Bruxelles : Adoption d’une Résolution sur le système allemand et le rôle du Jugendamt dans les affaires familiales

Conférence de presse du 29 mai 2018 au Parlement européen à Strasbourg

Une belle victoire que nous devons essentiellement à 4 eurodéputés, Eleonora EVI (Italie), Edouard Martin (France), Virginie Rosière (France) et à Zdzisław Krasnodębski, vice-président du parlement européen (Pologne).

Grâce à eux, les parents d’enfants otages ou volés gagnent en crédibilité, dans le sens où, c’est maintenant officiel, le système familial allemand n’a pas d’autre objectif que celui de conserver tous les enfants qui même temporairement, se trouvent sous juridiction allemande, sur le territoire allemand.

Le long et difficile travail du groupe qui a été mis en place au sein de la Commission européenne des pétitions à leur initiative, a permis l’élaboration de cette résolution.

Une victoire malgré tout un peu amère

Cependant, l’analyse des votes des eurodéputés et pour ce qui nous concerne, de certains eurodéputés français qui semblent toujours avoir du mal à défendre les intérêts de leurs concitoyens (parents mais surtout enfants), ont contribué à dénaturer la proposition de résolution, atténuant ainsi la force du texte initial.

Nous aimerions comprendre comment certains peuvent à la fois se féliciter de cette avancée et voter pour des amendements qui visent à conforter la Commission européenne dans sa position pro allemande.

On peut évidemment voter pour ou contre une mesure fiscale, pour ou contre un amendement pour que la provenance de la viande ne figure pas sur l’étiquette d’une entrecôte (même si déjà, dans cette hypothèse, s’interroger sur la motivation d’un député serait légitime), mais comment peut-on voter pour un amendement qui nie la réalité, les faits prouvés par des documents officiels, des mois d’enquêtes, de recherches ?

C’est comme si on nous demandait de voter pour décider qu’un responsable politique ne s’est pas rendu coupable de détournement de fonds publics, bien qu’il ait été pris la main dans le sac.

On peut se demander, encore une fois (lorsqu’il s’agit par exemple de pesticides, de l’industrie pharmaceutique…) quelle place occupe l’Homme dans les considérations, les préoccupations de l’UE. On peut finalement se demander que sont devenues ces valeurs, ces grands principes communs à tous les pays de l’UE, sur la base desquels ils se sont unis : les droits de l’Homme, la protection de l’Enfant.

Le 26 mai 2019, les parents d’Enfants otages, d’enfants volés, eux aussi voteront

Les élections législatives européennes approchant, nous publions ici une partie des votes des eurodéputés français.

Nous ne doutons pas du choix qu’ils feront.

Les eurodéputés qui ont voté pour ces amendements soutiennent le système allemand et encouragent l’Etat allemand à poursuivre le vol d’enfants. (textes, votes, amendements…).

Am 1 (4) :

  • Bernard MONOT (EFDD, Debout la France)
  • Isabelle THOMAS (S&D, Génération.s, le mouvement)
  • Sylvie GODDYN (EFDD, Indépendant)
  • Maurice PONGA (PPE, Les Républicains)

Am 10 (8) :

  • Bernard MONOT (EFDD, Debout la France)
  • Marie-Christine VERGIAT (GUE/NGL, Front de Gauche)
  • Jean-Marie CAVADA (ALDE, Génération Citoyens)
  • Sylvie GODDYN (EFDD, Indépendant)
  • Jean ARTHUIS (ALDE, La République en marche)
  • Nathalie GRIESBECK (ALDE, Mouvement Démocrate)
  • Robert ROCHEFORT (ALDE, Mouvement Démocrate)
  • Philippe LOISEAU (ENF, Rassemblement national)

Am 12 (21) :

