Karine, mère porteuse de l’Allemagne malgré elle ?

Le 10 novembre 2016, Karine Bachelier, mère française de deux enfants franco-allemand, expliquait devant la Commission des pétitions du Parlement européen, pourquoi l’Allemagne est sur le point de faire d’elle une mère porteuse.

Pour mieux comprendre comment cela est possible, il faut savoir que le code civil allemand permet, lorsque les parents sont séparés, de substituer le nom de l’enfant commun par le nouveau nom marital du parent qui en a la garde, sous réserve de l’accord de l’autre parent et de l’enfant s’il est âgé d’au moins 5 ans.

Toutefois, ce même article dispose que dans l’hypothèse où le parent non gardien n’est pas d’accord, pour le « bien de l’enfant », le juge peut se substituer à lui pour faire droit à la requête du parent gardien.

Dans l’affaire qui nous intéresse, lorsqu’il s’est marié, l’ex de Karine a abandonné son propre nom pour prendre celui de sa femme actuelle.

Avec la complicité du juge et du Jugendamt allemands, Après avoir déchiré une fratrie et coupé tout contact entre Amélie et sa famille française (sa mère et son frère biologique), le père entend substituer le nom de sa femme actuelle à celui d’Amélie qui est le nom de sa mère.

Ainsi, si le tribunal allemand faisait droit à la demande du père, après avoir en pratique réduit Karine à une mère porteuse malgré elle, il en fera également une mère porteuse administrativement.

Ce que Karine a décrit à la Commission des pétitions est sur le point de se produire. Le représentant du Jugendamt de Berlin l’a clairement expliqué. La décision tiendra compte du « bien-être de l’enfant » et de sa volonté. « Le bien-être » de l’enfant, sempiternel argument qui en réalité signifie vivre en Allemagne, être élevé et éduqué par la communauté allemande, ne parler que l’Allemand …

Quant à la volonté de l’enfant, le témoignage inattendu devant la Commission, de ce jeune homme est éloquent. Il donne une idée très claire de la manière dont se déroulent les auditions des enfants en Allemagne. Auditions qui se font sans aucun moyen de contrôle.

Enfin, ce qui n’est pas négligeable, le représentant du Jugendamt au Parlement européen a récemment révélé que le système allemand assimile l’identité de l’enfant, avec la situation de résidence de l’enfant. Il a affirmé que le juge devra décider si « l’enfant appartient à la nouvelle famille ou s’il peut exprimer son identité avec son origine et son nom [non allemand] ». Apparemment le problème réside dans le fait que le Jugendamt et le tribunal allemand donne une interprétation très « spéciale » et très « allemande » du concept de l’identité.

Karine avait lancé une pétition que vous pouvez trouver ici.

Une méthode de travail du Jugendamt

La réunion de la Commission des pétitions, qui s’est tenue à Bruxelles le 10 novembre 2016, s’est terminée par le témoignage inattendue d’un jeune homme polonais. Il raconte de quelle manière le Jugendamt a su, avec beaucoup de patience, d’humanité, de psychologie, bref, avec le professionnalisme qu’on lui connaît, déterminer où se trouvait l’intérêt de l’enfant qu’il a été à l’époque où sa mère polonaise et son père allemand se séparait.

Appuyer l’audition de Mme Colombo au sein du groupe de travail sur le jugendamt

Chers parents,

Le 29 septembre 2016 à Bruxelles, se réunira le groupe de travail sur le Jugendamt pour lequel nous nous sommes battus.

Malheureusement, encore une fois, on essaie d’exclure de ce groupe, la seule personne aujourd’hui capable d’expliquer le système allemand et les techniques juridiques employées pour détourner les règlements européens et internationaux afin d’écarter les parents non allemands lors de séparations.

C’est pourquoi nous comptons sur vous pour envoyer la lettre dont vous trouverez le modèle plus bas aux eurodéputés dont vous trouverez également la liste plus bas.

