sur ses positions, il faut que ça change », estime l’avocate qui s’interroge : pourquoi la cour d’appel de Toulouse a-t-elle rendu un tel jugement après deux mois de confinement et après la grève des avocats, donnant raison de façon incompréhensible à une décision pourtant inapplicable sur le sol français ?
L’avocate de Stéphanie a déposé un pourvoi en cassation. On attend la décision d’ici la rentrée de septembre. Un recours est encore possible auprès de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
« Comment ma fille peut-elle quitter une ville qui l’a vu naître et grandir, oùelle est élue au conseil municipal des enfants,comment peut-elle être coupée de son pays, de sa mère et de ses repères ? » interroge sa maman qui espère que ses appels seront entendus.
Au-delà de la dénonciation d’une nouvelle méthode d’enlèvement qui semble devenir courante en Allemagne, il s’agit ici de pointer ce que nous croyons être un dysfonctionnement du système juridique français, peut-être accentué par la crise sanitaire que nous vivons.
Née en 2011 à Toulouse où elle a toujours vécu avec Stéphanie, sa maman, cette petite fille a passé chaque année la moitié de ses vacances scolaires chez son papa en Allemagne.
En 2017, c’est en toute confiance que Stéphanie conclut un accord de médiation familiale avec le père de sa fille, afin qu’elle passe une année scolaire en Allemagne pour favoriser sa relation avec son papa et lui permettre de mieux connaître sa famille, sa langue sa culture et ses racines allemandes.
Dès son arrivée en Allemagne le 26 mai 2017, son père refuse de respecter l’accord préalablement conclu à Toulouse.
A cette heure, nous tentons toujours d’obtenir une présence consulaire à l’audience du mardi 14 avril 2020, comme il a été recommandé par la résolution du parlement européen de novembre 2018.
Malgré le weekend de Pâques et le confinement, un juge allemand a refusé de reporter l’audience mardi matin concernant la garde d’un enfant franco-allemand. Sa mère française, informée cinq jours plus tôt de cette audience par un email du père de l’enfant, à qui aucun document n’a été transmis pour préparer sa défense, craint de perdre son fils face à un système réputé discriminant.
La nouvelle a été confirmée le 9 avril à 15h31 par le tribunal allemand . Une Française, dont nous avons choisi de conserver l’identité secrète par mesure de précaution, devra se rendre le 14 avril devant le juge allemand des affaires familiales, accompagnée de son fils de deux ans. Le tribunal fermant à 15h30 ce soir là et jusqu’à mardi matin pour le weekend de Pâques, aucune chance de recours pour cette jeune mère qui craint que le juge allemand ne saisisse cette occasion pour lui retirer la garde de son fils. Depuis des années, de nombreux parents ont rapporté avoir ainsi perdu la garde de leur enfant né d’une union franco-allemande, les juges allemands donnant souvent gain de cause au parent allemand, selon l’Association Enfants Otages qui réunit des parents privés de leurs enfants par le système allemand suite à une séparation.
> Des jeunes enfants auditionnés
Le cour allemande a exigé que cette Française soit accompagnée à cette audience de son fils âgé de deux ans. L’enfant, qui doit être muni de son passeport, sera vraisemblablement auditionné à cette occasion. Le Parlement européen avait lui-même pointé du doigt ces « auditions secrètes » et voté, fin 2018, une résolution encadrant ce type d’actions du Jugendamt, l’administration de la jeunesse, dans les litiges familiaux transnationaux, qui donne ses recommandations aux tribunaux allemands.
> Le droit à un procès équitable en question
S’il est courant selon l’avocate de la mère française que les juges allemands des affaires familiales imposent des délais très courts pour se présenter face à eux, il est cependant rare qu’aucun document ne soit ainsi rendu accessible pour établir la défense de ses clients. Face à cette situation exceptionnelle, l’avocate de la Française vient de déposer un recours devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), se fondant sur le droit à un procès équitable. L’avocate a cependant peu d’espoir que ce recours ne fonctionne compte tenu de la situation actuelle de confinement et des délais imposés par la cour allemande.
Face à l’urgence de la situation, Enfants Otages a en parallèle contacté le Consulat français à Berlin pour réclamer la présence, à cette audience, d’un représentant français, comme il est prévu dans les textes de la résolution européenne. Selon le président d’Enfants Otages, Alain Joly, « seule la présence du consulat pourra aider cette mère à ne pas perdre son fils mardi. Sa seule vrai faute est de ne pas être allemande ». Selon Alain Joly, le Parlement européen a lui-même reconnu, via sa résolution fin 2018, l’attribution systématique de la garde au parent allemand. « Cette attribution est toujours justifiée par le bien-être de l’enfant qui, d’après la loi allemande, correspond à vivre et grandir en Allemagne chez le parent allemand ».