  • Tokia SAÏFI (PPE, Agir – La Droite constructive)
  • Alain LAMASSOURE (PPE, Indépendant)
  • Jérôme LAVRILLEUX (PPE, Indépendant)
  • Elisabeth MORIN-CHARTIER (PPE, Indépendant)
  • Aymeric CHAUPRADE (EFDD, Les Français Libres)
  • Mireille D’ORNANO (EFDD, Les Patriotes)
  • Florian PHILIPPOT (EFDD, Les Patriotes)
  • Michèle ALLIOT-MARIE (PPE, Les Républicains)
  • Alain CADEC (PPE, Les Républicains)
  • Arnaud DANJEAN (PPE, Les Républicains)
  • Michel DANTIN (PPE, Les Républicains)
  • Rachida DATI (PPE, Les Républicains)
  • Angélique DELAHAYE (PPE, Les Républicains)
  • Françoise GROSSETÊTE (PPE, Les Républicains)
  • Brice HORTEFEUX (PPE, Les Républicains)
  • Marc JOULAUD (PPE, Les Républicains)
  • Philippe JUVIN (PPE, Les Républicains)
  • Nadine MORANO (PPE, Les Républicains)
  • Maurice PONGA (PPE, Les Républicains)
  • Franck PROUST (PPE, Les Républicains)
  • Anne SANDER (PPE, Les Républicains)

Am 13S (2) :

  • Bernard MONOT (EFDD, Debout la France)
  • Sylvie GODDYN (EFDD, Indépendant)

Am 15S (6) :

  • Bernard MONOT (EFDD, Debout la France)
  • Isabelle THOMAS (S&D, Génération.s, le mouvement)
  • Sylvie GODDYN (EFDD, Indépendant)
  • Mireille D’ORNANO (EFDD, Les Patriotes)
  • Florian PHILIPPOT (EFDD, Les Patriotes)
  • Gilles PARGNEAUX (S&D, Parti socialiste)

Am 2 (9) :

  • Bernard MONOT (EFDD, Debout la France)
  • Sylvie GODDYN (EFDD, Indépendant)
  • Jean ARTHUIS (ALDE, La République en marche)
  • Mireille D’ORNANO (EFDD, Les Patriotes)
  • Florian PHILIPPOT (EFDD, Les Patriotes)
  • Maurice PONGA (PPE, Les Républicains)
  • Marie-Christine ARNAUTU (ENF, Rassemblement national)
  • Steeve BRIOIS (ENF, Rassemblement national)
  • France JAMET (ENF, Rassemblement national)

Am 3S (2) :

  • Bernard MONOT (EFDD, Debout la France)
  • Sylvie GODDYN (EFDD, Indépendant)

Am 4 (28) :

  • Bernard MONOT (EFDD, Debout la France)
  • Patrick LE HYARIC (GUE/NGL, Front de Gauche)
  • Marie-Christine VERGIAT (GUE/NGL, Front de Gauche)
  • Marie-Pierre VIEU (GUE/NGL, Front de Gauche)
  • Bruno GOLLNISCH (NI, Front national)
  • Jean-Marie CAVADA (ALDE, Génération Citoyens)
  • Sylvie GODDYN (EFDD, Indépendant)
  • Jean ARTHUIS (ALDE, La République en marche)
  • Florian PHILIPPOT (EFDD, Les Patriotes)
  • Nathalie GRIESBECK (ALDE, Mouvement Démocrate)
  • Robert ROCHEFORT (ALDE, Mouvement Démocrate)
  • Thierry CORNILLET (ALDE, Mouvement Radical)
  • Emmanuel MAUREL (GUE/NGL, Parti socialiste)
  • Jean-Luc SCHAFFHAUSER (ENF, Rassemblement bleu Marine)
  • Marie-Christine ARNAUTU (ENF, Rassemblement national)
  • Nicolas BAY (ENF, Rassemblement national)
  • Dominique BILDE (ENF, Rassemblement national)
  • Marie-Christine BOUTONNET (ENF, Rassemblement national)
  • Steeve BRIOIS (ENF, Rassemblement national)
  • Jacques COLOMBIER (ENF, Rassemblement national)
  • France JAMET (ENF, Rassemblement national)
  • Gilles LEBRETON (ENF, Rassemblement national)
  • Christelle LECHEVALIER (ENF, Rassemblement national)
  • Philippe LOISEAU (ENF, Rassemblement national)
  • Dominique MARTIN (ENF, Rassemblement national)
  • Joëlle MÉLIN (ENF, Rassemblement national)
  • Mylène TROSZCZYNSKI (ENF, Rassemblement national)
  • Patricia LALONDE (ALDE, Union des Démocrates et Indépendants)