D’avance merci pour votre mobilisation.


Modèle de lettre en français :

Mesdames et Messieurs les députés,

Je m’adresse à vous en qualité de citoyen et d’électeur européen.

Depuis des décennies, de trop nombreux parents ont dû se battre contre un système familial placé sous le contrôle du JUGENDAMT (prononcez:’You-Gaine-Tammte’) en Allemagne. Confronté à cette entité de l’ombre omnipotente, un parent n’a absolument aucun espoir d’obtenir justice et équité. Ceux qui ont tenté de s’y opposer avec détermination, comme M. Olivier Karrer ou Mme Marinella Colombo, sont lourdement persécutés. Ils ont été condamnés et emprisonnés, ceci afin de les réduire au silence.

Nonobstant, le problème demeure. Ce que montrent les centaines de pétitions (recevables) sur le sujet, en attente de traitement.

La Commission des Pétitions du Parlement européen (PETI) a décidé de créer un groupe de travail, avec pour mission de rencontrer des experts. Il s’agit de comprendre à fond le système et ses réels enjeux.

Or, il s’avère que les quelques experts en la matière, sont précisément ceux qui ont été poursuivis par les autorités allemandes. Car leur savoir est la raison profonde des poursuites dont ils ont fait l’objet.

Le groupe de travail cité avait choisi d’entendre Mme la Dr. Marinella Colombo en qualité d’expert.

Il semblerait qu’il refuse aujourd’hui de l’inviter.

Dans ces conditions, comment pouvez-vous, vous représentant parlementaire non-allemand, comprendre et nous aider à résoudre le problème que pose le système JUGENDAMT à l’Europe, si ceux qui l’ont décrypté, sont de nouveau interdit de parole ?

C’est la raison pour laquelle je m’adresse à vous.

JE VOUS PRIE DE BIEN VOULOIR APPUYER L’AUDITION DE MME COLOMBO AU SEIN DE CE GROUPE DE TRAVAIL DE LA COMMISSION DES PÉTITIONS.

Je vous remercie.

Dans l’attente de votre confirmation, veuillez agréer l’expression de mes salutations distinguées.

Ville et pays
Date
Prénom et nom


Liste des députés français :

  • sylvie.goddyn@europarl.europa.eu
  • edouard.martin@europarl.europa.eu

Model of letter in English :

Dear Deputies,

Please allow us to address ourselves to you, as European citizens and voters.

Too many parents have been struggling for decades against the German family system which is under the control of the Jugendamt. Each parent has to face on his own this giant and powerful system and usually he or she is bound to give in. Those parents who have stood up and opposed this system, like Olivier Karrer and Marinella Colombo, have been persecuted and condemned to imprisonment with political proceedings, with the aim to put them to silence.

However the problem still exists. Hundreds of admissible petitions denouncing this problem still have to be discussed.

At last, the Committee on Petitions of the European Parliament have decided to create a Working Group on this issue. This group will have to meet the experts in order to fully understand the system which has been denounced by the petitions.

The real experts are the persons who have been persecuted (their expertise is the very reason of the persecution): Dr Olivier Karrer, (who is unable to be present for health reasons) and Dr Marinella Colombo.

She has received the invitation, but PPE (populars) and ALDE (liberals) MEPs have vetoed her presence, probably in response to German instructions.

How can you understand and solve this problem if the people who can explain every detail and purpose will be put to silence and not heard ?

WE PUBLICLY URGE YOU TO CONFIRM THE INVITATION SENT TO MARINELLA COLOMBO TO THE HEARING AT THE WORKING GROUP OF THE COMMITTEE ON PETITIONS.

If not, we will know who is working against the interests of parents and citizens and, in the future, we will take our decisions accordingly.

We appeal to your understanding.