> Des parents isolés
La mère française avait, d’après son témoignage, fui son domicile avec son fils en début de semaine suite à de nouvelles violences conjugales. Elle avait cependant, selon elle, communiqué, comme la loi l’exige, l’endroit où elle se situait et maintenu des communications régulières entre le père et son fils. La police serait elle-même venue contrôler que son fils était bien hébergé dans de bonnes conditions.
Interrogée, cette jeune mère exprime aujourd’hui sa détresse : « on va me prendre mon enfant sans que je sache de quoi je suis accusée. L’avocate ne va même pas avoir de quoi argumenter. Nous n’avons que des hypothèses, aucun fait ». Elle ajoute : « Je n’ai pas le bon passeport, je suis isolée ».
Les faits sont sans appel et le juge doit ordonner le retour de l’enfant en France auprès de Mathieu, sur la base de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 et du règlement « Bruxelles II bis ».
Or il est d’usage pour les juridictions allemandes, lorsqu’elles ne peuvent faire autrement que de reconnaître qu’il y a bien eu enlèvement, de prétexter mille et une raisons toutes plus fantaisistes les unes que les autres pour ne pas renvoyer les enfants enlevés, dans leur pays d’origine.
C’est pourquoi Mathieu a par ailleurs contacté Sabine Thillaye députée franco-allemande d’Indre-et-Loire et présidente du bureau de l’Assemblée franco-allemande créée cette année.
Mathieu JOLLY compte donc beaucoup sur le soutien de sa député, d’autant qu’elle est elle-même née à Remscheid en Allemagne et qu’elle ne peut méconnaître la particularité du système allemand.
Tours : contraint de déposer plainte pour enlèvement international
Que faire lorsque son enfant est retenu en Allemagne alors qu’il était convenu que celui-ci devait alterner les années scolaires de part et d’autre du Rhin ?
Ces situations d’un enfant pris entre ses deux parents sont toujours douloureuses. C’est celle que connaît désormais Mathieu, 44 ans, père d’un garçon de 9 ans qui vit aujourd’hui chez sa mère à Hattigen (Allemagne), entre Düsseldorf et Dortmund.
Hanna (*) et lui se sont connus lors d’une rencontre européenne de samba à Mayence (Mainz) en Rhénanie-Palatinat. C’était en 2007. A la faveur de plusieurs festivals, Mathieu et Hanna se retrouvent, jusqu’à envisager de partager leur vie. L’arrivée de leur enfant – que nous appellerons Vincent (*) , en avril 2010, s’accompagne d’un rapprochement plus durable.
Après l’accouchement en Allemagne, Mathieu, Hanna, Vincent et la fille aînée de Mathieu (âgée de 14 ans et demi aujourd’hui) choisissent de s’installer à Tours. Une vie à quatre commence. Se poursuit à Saint-Avertin. Vincent est alors à l’école primaire Christophe-Plantin.
Cette vie durera six ans, avant que le couple ne décide, d’un commun accord, d’une séparation en douceur. Dans l’intérêt de l’enfant – et parce que Hanna s’entend bien avec ses beaux-parents (eux aussi séparés) et qu’elle a tissé un solide réseau d’amis – la proximité géographique est conservée.
De juin 2016 à juin 2018, un système de garde alternée est mis en place d’un commun accord et fonctionne à la satisfaction générale. Pourtant, dès février 2018, Hanna évoque l’éventualité de retourner en Allemagne avec Vincent.
Les parents en discutent, voient avec l’école ce qu’il est possible de faire, partagent des retours d’expériences. Et décident finalement, jusqu’aux 12 ans de Vincent, d’alterner les années scolaires : la rentrée 2018-2019 en Allemagne, la suivante en France, etc. Avec des efforts en mathématiques et en langues (selon les programmes respectifs), les enseignants donnent leur aval.
Les vacances scolaires passées en France ainsi que le séjour auprès de son fils entre Noël et Pâques (les petits Allemands n’ont pas de vacances scolaires en février) suffisent à peine à combler un vide certain. D’autant que Vincent doit apprendre la langue, se faire des amis, s’habituer au rythme scolaire, au non-mélange des garçons et des filles à la récré…
Même s’il habite la même – grande – maison que ses grands-parents, il exprime le désir de rentrer en France (ou de ne pas retourner en Allemagne à la fin des vacances dans l’Hexagone). La téléphonie, heureusement, permet de conserver une certaine proximité avec son père (et sa grande sœur).
En juin 2019, Mathieu fait comme prévu les démarche pour inscrire Vincent à l’école Christophe-Plantin. La perspective de revoir Vincent le 20 juillet aide à patienter encore. Hélas !, le 12 juillet… Hanna décide de ne pas renvoyer Vincent chez son père. Faisant fi de l’arrangement amiable, elle décide même de demander la garde exclusive de l’enfant… sachant que les probabilités sont fortes que la justice allemande lui soit favorable.
Sidéré, Mathieu décide de se battre. Il fouille sur la toile, trouve et contacte l’Association enfants otages (basée à Rouen), « créée par des parents dont les enfants ont pour point commun d’être nés d’une union franco-allemande qui a mal fini et qui s’est alors très vite transformée en cauchemar ».