Am 5 (4) :

  • Bernard MONOT (EFDD, Debout la France)
  • Sylvie GODDYN (EFDD, Indépendant)
  • Aymeric CHAUPRADE (EFDD, Les Français Libres)
  • Patricia LALONDE (ALDE, Union des Démocrates et Indépendants)

Am 6 (28) :

  • Tokia SAÏFI (PPE, Agir – La Droite constructive)
  • Bernard MONOT (EFDD, Debout la France)
  • Jean-Marie CAVADA (ALDE, Génération Citoyens)
  • Sylvie GODDYN (EFDD, Indépendant)
  • Alain LAMASSOURE (PPE, Indépendant)
  • Jérôme LAVRILLEUX (PPE, Indépendant)
  • Elisabeth MORIN-CHARTIER (PPE, Indépendant)
  • Jean ARTHUIS (ALDE, La République en marche)
  • Aymeric CHAUPRADE (EFDD, Les Français Libres)
  • Michèle ALLIOT-MARIE (PPE, Les Républicains)
  • Alain CADEC (PPE, Les Républicains)
  • Arnaud DANJEAN (PPE, Les Républicains)
  • Michel DANTIN (PPE, Les Républicains)
  • Rachida DATI (PPE, Les Républicains)
  • Angélique DELAHAYE (PPE, Les Républicains)
  • Geoffroy DIDIER (PPE, Les Républicains)
  • Françoise GROSSETÊTE (PPE, Les Républicains)
  • Brice HORTEFEUX (PPE, Les Républicains)
  • Marc JOULAUD (PPE, Les Républicains)
  • Philippe JUVIN (PPE, Les Républicains)
  • Nadine MORANO (PPE, Les Républicains)
  • Maurice PONGA (PPE, Les Républicains)
  • Franck PROUST (PPE, Les Républicains)
  • Anne SANDER (PPE, Les Républicains)
  • Nathalie GRIESBECK (ALDE, Mouvement Démocrate)
  • Robert ROCHEFORT (ALDE, Mouvement Démocrate)
  • Thierry CORNILLET (ALDE, Mouvement Radical)
  • Patricia LALONDE (ALDE, Union des Démocrates et Indépendants)

Am 7 (2) :

  • Bernard MONOT (EFDD, Debout la France)
  • Sylvie GODDYN (EFDD, Indépendant)

Am 8S (8) :

  • Jean-Marie CAVADA (ALDE, Génération Citoyens)
  • Jean ARTHUIS (ALDE, La République en marche)
  • Mireille D’ORNANO (EFDD, Les Patriotes)
  • Florian PHILIPPOT (EFDD, Les Patriotes)
  • Nathalie GRIESBECK (ALDE, Mouvement Démocrate)
  • Robert ROCHEFORT (ALDE, Mouvement Démocrate)
  • Thierry CORNILLET (ALDE, Mouvement Radical)
  • Patricia LALONDE (ALDE, Union des Démocrates et Indépendants)

Am 9 (38) :