Kind regards,

City and Country
Date
Firstname and name


List of MEPs from other countries :

  • marco.affronte@europarl.europa.eu
  • laura.agea@europarl.europa.eu
  • marina.albiol@europarl.europa.eu
  • margrete.auken@europarl.europa.eu
  • beatriz.becerra@europarl.europa.eu
  • mara.bizzotto@europarl.europa.eu
  • soledad.cabezonruiz@europarl.europa.eu
  • enrique.calvetchambon@europarl.europa.eu
  • alberto.cirio@europarl.europa.eu
  • andrea.cozzolino@europarl.europa.eu
  • pal.csaky@europarl.europa.eu
  • miriam.dalli@europarl.europa.eu
  • rosa.estaras@europarl.europa.eu
  • eleonora.evi@europarl.europa.eu
  • elisabetta.gardini@europarl.europa.eu
  • michela.giuffrida@europarl.europa.eu
  • takis.hadjigeorgiou@europarl.europa.eu
  • daniel.hannan@europarl.europa.eu
  • marian.harkin@europarl.europa.eu
  • anja.hazekamp@europarl.europa.eu
  • gyorgy.holvenyi@europarl.europa.eu
  • carlos.iturgaiz@europarl.europa.eu
  • rikke.karlsson@europarl.europa.eu
  • jude.kirton-darling@europarl.europa.eu
  • urszula.krupa@europarl.europa.eu
  • kostadinka.kuneva@europarl.europa.eu
  • miltiadis.kyrkos@europarl.europa.eu
  • svetoslav.malinov@europarl.europa.eu
  • notis.marias@europarl.europa.eu
  • roberta.metsola@europarl.europa.eu
  • marlene.mizzi@europarl.europa.eu
  • jozsef.nagy@europarl.europa.eu
  • javier.nart@europarl.europa.eu
  • victor.negrescu@europarl.europa.eu
  • victor.negrescu-office@europarl.europa.eu
  • demetris.papadakis@europarl.europa.eu
  • julia.pitera@europarl.europa.eu
  • laurentiu.rebega@europarl.europa.eu
  • julia.reda@europarl.europa.eu
  • michele.rivasi@europarl.europa.eu
  • sofia.sakorafa@europarl.europa.eu
  • sven.schulze@europarl.europa.eu
  • josep-maria.terricabras@europarl.europa.eu
  • eleni.theocharous@europarl.europa.eu
  • laszlo.tokes@europarl.europa.eu
  • yana.toom@europarl.europa.eu
  • elena.valenciano@europarl.europa.eu
  • bodil.valero@europarl.europa.eu
  • angela.vallina@europarl.europa.eu
  • jaroslaw.walesa@europarl.europa.eu
  • cecilia.wikstrom@europarl.europa.eu
  • boris.zala@europarl.europa.eu
  • sotirios.zarianopoulos@europarl.europa.eu
  • tatjana.zdanoka@europarl.europa.eu
  • manfred.weber@europarl.europa.eu
  • gianni.pittella@europarl.europa.eu
  • syed.kamall@europarl.europa.eu
  • guy.verhofstadt@europarl.europa.eu
  • rebecca.harms@europarl.europa.eu
  • philippe.lamberts@europarl.europa.eu
  • david.borrelli@europarl.europa.eu
  • nigel.farage@europarl.europa.eu

Le cauchemar de Valérie

Dans notre article du 21 février 2016 « On leur a volé leurs enfants, seront-ils aussi ruinés ?« , nous expliquions, sur la base de l’histoire de l’une de nos membres, comment l’Allemagne et son système parvenait à légaliser les enlèvements d’enfants.

Si au début, on pouvait comprendre l’incrédulité du gouvernement, aujourd’hui, nous ne comprenons pas la passivité de la France et de l’Union européenne toute entière.

Cela dit, à la demande de Valérie, nous publions son témoignage, afin de vous permettre de suivre l’évolution de sa situation.

Il faudra bien du courage à Valérie et à sa petite famille qu’elle a su patiemment reconstruire, pour résister à un système qui non seulement vole des enfants, mais encore détruit la vie de leurs parents.