Rapidement, on lui confirme : « Vous êtes victime d’un enlèvement international ». Il dépose plainte pour enlèvement à la gendarmerie de Montlouis qui va transmettre au procureur de la République. Il s’organise, entre en relation avec divers avocats pour finalement retenir celui qui va l’assister ce 23 octobre 2019 devant le tribunal de Hamm (Allemagne).
Un combat juridique s’est engagé. Malgré la décision du Parlement européen du 29 novembre 2018 de voter une résolution adressée à la Commission reprenant les nombreuses critiques émises à l’encontre du Jugendamt (l’administration de la jeunesse) à propos des innombrables cas d’enfants restés sur le sol allemand, Mathieu sait qu’il va être compliqué et risque de laisser des traces.
(*) Prénoms modifiés.
à noter
Dans la résolution du Parlement, l’Allemagne est épinglée pour sa conception très particulière de « l’intérêt supérieur de l’enfant »… les autorités allemandes compétentes interprétant systématiquement cet impératif de protection… comme étant la nécessité que l’enfant reste sur le territoire allemand. Pour l’aider dans sa démarche, Mathieu lance une cagnotte.
Fabien Le Coutey se heurte depuis dix ans à l’office de la jeunesse allemande. Ses deux fils, français, vivent en Allemagne avec leur mère.
Une semaine à Noël, trois semaines durant les vacances d’été, une semaine à Pâques et un couloir d’appel le mardi soir. Ainsi se résument les droits de père de Fabien Le Coutey. Ses deux garçons, français, nés à Vannes, âgés de 15 et 11 ans, vivent en Bavière avec leur mère.
Il n’imaginait pas, en 2007, lorsqu’il se sépare de sa femme, française, qu’elle referait sa vie en Allemagne. En août 2008, elle franchit le Rhin avec ses fils, âgés de 6 et 2 ans. Il porte plainte au commissariat pour enlèvement. « On m’a conseillé de monter une équipe pour aller chercher mes enfants », se souvient-il.
Un bras de fer s’engage entre les deux parties, pendant environ huit mois, jusqu’au moment où l’on diagnostique au père de Fabien Le Coutey, une grave maladie. Éprouvé et fragilisé, le Vannetais signe un accord en 2009, qui lui octroie dix semaines par an avec ses enfants. Une décision qu’il regrette car, une fois le divorce prononcé en 2010, il n’a plus d’outils juridiques à sa disposition.
« Aujourd’hui, mon fils me rejette »
La donne change début 2016. Fabien Le Coutey est convoqué devant la justice allemande, car son fils aîné, 15 ans, ne souhaite plus le voir. Chose possible outre-Rhin, si l’adolescent est dans sa quatorzième année. Obligé de se présenter, au risque d’essuyer une amende de 1 500 €, le Breton est incapable de comprendre ou de s’exprimer dans la langue de Goethe. Faute d’aide juridique française, à dix jours de l’audience, l’association Enfants otages lui indique un avocat français, Me Revel. Installé en Allemagne, il est spécialisé dans le droit des familles.
Devant le tribunal, en mai 2016, le père apprend que ses fils ont été entendus par le Jugendamt (Office de la jeunesse allemande). L’avocat des enfants parle de « manipulation », en désignant la mère et son conjoint. Mais la justice allemande estime qu’il y a « trop de périodes de vacances chez leur père ». Sur les six visites, il n’en reste plus que quatre. Et l’aîné accepte de venir à Noël et aux grandes vacances. Sauf que… « cela fait un an et demi que je ne l‘ai pas vu, il n‘est pas venu. Et refuse le dialogue depuis le début de l‘année, relate Fabien Le Coutey. Aujourd‘hui il me rejette. » Sa crainte est de voir le même scénario se répéter d’ici deux ans, avec son deuxième fils.
L’homme de 49 ans oscille entre incompréhension et colère. « C‘est lamentable, il y a une complicité de l’État français, qui se laisse faire par l‘Allemagne. » Son crédo aujourd’hui est de faire connaître son histoire, mais pas uniquement, celles aussi des autres, des parents avec qui il entretient des échanges quasi quotidiens, via l’association Enfants otages.
« J‘arrête de me battre contre le système allemand. Les enfants sont protégés par les lois allemandes, mais protégés de quoi? On est traité comme des criminels. »
Décidément, dans ce domaine, les tribunaux allemands ne connaissent pas de limites et ne cesseront de nous surprendre, malheureusement…
Dans l’affaire de Séverine, le juge allemand du tribunal de Saarburg (Rhénanie-Palatinat) a vraiment dépassé les bornes. Non content d’organiser un rapt, il est aussi passé à l’acte en enlevant lui-même un enfant de 5 ans à sa mère.
En effet, rappelons qu’en Allemagne, lorsqu’un couple n’est pas marié, si la mère n’en a pas expressément décidé autrement, elle est seule détentrice de tous les droits parentaux sur son enfant. En cas de séparation, elle peut en toute légalité, refuser un droit de visite au père (ce n’est pas ce qu’a fait Séverine) et déménager avec son enfant, où bon lui semble.