  • Tokia SAÏFI (PPE, Agir – La Droite constructive)
  • Bernard MONOT (EFDD, Debout la France)
  • Bruno GOLLNISCH (NI, Front national)
  • Sylvie GODDYN (EFDD, Indépendant)
  • Alain LAMASSOURE (PPE, Indépendant)
  • Jérôme LAVRILLEUX (PPE, Indépendant)
  • Elisabeth MORIN-CHARTIER (PPE, Indépendant)
  • Aymeric CHAUPRADE (EFDD, Les Français Libres)
  • Mireille D’ORNANO (EFDD, Les Patriotes)
  • Florian PHILIPPOT (EFDD, Les Patriotes)
  • Michèle ALLIOT-MARIE (PPE, Les Républicains)
  • Alain CADEC (PPE, Les Républicains)
  • Arnaud DANJEAN (PPE, Les Républicains)
  • Michel DANTIN (PPE, Les Républicains)
  • Rachida DATI (PPE, Les Républicains)
  • Angélique DELAHAYE (PPE, Les Républicains)
  • Geoffroy DIDIER (PPE, Les Républicains)
  • Françoise GROSSETÊTE (PPE, Les Républicains)
  • Brice HORTEFEUX (PPE, Les Républicains)
  • Marc JOULAUD (PPE, Les Républicains)
  • Philippe JUVIN (PPE, Les Républicains)
  • Nadine MORANO (PPE, Les Républicains)
  • Maurice PONGA (PPE, Les Républicains)
  • Franck PROUST (PPE, Les Républicains)
  • Anne SANDER (PPE, Les Républicains)
  • Jean-Luc SCHAFFHAUSER (ENF, Rassemblement bleu Marine)
  • Marie-Christine ARNAUTU (ENF, Rassemblement national)
  • Dominique BILDE (ENF, Rassemblement national)
  • Marie-Christine BOUTONNET (ENF, Rassemblement national)
  • Steeve BRIOIS (ENF, Rassemblement national)
  • Jacques COLOMBIER (ENF, Rassemblement national)
  • France JAMET (ENF, Rassemblement national)
  • Gilles LEBRETON (ENF, Rassemblement national)
  • Christelle LECHEVALIER (ENF, Rassemblement national)
  • Philippe LOISEAU (ENF, Rassemblement national)
  • Dominique MARTIN (ENF, Rassemblement national)
  • Joëlle MÉLIN (ENF, Rassemblement national)
  • Mylène TROSZCZYNSKI (ENF, Rassemblement national)

Certaines choses nous échappent.

Nous nous demandons par exemple, pourquoi certains ont jugé bon de voter pour le rappel du principe de subsidiarité en matière de droit de la famille et pourquoi ils ont refusé d’admettre la responsabilité de la Commission qui en s’abstenant de contrôler les pratiques employées dans le système allemand dans le cadre des litiges familiaux ayant une dimension transfrontière, a failli à l’obligation de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant et tous les autres droits connexes.

Est-ce bien logique de se réjouir de l’adoption de cette résolution tout en affirmant que les pratiques allemandes dans les affaires familiales ne concernent pas la Commission européenne ?

Nous ne comprenons pas non plus pourquoi, plutôt que de condamner tous les cas de discrimination contre des parents non allemands par le Jugendamt, ils ont préféré relever avec inquiétude tous les cas allégués de discrimination contre des parents non allemands par cette administration.

En votant un tel amendement, non seulement ils font planer le doute sur la sincérité des parents qui ont demandé leur aide et qui sans doute, leur ont transmis tous les documents de preuves de leurs sincérité, mais encore, ils remettent également en cause la qualité et le sérieux du travail d’enquête, de recherche et la rédaction de la résolution de leurs collègues qui ont participé au groupe de travail présidé par l’eurodéputée Eleonora EVI.

La résolution proposée était pourtant bien concrète, basée sur les documents que le groupe de travail a eu entre ses mains, (décisions des tribunaux allemands, du jugendamt, réponses du gouvernement allemand aux questions posées par le groupe de travail…).

La transparence selon l’UE

Qui ne sait pas aujourd’hui que l’UE c’est la transparence ?

Nous sans doute, puisqu’encore une fois, on a pu se rendre compte à quel point le fonctionnement de l’UE est opaque. L’actualité nous le montre tous les jours dans le domaine économique, mais on constate que c’est aussi également le cas lorsqu’il s’agit des enfants. Aurions-nous vu juste en évoquant la manne financière à laquelle l’Allemagne ne veut pas renoncer ?