C’est en 1997, alors qu’elle est encore étudiante que Valérie rencontre son futur mari. Il est de nationalité allemande. Ils se marient l’année suivante et Valérie attend rapidement leur premier enfant.

Zoé naît en 1999. Cette année, Valérie obtient sa licence en Sciences Sociales et Ergonomie du Travail.

Son époux souhaite qu’elle puisse élever ses enfants, tout comme l’a fait sa mère, une tradition forte dans la famille allemande. Valérie accepte et met entre parenthèses ses études.

Ils sont installés en France à deux pas de la frontière, étant donné que Monsieur travaille en Allemagne.

Deux ans plus tard, Valérie donne naissance à Léo alors que le couple bat déjà de l’aile. Son mari, très dominant, refuse qu’elle travaille et lui donne juste de quoi couvrir les frais de la famille en France. Le reste est sur son compte personnel, dans une banque allemande.

En avril 2002, Zoé est âgée de deux ans et demi et Léo a six mois. Valérie décide de se séparer et de demander le divorce. Son mari quitte immédiatement l’appartement en France et va s’installer chez ses parents, en Allemagne. Il voit les enfants quand il le souhaite et les confie volontiers à la grand-mère paternelle. En revanche, il refuse de donner à Valérie la pension alimentaire fixée d’un commun accord. Toutefois, c’est lui qui touche les allocations familiales en Allemagne.

Valérie, quant à elle, cherche un emploi. Hélas, sans expérience et avec 2 enfants à charge, elle ne trouve rien. Rapidement, ses économies partent dans les dépenses du quotidien. Néanmoins, la grand-mère allemande accepte toujours de garder Zoé et Léo pendant que Valérie se rend à des entretiens d’embauche.

Un jour, le papa des enfants lui propose de prendre la garde, étant donné qu’elle peine à trouver du travail et que de toutes façons c’est la grand-mère paternelle qui garde les enfants dès que c’est nécessaire. Valérie refuse, mais elle finit rapidement par se trouver acculée, toujours sans emploi et sans ressources. Elle se voit obligée d’accepter la proposition. Rapidement, les papiers sont modifiés et le droit de garde des enfants est transféré au papa. Il est convenu que Valérie ne paiera pas de pension alimentaire.

Quelques temps passent sans trop d’accrocs, même si Son ex-mari reste très présent, jusqu’à lui rendre des visites à l’improviste et lui faire promettre que si elle devait rencontrer quelqu’un, elle lui présenterait pour avoir son aval. Valérie trouve enfin un emploi.

Hélas, la situation s’envenime, Valérie ne supporte plus les visites intempestives et autres contrôles. Sans cesses, son ex-belle-mère lui fait des reproches, lui explique que Zoé fait des cauchemars quand elle revient de chez sa mère, qu’elle vit mal le fait de devoir lui rendre visite.

Pour le 5ème anniversaire de Zoé (le 14 septembre 2004), Valérie émet le souhait de le fêter chez elle. Mais ça ne se passe pas comme prévu : toute la famille allemande débarque en force avec les enfants. Valérie est reléguée comme simple hôtesse, ses enfants sont distants et accaparés par les grands-parents, oncles, tantes, cousins, cousines… Valérie sent que la situation lui échappe. Elle se rend compte que sa fille parle de moins en moins le français, qu’elle devient distante. Léo, lui, n’a jamais appris le français.

A partir de cette date, elle ne parvient plus à appeler ses enfants, qui ne sont jamais disponibles. Certes, Valérie occupe un poste de réceptionniste et travaille souvent le weekend, néanmoins, elle fait son maximum pour être disponible ne serait-ce que du samedi après-midi au lundi matin. Mais à chaque fois qu’elle souhaite prendre les enfants pour le week-end, le père ou la grand-mère trouvent des excuses.