En d’autres termes, si Séverine avait été allemande, le juge se serait purement et simplement déclaré incompétent et aurait rejeté la requête du père allemand qui demandait que l’enfant habite avec lui, puisqu’il n’avait aucun droit sur cet enfant.
Il a ensuite usé de son statut et de son autorité de juge pour intimider Séverine et la convoquer en lui demandant de se présenter à une audience de conciliation et d’amener son enfant avec elle.
Nul n’est besoin d’être devin pour savoir ce que le juge allemand a fait ensuite…
Profitons-en pour saluer l’intervention de l’eurodéputé Edouard Martin qui n’a pas utilisé la langue de bois pour répondre aux questions du journaliste du Républicain lorrain.
Articles de Stéphane Mazzucotelli, publiés le 15/09/2017 et le 16/09/2017 dans le quotidien Le Républicain Lorrain
Depuis sa séparation avec son conjoint allemand, Karine Bachelier a progressivement perdu tous ses droits sur sa fille. Elle a fondé à Rouen, en 2011, l’association Enfants otages pour aider les parents confrontés à des situations similaires. Malgré des règlements européens, l’Allemagne se réserve le droit de refuser une décision de justice prise par un autre État membre concernant, par exemple, la garde des enfants.
Tous les mardis soir, Karine Bachelier compose le numéro de téléphone de son ex-conjoint pour joindre sa fille restée en Allemagne. En vain. « Depuis 2012, il ne répond plus », raconte cette mère de famille meurtrie.
La Rouennaise de 41 ans, au même titre que des centaines de parents, tente de faire valoir ses droits. Elle est à l’origine de l’association Enfants otages, créée en 2011 à Rouen, avec Alain Joly, un père traversant une situation semblable. Ensemble et avec un relais actif en Italie, ils viennent en aide à des parents en conflit avec leur ex-conjoint allemand pour les questions de garde et de visite. L’association estime que l’Allemagne, via le Jugendamt (en français, « l’administration de la jeunesse »), favorise très souvent le parent allemand.
« L’impression d’avoir servi de mère porteuse »
Une situation surprenante, dans une Union européenne symbole de protection, reposant essentiellement sur les différences de procédures et la difficulté à faire respecter les règlements européens entre les États membres – Bruxelles II bis en l’occurrence, adopté en 2003, censé régler ces questions.
En 1998, Karine Bachelier part six mois outre-Rhin pour un stage d’études. « Pas de bol, je l’ai rencontré au bout d’un mois, à Nuremberg », glisse-t-elle à propos du futur père de ses deux enfants, sur un ton dissimulant une colère contenue. Amélie naît en 2004, suivie de Patrick en 2007. Mais le couple se sépare peu de temps après. « Il est parti du jour au lendemain, en août2008″, pour « vivre avec son ex avec qui il a déjà eu une fille ». Pendant un an, Karine a la garde de ses enfants, le père les voit un week-end sur deux. Jusqu’au 19 octobre 2009. « Il ne les a pas amenés à l’école après une garde. » La procédure judiciaire est enclenchée pour récupérer ses enfants. Mais face au père réclamant également la garde, l’équivalent outre-Rhin du juge aux affaires familiales ordonne la séparation des enfants. Karine récupère Patrick et voit sa fille s’éloigner. Son appel pour obtenir une décision plus favorable n’y changera rien. « Jusqu’en 2011 tout est très compliqué. Le père ne respecte pas les jugements, poursuit-elle. Plus ça allait et plus il me l’apportait tard et la reprenait tôt. Petit à petit, il rognait mon droit de visite. » Au fil des mois, elle réalise son impuissance à faire respecter ses droits. « J’ai signalé les problèmes au Jugendamt mais cela n’a rien donné. J’ai tout de suite compris que je n’avais aucune chance. » C’est toutefois une employée du Jugendamt qui lui donnera officieusement un conseil prêt à tout chambouler. « Elle m’a expliqué que mon fils risquait d’être placé. » Désormais au chômage, Karine Bachelier décide de rentrer en France. « J’ai organisé mon déménagement en huit jours, sans prévenir personne », sauf son ex-conjoint. « Il a accepté de me donner son accord par écrit pour que je puisse quitter le pays avec Patrick. Je ne voulais pas être accusée d’enlèvement à mon retour. Dès le début, le père ne s’est intéressé qu’à la fille, assure-t-elle, ajoutant dans un souffle : C’est horrible une mère devant choisir entre ses deux enfants. » Depuis, le père de ses enfants s’est marié avec son ex et a pris le nom allemand de cette dernière (le sien étant d’origine polonaise).