Pour revenir à la résolution, il est très difficile de comprendre qui a voté quoi.

Le texte initial a été « haché menu », au point que des votes ont porté sur des petits bouts de phrases.

Certains amendements ont été votés, allez savoir pourquoi, à main levée, de sorte qu’il est impossible de savoir qui a voté pour et qui a voté contre…

C’est notamment le cas de l’amendement n° 22 qui portait sur le paragraphe 4 de la proposition de résolution. Ce paragraphe dénonce les tribunaux allemands qui, chaque fois qu’ils le peuvent, refusent de reconnaître un jugement non-allemand parce que l’enfant, âgé de 3 ans, n’a pas été entendu par le juge non-allemand.

Pourtant, le gouvernement allemand l’a confirmé au groupe de travail qui lui avait posé la question !

Une énigme que nous aimerions résoudre

Sur 24 amendements déposés, 16 l’ont été par Julia Pitéra (Pologne) 4 ont été proposés par Yana Toom (Estonie) tandis que Peter Jahr (Allemagne) toujours prêt depuis des années à défendre bec et ongles l’honneur de sa patrie, n’en a déposé que 4.

Forcément, comment ne pas se demander ce qui pousse une eurodéputée polonaise dont les concitoyens sont parmi les plus nombreux à se plaindre du système familial allemand (notamment sur l’interdiction faite aux parents non-allemands de parler leur langue maternelle avec leurs enfants) à mépriser ainsi ses semblables.

Quelle relation existe-t-il entre l’Etat allemand, ses institutions et organismes ou ses partis politiques et une eurodéputée polonaise qui semble de surcroît ne pas avoir bonne presse dans son pays où elle a déjà eu maille à partir avec la justice.

Nous serions très reconnaissants aux journalistes qui résoudraient pour nous cette énigme et nous sommes à sa disposition pour lui faire part des informations dont nous disposons.

Rouen : une victoire amère pour ces parents tentant de rapatrier leur enfant resté en Allemagne

Article de Christophe Hubard, paru le 24/02/2019 dans le journal Paris Normandie

Droit de suite. L’association qui se bat pour rapatrier les enfants restés sur le sol allemand vient d’obtenir une première victoire.

Alain Joly à la conférence de presse du 29 mai 2018 au Parlement européen à Strasbourg

L’association Enfants otages créée en 2011 à Rouen (nos éditions du 3 juillet 2017 et du 16 juin 2018) vient d’arracher une victoire importante. Depuis nombre d’années que ses deux fondateurs, Alain Joly et Karine Bachelier, attendaient que le Parlement européen se prononce sur les innombrables cas d’enfants restés sur le sol allemand (le plus souvent après la séparation d’un couple dont l’un des deux parents est Allemand)… Voilà qui est fait depuis le 29 novembre 2018.

Le Parlement européen a enfin voté une résolution adressée à la Commission reprenant les nombreuses critiques émises à l’encontre du Jugendamt (l’administration de la jeunesse).

« Pour nous c’est une victoire », reconnaît Alain Joly, ce parent rouennais, éloigné de sa fille depuis 2009, restée en Allemagne avec sa mère. « Ça nous donne du crédit ». Le texte a été adopté avec 580 voix pour, 18 contre et 36 abstentions.

Dans cette résolution, l’Allemagne est épinglée pour sa conception très particulière de « l’intérêt supérieur de l’enfant ». « Les pétitionnaires [ces parents ayant déposé un dossier devant la Commission des pétitions, NDLR] dénoncent le fait que […] les autorités allemandes compétentes interprètent systématiquement l’impératif de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant comme la nécessité que l’enfant reste sur le territoire allemand, même dans des cas où des abus et des violences domestiques contre le parent non-allemand ont été signalés ». La résolution a donc le mérite de poser noir sur blanc ces problèmes.

Pourtant, cette victoire laisse un goût amer. Car il est une chose de coucher sur le papier les récriminations des parents concernés mais il en est une autre de les faire siennes et de condamner de manière claire et précise ces pratiques.