Valérie décide de se rendre chez ses ex-beaux-parents pour chercher les enfants. Après avoir longuement sonné à la porte et appelé, sa belle-mère daigne entrouvrir la porte et lui explique que son fils a décidé qu’elle ne verrait plus les enfants. Valérie hurle, pleure, mais la grand-mère reste de marbre.

Valérie se rend au commissariat le plus proche pour leur expliquer la situation. Les gendarmes lui explique qu’ils ne peuvent rien pour elle. Elle rentre chez elle, cherche tous les documents en sa possession au sujet de la garde de Zoé et Léo et des droits de visite. Elle prend également le livret de famille, car les enfants n’ont que la nationalité française. Rien n’y fait, les gendarmes campent sur leur position.

De là, Valérie a contacté son avocate. S’agissant d’un divorce à l’amiable, cette dernière lui a expliqué qu’il faudrait reprendre toute la procédure et qu’en-outre Valérie n’avait aucun recours, si ce n’est de demander l’exéquatur du jugement de divorce en Allemagne. Pour cela il faudrait prendre un avocat allemand en sachant que le divorce serait non pas traduit, mais rejugé et qu’elle ne pourrait sans doute pas faire valoir ses droits. Etant donné sa situation financière, le peu de chance de gagner et le fait qu’à cette époque, en 2004, Valérie n’avait connaissance d’aucune association d’aide aux parents binationaux, elle n’a pas pu donner suite.

Régulièrement depuis lors, elle a tenté de reprendre contact avec ses enfants par différents biais, y compris les réseaux sociaux. Hélas, sans succès. Aujourd’hui, Zoé et Léo âgés respectivement de 16 et 14 ans refusent tout contact avec leur mère.

En Mai 2015, bien que toujours sans nouvelles de ses enfants et déchue par l’Allemagne de ses droits parentaux, Valérie reçoit un courrier de l’avocat de son ex-mari pour une demande de pension alimentaire. En décembre 2015, Valérie est condamnée par défaut par le tribunal allemand à verser 710€ par mois de pensions alimentaires.

Le jugement est non conforme et n’est pas exécutoire en l’état. Néanmoins, grâce à la législation européenne qui permet de faciliter l’exécution d’un jugement d’un pays à l’autre, le dossier est entre les mains d’un huissier français. En effet, un document (Annexe I du Bruxelles II Bis) complété par le greffe du tribunal allemand permet de faire exécuter tout jugement, même s’il n’est pas conforme aux lois.

Le bien-être de l’enfant, une brèche dans la législation européenne

Article de Eurojournalist Strasbourg, publié le 01/07/2016 sur le site eurojournalist.eu

Comment expliquer de nos jours qu’en Europe, avec tous les règlements, les traités et les conventions, bref, tout ce qui concrétise la volonté des pays de l’Union Européenne de construire une entité commune basée sur la confiance mutuelle, que certains parents se voient déchus de leurs droits et liens parentaux en toute impunité, sans avoir pour autant fait quelque chose de préjudiciable ?

Tant que les familles franco-allemandes sont intactes, tout va bien. Mais en cas de séparation… Foto: Kelovy / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Viviane Philippe) – Nous allons tenter de vous expliquer ce qu’il faut savoir sur le droit de la famille allemand pour comprendre comment il est possible que les enfants, lors de séparations, qu’ils aient été enlevés ou non par l’un des parents, restent quasiment toujours en Allemagne. Il ne s’agit pas de s’étendre sur des notions juridiques, mais d’expliquer à tout un chacun, « comment ça marche » !

Mise en situation à partir d’un cas où aucun des parents n’est allemand et aucun enfant n’est né en Allemagne :

Un couple de parents non-allemands déménage pour s’installer en Allemagne où ils y vivent heureux pendant six mois, période à l’issue de laquelle, la résidence de ce couple devient juridiquement l’Allemagne. Dès lors, le juge compétent pour connaître des affaires familiales est le juge allemand qui lorsqu’il sera saisi, en cas de séparation, ne permettra plus jamais que l’enfant quitte le sol allemand. Vous me direz, mais c’est improbable !