Un à deux appels par mois
Dernier acte en date, « il m’a annoncé en mai son intention de faire une requête pour m’enlever l’autorité parentale. Si on détruit ma filiation avec ma fille, j’aurais l’impression d’avoir servi de mère porteuse car sa nouvelle femme était trop âgée pour avoir un autre enfant et leur première fille a des difficultés. » La dernière fois que Karine Bachelier a vu la sienne, c’était en janvier 2016, à peine le temps d’une journée. Son ancien compagnon tentait (en vain) de lui faire signer une autorisation pour qu’Amélie prenne le nom de sa nouvelle femme. « Elle ne m’a pas parlé. Je l’ai trouvée très fermée. Avant, c’était un rayon de soleil. Aujourd’hui, elle a des problèmes de comportement à l’école. »
Les cas similaires (lire par ailleurs) ne sont pas rares. Au titre de l’association Enfants otages, « nous recevons entre un à deux appels par mois, calcule-t-elle. « Malheureusement, lorsque les gens nous contactent c’est souvent déjà trop tard, ajoute Alain Joly, l’autre cheville ouvrière de l’association. Il faut nous appeler avant de se rendre à toute convocation allemande ou de répondre à tout courrier. » Les multiples procédures à engager (toujours en langue allemande) finissent d’user et de décourager des parents souhaitant préserver leurs enfants. « En Allemagne, il faut faire des procédures pour tout, commente Karine Bachelier. Pour les droits de visite, le lieu de résidence, l’autorité parentale, les affaires scolaires… Ce n’est pas comme en France où l’on fait un « paquet ». »
La difficulté de faire respecter des décisions prises par les deux parents renforce cette impasse. « L’Allemagne respecte en apparence les conventions et les règlements qui imposent de décider toujours en considérant le bien-être de l’enfant mais dans leur conception ce bien-être signifie être élevé en Allemagne », complète Alain Joly. « On est seuls, l’État français ne s’en préoccupe pas », soupire Karine Bachelier, découragée devant son impuissance à se faire entendre par l’Allemagne et par son propre pays…
Contact de l’association : 06 04 19 24 25.
D’autres cas en Normandie et ailleurs
Pour le co-fondateur de l’association Enfants otages, Alain Joly, le calvaire débute en 2009 quand, du jour au lendemain, son amie allemande quitte le domicile avec leur fille d’à peine trois ans. « Le tribunal allemand a estimé que je n’étais pas apte à élever mon enfant du fait de mon handicap », relate le Français, aveugle. Quelques mois plus tard, « un coup de fil anonyme passé au Jugendamt annonce que j’allais peut-être essayer d’enlever ma fille… » Après une année passée à voir sa fille trois heures toutes les trois semaines en Allemagne en présence d’un avocat, aujourd’hui, Alain Joly, désormais Rouennais, est autorisé à l’accueillir dans un appartement qu’il conserve en Bavière mais doit être accompagné d’un tiers pour sortir avec elle… « À 11 ans, elle ne peut toujours pas rester dormir chez moi », déplore-t-il, désarmé. Il continue de la voir deux jours toutes les trois semaines.
Le cas de Fabien Lecoutey est légèrement différent. Lui et sa femme sont Français, originaires de Caen. Partis vivre en 1997 à Vannes, en Bretagne, ils se séparent en 2007. Mais au cours des vacances, la mère enlève leurs deux garçons nés en 2002 et 2006 direction l’Allemagne, où elle refait sa vie. « Au commissariat, on m’a conseillé de monter une équipe pour aller chercher mes enfants car ils ne pouvaient rien faire! », se souvient Fabien Lecoutey. En 2009, il accepte finalement de céder ses droits. « Elle voulait que je signe ou sinon je ne les reverrais pas me disait-elle. » Depuis début 2016, l’aîné, 15 ans, ne veut plus voir son père. « Il ne parle plus ni à moi, ni à ma famille, ni à ses quelques très bons copains qu’il avait en France. Même le juge en Allemagne a mis en garde sur la manipulation du compagnon de mon ex-femme. Je n’aurai jamais imaginé qu’un jour un de mes enfants puisse ne plus me parler. Aujourd’hui, j’accepte toutes les situations d’échec pour réussir à conserver mon deuxième. »
Le Jugendamt intervient également lors de déménagement hors d’Allemagne. En 2007, un couple franco-allemand vivant près du Rhin projette de partir vivre à Strasbourg. Leurs deux filles sont récupérées à la sortie de l’école et placées dans une famille allemande par le Jugendamt. Ils profiteront d’un droit de visite pour prendre la fuite et franchir la frontière… France 3 leur avait consacré un reportage :
« Des auditions dès l’âge de 3 ans »
Eleonora Evi, eurodéputée italienne (Mouvement 5 étoiles), a présidé un groupe de travail (de fin 2015 jusqu’au vote du rapport final le 3 mai dernier), au sein de la commission des pétitions du Parlement européen, sur les problèmes de la protection de l’enfance.
Quel est le rôle de la commission des pétitions ?
Eleonora Evi : « Tout citoyen européen peut adresser une pétition. La commission n’a pas de pouvoir législatif mais elle permet de mettre en évidence certaines lacunes du droit européen. »
Pourquoi avoir réclamé un groupe de travail sur cette question des enfants binationaux ?