Les enfants entendus dès l’âge de 3 ans en Allemagne

Plusieurs amendements ont été adoptés et ont atténué la force du texte initial. L’exemple le plus frappant est l’ajout du mot « prétendument » au moment d’évoquer les « procédures administratives et judiciaires prétendument discriminatoires ou désavantageuses […] adoptées à l’encontre [de ces parents non-allemands] par les autorités allemandes, dont le Jugendamt ».

« Tous les pétitionnaires ont fourni les documents prouvant leurs dires. Cet amendement remet en cause la sincérité du groupe de travail [de la Commission des pétitions] », réprouve Alain Joly.

Le mot prétendument apparaît encore lorsque le texte aborde un point essentiel. L’Allemagne rejette en effet des décisions rendues par d’autres tribunaux nationaux sous prétexte que l’enfant, pourtant très jeune, n’a pas été entendu, le système allemand interrogeant les enfants dès l’âge de 3 ans . « Le Parlement européen s’inquiète […] du fait que […] les autorités allemandes peuvent, prétendument, systématiquement refuser de reconnaître les décisions judiciaires rendues dans d’autres États membres [malgré les textes européens l’obligeant à le faire] dans les cas où les enfants de moins de 3 ans n’ont pas été entendus ».

« C’est la première fois que nous réussissons à faire passer une résolution, mais pour des raisons contraires, sûrement politiques, ils [les eurodéputés] ont voté contre nos intérêts », déplore Alain Joly.

Cette résolution, qui est par définition non-contraignante, doit être transmise aux parlements des États membres. À suivre.

« Personne ne fait rien »

Interview de Stéphanie Dupont-Baillon, avocate en droit des affaires et en droit international de la famille (les déplacements illicites – les enlèvements internationaux) qui suit plusieurs familles aux prises avec le système judiciaire allemand.

Quelle est l’ampleur du phénomène ?

« Il y a 300 pétitions en cours devant le Parlement européen et tant d’autres parents qui n’en ont pas (encore) déposé. Tout le monde est au courant mais personne ne fait rien. Les instances diplomatiques ne s’en occupent pas du tout. On a de très bons magistrats en France mais ils manquent de formation sur ces cas-là. Certains aspects sont très techniques. Rien que les notions d’autorité parentale, de résidence et de droit de garde ne se traduisent pas de la même manière en allemand. À vrai dire, ce n’est pas une question de nationalité. Au vu de certains cas, une fois que les enfants sont sur le sol allemand, ils ne peuvent plus en sortir. Pour eux, l’enfant sera mieux en Allemagne ».

Ce sont encore une fois des propos très durs…

« Ce discours est inaudible car il ne faut pas vexer les Allemands. La moindre critique et on prend le risque de vous sortir que vous êtes germanophobe. Moi-même au début je disais à Alain [Joly] qu’il allait trop loin. Après je suis rentrée dans les dossiers et finalement je me dis qu’il ne va pas assez loin ! Pour se rendre compte, un juge allemand m’a un jour répondu ceci dans une procédure qui est en cours : « Ce n’est pas parce qu’on n’a pas de preuve qu’on ne gagne pas ici ». L’Allemagne ne respecte pas le droit européen, refuse d’appliquer les décisions françaises alors qu’on signe le Traité d’Aix-la-Chapelle célébrant l’anniversaire du Traité de l’Élysée consacrant la coopération franco-allemande, coopération qui n’existe absolument quand il s’agit d’enfants ».

L’avis du Bundestag sur les acteurs du système familial allemand

Le palais du Reichstag, siège du Bundestag

Le Jugendamt (ou Wächteramt, office de surveillance) et son rôle en tant que parent étatique ont été traités par la Commission des pétitions du Parlement européen (proposition de résolution du 14/11/2018) et le Parlement lui-même (textes adoptés du 29/11/2018).

Ils ont notamment souligné la discrimination dont souffrent systématiquement les parents non allemands.