Alors développons.

Tout d’abord il faut préciser qu’en Allemagne sévit une institution des plus puissantes. Il s’agit du JUGENDAMT, à ne pas confondre – comme c’est souvent le cas – avec les services sociaux. Ce service administratif régional a un rôle très étendu : ses pouvoirs décisionnels et ses possibilités d’interventions sont innombrables et sa finalité est bien différente de ce que se doit d’être un service social. Le Jugendamt, partie prenante dans toutes les procédures familiales allemandes, veille à ce que les enfants grandissent en Allemagne.

Pour quelle raison ?

Parce que l’Etat allemand estime qu’un enfant, pour vivre bien, doit vivre en Allemagne. Cela implique très souvent qu’il perdra tout contact avec son parent et sa famille non-allemande. En cas de séparation, le Jugendamt devient très invasif et participe d’office à toute procédure impliquant un mineur, non pas en tant que conseiller du juge, mais en tant que partie prenante, au même titre que les parents, même si ceux-ci sont en pleine possession de leurs droits parentaux. En d’autres termes, en Allemagne, les enfants ont trois parents !

Le juge n’a pas le choix. Il est tenu de demander la participation du Jugendamt à la procédure et de lui demander son avis (§ 162 Loi sur les procédures familiales de libre juridiction, FamFG et § 50 du livre VIII du Code social allemand, SGB, Buch VIII).

Cet avis est contraignant pour le juge, puisque le Jugendamt peut interjeter appel de sa décision s’il n’a pas suivi ses recommandations. En effet, la loi reconnaît expressément au Jugendamt le droit de faire appel contre les décisions (Gegen die Beschlüsse steht dem Jugendamt ein eigenes Beschwerderecht zu), lui attribuant ainsi implicitement une fonction de pouvoir et de contrôle sur les juges aux affaires familiales.

Le « Verfahrensbeistand »

Un autre acteur juridique participe également aux procédures familiales allemandes. C’est le « Verfahrensbeistand », dont le nom est souvent mal traduit, soit par « curateur » soit par « avocat de l’enfant », précisément parce que cette entité n’existe pas dans les juridictions qui ne sont pas germaniques. En France, le curateur est nommé et prend part à la procédure dans le cas où les parents ont perdu la garde de l’enfant, alors qu’en Allemagne, il est également nommé lorsque les parents détiennent pleinement leurs droits parentaux. C’est pour cette raison que nous parlons ici d’une mauvaise traduction. L’autre traduction, « l’avocat de l’enfant », est également erronée, parce que si l’enfant, devenu adolescent, souhaite choisir son propre avocat, il n’est pas en droit de le faire.

En réalité, le Verfahrensbeistand est une autre entité étatique nommée par le tribunal, qui fonctionne généralement en accord avec le Jugendamt, en soutenant les mêmes arguments qui dans ce cas seront considérés – à tort – comme une expression de la volonté de l’enfant.

En cas de séparation sous juridiction allemande, la question « À qui revient la garde des enfants ? » est complètement inutile. Tôt ou tard, la garde sera attribuée au parent allemand (ou au parent qui décide de vivre en Allemagne) parce qu’il est celui qui peut le mieux garantir le « bien-être de l’enfant », bien-être qui correspond, comme on l’a vu, au fait de grandir en Allemagne, parler allemand, fréquenter une école allemande, penser en bon allemand. Tout cela a été récemment répété et même écrit lors d’une réunion des représentants des Länder à Berlin.

Dans ces conditions, la procédure devant le juge ne sert qu’à construire les arguments qui donnent à la décision déjà prise, une apparence légale, conforme aux droits fondamentaux et à tous les textes ratifiés par l’Allemagne, pour donner la garde au parent allemand ou résidant en Allemagne. Il va sans dire que pour le parent lésé, cela a tout d’une mascarade.