« C’est le principal problème traité par la commission des pétitions. Depuis 2006, nous avons enregistré près de 250 cas mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg car tous les parents ne connaissent pas la commission. Il existe également d’autres pétitions antérieures mais il nous est difficile de les répertorier. Cela ne concerne pas seulement la France, mais aussi l’Italie, la Pologne, la Suède ou des pays de l’Europe de l’Est. On a maintenant de vrais témoignages et des éléments concrets qui nous disent qu’il existe des discriminations [contestées par les autorités allemandes, lire par ailleurs, NDLR] entre les parents ; en particulier le parent qui n’est pas allemand est pratiquement systématiquement discriminé par le Jugendamt. »
En quoi consiste ce Jugendamt si décrié ?
« C’est une administration qui intervient toujours dans le cas des séparations avec enfant. Il devient une sorte d’avocat pour l’enfant. Il donne des recommandations au juge qui sont presque systématiquement suivies par ce dernier. Et si elles ne le sont pas, le Jugendamt peut faire appel. C’est extrêmement particulier. Cette troisième partie qu’est le Jugendamt veille aux intérêts de l’Allemagne. C’est un peu fort de le dire mais c’est ce que l’on a constaté pendant toutes ces années d’investigation. »
Pour quelles raisons ?
« Ils ont un système qui a toujours considéré que l’État allemand est le meilleur possible pour vivre et pour élever des enfants. C’est aussi fort à dire mais c’est quelque chose qui perdure même si, avec le passé, on aurait dû tirer des leçons de l’Histoire. »
Cela pourrait-il avoir un lien avec la faible démographie allemande ?
« C’est un fait : la natalité est plus basse en Allemagne. On n’a pas de preuves pour le dire mais ce serait logique. »
Vous estimez que l’Allemagne considère que le bien-être de l’enfant passe par une enfance en Allemagne ?
« Oui, vous ne le trouverez jamais écrit mais c’est ce qui se passe. De plus, je ne peux pas l’affirmer officiellement mais on peut penser qu’il y a également une considération économique. Même si le parent non allemand, qui n’a pas la garde, n’a pas les ressources financières pour soutenir l’autre parent, il sera complètement pressé par le Jugendamt et la justice allemande pour donner cet argent [en passant notamment par des huissiers, NDLR]. »
Quelles recommandations avez-vous émises ?
« Nous avons demandé à ce que soient éclairées les notions de bien-être et de l’intérêt supérieur de l’enfant et nous avons fait d’autres recommandations sur un point très important : en Allemagne, les enfants sont écoutés dès l’âge de 3 ans par le juge, les services sociaux ou le Jugendamt. Ces instants ne sont pas enregistrés et les parents n’obtiennent qu’un résumé. Et cela va plus loin. L’Allemagne s’appuie sur le fait que l’enfant (même très jeune) n’a pas été entendu dans l’autre pays pour ne pas respecter la décision précédente de cet autre État membre qui aurait par exemple donné la garde au parent non-allemand. »
Le problème est évoqué depuis des années, notamment lors de questions posées à l’Assemblée nationale en France. Comment expliquez-vous que l’on en soit encore à la rédaction de rapports ?
« La compétence européenne est très limitée sur ces sujets-là. La pression politique permettrait de mettre en lumière ces problèmes mais une partie du Parlement ne veut pas en entendre parler. Des groupes politiques ont affiché une très forte opposition à ce groupe de travail, en particulier des membres du Parti populaire européen où les Allemands sont très représentés. »
Réponse des autorités allemandes
Dans une réponse apportée à la commission des pétitions, le ministère allemand des Affaires familiales, des seniors, des femmes et de la jeunesse atteste du droit de l’Allemagne de ne pas reconnaître une décision prise par un autre État membre. « La Cour constitutionnelle fédérale a statué qu’un tribunal peut demander à entendre un enfant âgé de plus de 3 ans au moment de la décision […] L’audition peut donner une indication de la relation de l’enfant avec un parent, ce qui devrait être pris en compte lors de la prise de décision. Une audience est obligatoire en dehors des cas exceptionnels. Selon ces principes, les décisions prises à l’étranger sans audience ne seront généralement pas reconnues en Allemagne. »
De plus, tiré du rapport final du groupe de travail, ce résumé de l’intervention de M. Hoffman, représentant d’un Jugendamt de Berlin, lors d’une réunion à la commission des pétitions le 10 novembre 2016. Celui-ci dément toute discrimination de parent non-allemand : « M. Hoffmann a souligné qu’il n’y avait pas de discrimination systématique à l’égard d’un groupe de personnes sur la base de la nationalité », souligne le rapporteur. « Cependant, il peut comprendre que la complexité de la procédure allemande, les obstacles linguistiques, les distances, les différentes normes juridiques des pays et les différents concepts éducatifs peuvent conduire à des malentendus et être considérés, à tort, comme des discriminations. Il a ajouté que les différends [entre parents] peuvent durer des années, passer par de nombreuses étapes d’appel et se retrouver au final devant la commission des pétitions. Bien qu’il s’agisse de cas individuels tragiques, de son point de vue, la différence des nationalités n’est pas la clé ici, mais plutôt l’incapacité de trouver un compromis et le refus de coopérer. »
Le 10 novembre 2016, Karine Bachelier, mère française de deux enfants franco-allemand, expliquait devant la Commission des pétitions du Parlement européen, pourquoi l’Allemagne est sur le point de faire d’elle une mère porteuse.