Les trois autres acteurs ont été examinés par la Commission de l’enfance du Bundestag qui a rendu son avis en novembre 2018.

Le texte est suffisamment clair et sans ambiguïté : le système familial allemand n’est pas qualifié et de fait, il n’est pas fiable.

Vous trouverez ci-dessous les passages remarquables (texte original suivi de la traduction) qui se passent de commentaires.

Stellungnahme der Kinderkommission des Deutschen Bundestages zum Thema « Qualitätssicherung in Kindschaftsverfahren: Qualifizierung von Familienrichterinnen und -richtern, Gutachtern und Verfahrensbeiständen ».
Déclaration de la Commission enfance du Bundestag allemand sur « Assurance de qualité dans les procédures portant sur les enfants : qualification [NdT: en termes de formation et de compétences) des Juges de la famille, des Experts et des Verfahrensbeiständen ».

Im Jahr 2017 gab es über 340.000 Kindschaftsverfahren (Familiengerichtliche Verfahren ohne Scheidung und Ehesachen an Amtsgerichten und Oberlandesgerichten).
En 2017, plus de 340 000 procédures de garde d’enfants ont été ouvertes (procédures familiales hors procédures de divorce et de séparation devant les tribunaux et les cours d’appel).

Das staatliche Wächteramt erfordert einerseits, jedes Kind vor Gefährdung und Schaden zu schützen, und andererseits garantiert die Verfassung, die Integrität und das Erziehungsrecht von Familien zu achten
D’une part, le Jugendamt [NdT: appelé dans le texte « Office de surveillance de l’Etat »] doit protéger chaque enfant du danger et d’autre part, la Loi fondamentale [NdT: l’Allemagne n’a pas de constitution !] impose le respect de l’intégrité et du droit de la famille à l’éducation

Die Kinderkommission hat sich in drei Expertenanhörungen mit den Herausforderungen beschäftigt, die sich den genannten Professionen stellen. Zusätzlich wurden betroffene Kinder und Jugendliche zu ihren Erfahrungen befragt.
Dans le cadre de 3 auditions d’experts, la Commission enfance s’est penchée sur la question des compétences que les professionnels doivent posséder. Des enfants et des jeunes ont également été écoutés à propos de leurs expériences.

Die Kinderkommission musste zur Kenntnis nehmen, dass die angehörten Experten Mängel bei der Qualifikation, dem Aufgabenverständnis und den Verfahrensabläufen benannten. Auch wurden strukturelle Defizite festgestellt.
La Commission enfance doit prendre note du fait que les experts consultés ont identifié des manques dans les qualifications, la compréhension des tâches et les procédures. Des déficits structurels ont également été identifiés.

1.1. Gruppe der Richter und Richterinnen
1.1. Groupe 1 : les juges

Familienrecht wird in der Ausbildung der Juristen nicht oder nur in geringem Maße vermittelt, und zwar weder im Studium noch im Referendariat.
Le droit de la famille n’est pas ou trop peu enseigné aux juristes, que ce soit pendant leurs études ou pendant leur stage de formation.

Die formalen Anforderungen wurden im Zusammenhang mit der Wiedervereinigung reduziert, so dass anstelle von drei Jahren nunmehr ein einziges Jahr Berufserfahrung für eine Bestellung zum Familienrichter ausreicht.
Depuis la réunification (1989), les exigences formelles ont été réduites, de sorte qu’au lieu de trois ans, une année d’expérience professionnelle suffit désormais pour être nommé juge de la famille.

Weitere formale Voraussetzungen für die Eingangsbestellung, wie sie etwa für das Insolvenzrecht gelten, bestehen nicht.
Il n’y a pas d’autres exigences formelles pour la nomination, comme c’est le cas au contraire pour les juges chargés des faillites.

Die Zahl der offenen Stellen überschreitet die Nachfrage.
Le nombre de sièges vacants est supérieur au nombre de juges disponibles.