Pour les mêmes raisons, lorsqu’un des parents vit à l’étranger, il est très simple pour le parent allemand de supprimer dans les faits tout droit de visite de l’autre parent. Même en présence d’une décision qui prévoit un droit de visite à l’étranger (ce qui est rare), si le parent allemand ne la respecte pas, il n’y a aucun moyen de le forcer à le faire. En effet, garder des contacts avec une réalité non allemande ne correspond pas au bien-être de l’enfant.

A titre d’exemple, voici quelques cas réels qui tiennent de l’absurde. En Allemagne, pour le bien de l’enfant, il peut être décidé de modifier son état-civil, par exemple en germanisant son/ses prénoms ou, pire, en changeant son nom de famille. Mieux encore, en Allemagne, il peut être décidé qu’un enfant, toujours pour son bien-être ait à porter le patronyme du nouvel époux ou de la nouvelle épouse de son parent allemand.

On a pu lire récemment que « les enfants payent le prix fort lorsque les états membres ne réussissent pas à coopérer et protéger leurs intérêts dans des procédures légales comme des conflits transfrontaliers pour la garde parentale ». C’est en ces termes que les députés européens ont voté fins avril 2016 une résolution non contraignante. Belle initiative et tout à fait inutile ! De fait même si à priori l’Allemagne respecte les conventions et les règlements, sa conception du bien-être de l’enfant est complètement différente de celles des autres pays européens. Dans ce cas toute coopération ou procédure légale vivement conseillée ne sera pas pour autant appliquée, dans la mesure où il peut être considéré comme bénéfique pour l’enfant de perdre sa mère ou son père si il ou elle n’est pas allemand(e) ou si cela garantit qu’il vivra en Allemagne.

Il est à rappeler que dès 1995 ces questions ont été posées aussi bien à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat.

Hélas, à ce jour, que ce soit pour les enfants ou les parents, aucune solution, restriction ou loi n’a pu être votée et imposée à l’Allemagne. Depuis plus de 20 ans ces injustices qui détruisent des familles perdurent et sont consciemment ignorées par nos autorités. En effet, selon le Quai d’Orsay, seule une petite quinzaine de cas semblent exister, bien qu’en 2015, Pierre-Yves Le Borgn’, Député des français de l’étranger, estimait avoir connaissance de centaines de cas. Alors quelles solutions pour ces drames humains qui se produisent sous nos yeux, en Europe ? Quels seront les politiques qui voudront enfin s’investir pour cette cause perdue ?

Viviane Philippe et Valérie Skubiszewski : à qui la garde des enfants ?

Voici un exemple de 2 cas connus par notre association.

Divorce : quand le Rhin sépare

Quand un couple franco-allemand divorce, les droits de garde des enfants donnent souvent lieu à des conflits aigus. En cause, la différence d’approche en matière de droit de la famille des deux côtés du Rhin, et la difficulté à se conformer à la réglementation européenne.


Article de Peter Pfeil, paru le 22/06/2016 dans le Journal Les Dernières Nouvelles d’Alsace

Article A qui la garde des enfants

Session plénière du 27 et du 28 avril 2016

A la session plénière du Parlement européen du 27 et du 28 avril 2016, on a « débattu » pendant une heure de l’intérêt supérieur des enfants, notamment, dans les cas de conflits familiaux entre deux parents de nationalités différentes. Si on a pris soin de ne pas nommer les coupables, on n’en a pas moins cité quelques-unes de leurs exactions.

Si tout le monde s’accordait à dire qu’il fallait mettre un terme au failles légales contenues dans le règlement dit « Bruxelles II bis » pour que l’intérêt supérieur de l’enfant prime sur tout le reste, plusieurs eurodéputés ont réaffirmé que le droit de la famille devait conserver son caractère exclusivement national. Mais ne soyons pas pessimistes…

Saluons tout de même l’intervention de l’eurodéputée italienne Eleonora EVI (Groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe) qui a nommé le partenaire à l’encontre de qui ces centaines de pétitions sont déposées.