Pour mieux comprendre comment cela est possible, il faut savoir que le code civil allemand permet, lorsque les parents sont séparés, de substituer le nom de l’enfant commun par le nouveau nom marital du parent qui en a la garde, sous réserve de l’accord de l’autre parent et de l’enfant s’il est âgé d’au moins 5 ans.
Toutefois, ce même article dispose que dans l’hypothèse où le parent non gardien n’est pas d’accord, pour le « bien de l’enfant », le juge peut se substituer à lui pour faire droit à la requête du parent gardien.
Dans l’affaire qui nous intéresse, lorsqu’il s’est marié, l’ex de Karine a abandonné son propre nom pour prendre celui de sa femme actuelle.
Avec la complicité du juge et du Jugendamt allemands, Après avoir déchiré une fratrie et coupé tout contact entre Amélie et sa famille française (sa mère et son frère biologique), le père entend substituer le nom de sa femme actuelle à celui d’Amélie qui est le nom de sa mère.
Ainsi, si le tribunal allemand faisait droit à la demande du père, après avoir en pratique réduit Karine à une mère porteuse malgré elle, il en fera également une mère porteuse administrativement.
Ce que Karine a décrit à la Commission des pétitions est sur le point de se produire. Le représentant du Jugendamt de Berlin l’a clairement expliqué. La décision tiendra compte du « bien-être de l’enfant » et de sa volonté. « Le bien-être » de l’enfant, sempiternel argument qui en réalité signifie vivre en Allemagne, être élevé et éduqué par la communauté allemande, ne parler que l’Allemand …
Quant à la volonté de l’enfant, le témoignage inattendu devant la Commission, de ce jeune homme est éloquent. Il donne une idée très claire de la manière dont se déroulent les auditions des enfants en Allemagne. Auditions qui se font sans aucun moyen de contrôle.
Enfin, ce qui n’est pas négligeable, le représentant du Jugendamt au Parlement européen a récemment révélé que le système allemand assimile l’identité de l’enfant, avec la situation de résidence de l’enfant. Il a affirmé que le juge devra décider si « l’enfant appartient à la nouvelle famille ou s’il peut exprimer son identité avec son origine et son nom [non allemand] ». Apparemment le problème réside dans le fait que le Jugendamt et le tribunal allemand donne une interprétation très « spéciale » et très « allemande » du concept de l’identité.
Karine avait lancé une pétition que vous pouvez trouver ici.
Dans notre article du 21 février 2016 « On leur a volé leurs enfants, seront-ils aussi ruinés ?« , nous expliquions, sur la base de l’histoire de l’une de nos membres, comment l’Allemagne et son système parvenait à légaliser les enlèvements d’enfants.
Si au début, on pouvait comprendre l’incrédulité du gouvernement, aujourd’hui, nous ne comprenons pas la passivité de la France et de l’Union européenne toute entière.
Cela dit, à la demande de Valérie, nous publions son témoignage, afin de vous permettre de suivre l’évolution de sa situation.
Il faudra bien du courage à Valérie et à sa petite famille qu’elle a su patiemment reconstruire, pour résister à un système qui non seulement vole des enfants, mais encore détruit la vie de leurs parents.
C’est en 1997, alors qu’elle est encore étudiante que Valérie rencontre son futur mari. Il est de nationalité allemande. Ils se marient l’année suivante et Valérie attend rapidement leur premier enfant.
Zoé naît en 1999. Cette année, Valérie obtient sa licence en Sciences Sociales et Ergonomie du Travail.
Son époux souhaite qu’elle puisse élever ses enfants, tout comme l’a fait sa mère, une tradition forte dans la famille allemande. Valérie accepte et met entre parenthèses ses études.
Ils sont installés en France à deux pas de la frontière, étant donné que Monsieur travaille en Allemagne.
Deux ans plus tard, Valérie donne naissance à Léo alors que le couple bat déjà de l’aile. Son mari, très dominant, refuse qu’elle travaille et lui donne juste de quoi couvrir les frais de la famille en France. Le reste est sur son compte personnel, dans une banque allemande.
En avril 2002, Zoé est âgée de deux ans et demi et Léo a six mois. Valérie décide de se séparer et de demander le divorce. Son mari quitte immédiatement l’appartement en France et va s’installer chez ses parents, en Allemagne. Il voit les enfants quand il le souhaite et les confie volontiers à la grand-mère paternelle. En revanche, il refuse de donner à Valérie la pension alimentaire fixée d’un commun accord. Toutefois, c’est lui qui touche les allocations familiales en Allemagne.
Valérie, quant à elle, cherche un emploi. Hélas, sans expérience et avec 2 enfants à charge, elle ne trouve rien. Rapidement, ses économies partent dans les dépenses du quotidien. Néanmoins, la grand-mère allemande accepte toujours de garder Zoé et Léo pendant que Valérie se rend à des entretiens d’embauche.
Un jour, le papa des enfants lui propose de prendre la garde, étant donné qu’elle peine à trouver du travail et que de toutes façons c’est la grand-mère paternelle qui garde les enfants dès que c’est nécessaire. Valérie refuse, mais elle finit rapidement par se trouver acculée, toujours sans emploi et sans ressources. Elle se voit obligée d’accepter la proposition. Rapidement, les papiers sont modifiés et le droit de garde des enfants est transféré au papa. Il est convenu que Valérie ne paiera pas de pension alimentaire.
Quelques temps passent sans trop d’accrocs, même si Son ex-mari reste très présent, jusqu’à lui rendre des visites à l’improviste et lui faire promettre que si elle devait rencontrer quelqu’un, elle lui présenterait pour avoir son aval. Valérie trouve enfin un emploi.
Hélas, la situation s’envenime, Valérie ne supporte plus les visites intempestives et autres contrôles. Sans cesses, son ex-belle-mère lui fait des reproches, lui explique que Zoé fait des cauchemars quand elle revient de chez sa mère, qu’elle vit mal le fait de devoir lui rendre visite.
Pour le 5ème anniversaire de Zoé (le 14 septembre 2004), Valérie émet le souhait de le fêter chez elle. Mais ça ne se passe pas comme prévu : toute la famille allemande débarque en force avec les enfants. Valérie est reléguée comme simple hôtesse, ses enfants sont distants et accaparés par les grands-parents, oncles, tantes, cousins, cousines… Valérie sent que la situation lui échappe. Elle se rend compte que sa fille parle de moins en moins le français, qu’elle devient distante. Léo, lui, n’a jamais appris le français.
A partir de cette date, elle ne parvient plus à appeler ses enfants, qui ne sont jamais disponibles. Certes, Valérie occupe un poste de réceptionniste et travaille souvent le weekend, néanmoins, elle fait son maximum pour être disponible ne serait-ce que du samedi après-midi au lundi matin. Mais à chaque fois qu’elle souhaite prendre les enfants pour le week-end, le père ou la grand-mère trouvent des excuses.
Valérie décide de se rendre chez ses ex-beaux-parents pour chercher les enfants. Après avoir longuement sonné à la porte et appelé, sa belle-mère daigne entrouvrir la porte et lui explique que son fils a décidé qu’elle ne verrait plus les enfants. Valérie hurle, pleure, mais la grand-mère reste de marbre.
Valérie se rend au commissariat le plus proche pour leur expliquer la situation. Les gendarmes lui explique qu’ils ne peuvent rien pour elle. Elle rentre chez elle, cherche tous les documents en sa possession au sujet de la garde de Zoé et Léo et des droits de visite. Elle prend également le livret de famille, car les enfants n’ont que la nationalité française. Rien n’y fait, les gendarmes campent sur leur position.
De là, Valérie a contacté son avocate. S’agissant d’un divorce à l’amiable, cette dernière lui a expliqué qu’il faudrait reprendre toute la procédure et qu’en-outre Valérie n’avait aucun recours, si ce n’est de demander l’exéquatur du jugement de divorce en Allemagne. Pour cela il faudrait prendre un avocat allemand en sachant que le divorce serait non pas traduit, mais rejugé et qu’elle ne pourrait sans doute pas faire valoir ses droits. Etant donné sa situation financière, le peu de chance de gagner et le fait qu’à cette époque, en 2004, Valérie n’avait connaissance d’aucune association d’aide aux parents binationaux, elle n’a pas pu donner suite.
Régulièrement depuis lors, elle a tenté de reprendre contact avec ses enfants par différents biais, y compris les réseaux sociaux. Hélas, sans succès. Aujourd’hui, Zoé et Léo âgés respectivement de 16 et 14 ans refusent tout contact avec leur mère.
En Mai 2015, bien que toujours sans nouvelles de ses enfants et déchue par l’Allemagne de ses droits parentaux, Valérie reçoit un courrier de l’avocat de son ex-mari pour une demande de pension alimentaire. En décembre 2015, Valérie est condamnée par défaut par le tribunal allemand à verser 710€ par mois de pensions alimentaires.
Le jugement est non conforme et n’est pas exécutoire en l’état. Néanmoins, grâce à la législation européenne qui permet de faciliter l’exécution d’un jugement d’un pays à l’autre, le dossier est entre les mains d’un huissier français. En effet, un document (Annexe I du Bruxelles II Bis) complété par le greffe du tribunal allemand permet de faire exécuter tout jugement, même s’il n’est pas conforme aux lois.