1.2. Gruppe der psychologischen Sachverständigen bzw. Gutachter und Gutachterinnen
1.2. Groupe 2 : experts (généralement des psychologues)

An den 50 universitären Psychologischen Instituten in Deutschland gibt es keine Professur für Rechtspsychologie.
Il n’y a pas de chaire de psychologie judiciaire dans les 50 Instituts de psychologie des universités en Allemagne.

Der Richter oder die Richterin bestellt den/die Sachverständigen nach eigenem Ermessen.
Le juge nomme l’expert à sa discrétion.

Einige Experten nannten außerdem Mängel in der Abfassung von Gutachten, so werde beispielsweise nicht immer die Tatsachen-beschreibung von ihrer Interpretation getrennt.
Certains experts (ceux qui ont été interpelés par la Commission enfance du Bundestag) ont également mentionné des lacunes dans la rédaction des avis d’experts, par exemple, la description des faits n’est pas toujours distincte de l’interprétation personnelle.

1.3. Gruppe der Verfahrensbeistände
1.3. Groupe 3 : les Verfahrensbeistände (généralement traduit à tort par « avocat de l’enfant » et signifiant littéralement « surveillant/gardien de la procédure »)

Die gesetzliche Anforderung sei lediglich « geeignete Person ». Dies sei aber zu unspezifisch.
La Loi établi tout simplement qu’on doit nommer une « personne compétente ». Mais cela est trop générique.

So wurde beispielsweise bemängelt, dass Verfahrensbeistände ihre Aufgaben diffus wahrnähmen, ihre Rolle nicht klar von anderen professionellen Akteuren abgrenzten, z. B. zur psychologischen Begutachtung, und nicht immer zwischen Kindeswillen und Kindeswohl unterscheiden könnten.
Par exemple, on a critiqué le fait que les Verfahrensbeistände s’acquittent de leurs tâches d’une manière peu claire, ne distinguent pas clairement leur rôle de celui des autres acteurs professionnels impliqués, par exemple en ce qui concerne l’évaluation psychologique, et ne savent pas toujours comment distinguer entre la volonté de l’enfant et le bien de l’enfant.

2. Handlungsempfehlungen
2. Recommandations relatives à la mise en œuvre

Die Kinderkommission fordert eine verbindliche Qualifizierung von Familienrichterinnen und –richtern
La Commission enfance demande l’introduction d’une qualification obligatoire pour les juges de la famille

Entsprechend soll das Familienrecht in der universitären Ausbildung gestärkt werden.
Par conséquent, le droit de la famille devrait être enseigné davantage pendant les études universitaires.

Die Kinderkommission fordert die Weiterführung des Prozesses zur Qualifizierung von psychologischen Sachverständigen. Dazu gehören die verpflichtende Fort- und Weiterbildung von Sachverständigen und der Ausbau der dazugehörigen Strukturen. Wichtig ist darüber hinaus, die Rechtspsychologie an den Universitäten zu stärken.
La Commission enfance souhaite que le processus de formation des psychologues se poursuive. Cela inclut la formation continue obligatoire et l’extension des structures associées. Il est également important de renforcer l’enseignement de la psychologie judiciaire dans les universités.

[Es] sollte deshalb nicht länger davon ausgegangen werden, dass Psychotherapeuten grundsätzlich die Befähigung zur Erstellung psychologischer Gutachten im Familienrecht besitzen.
Il ne faut donc plus présumer que les psychothérapeutes soient généralement qualifiés pour établir des rapports psychologiques dans le cadre du droit de la famille.

Die Kinderkommission fordert verbindliche Qualitätsstandards für Verfahrensbeistände.
La commission enfance demande l’introduction de normes de qualité contraignantes pour les Verfahrensbeistände.

Es muss sichergestellt werden, dass die Auswahl der Verfahrensbeistände transparent und unter Einbeziehung der betroffenen Kinder erfolgt.
Diese sollten ihren Verfahrensbeistand ablehnen können.
Il faut veiller à ce que la sélection des Verfahrensbeistände soit transparente et implique les enfants concernés. Les enfants devraient pouvoir refuser le Verfahrensbeistand qui leur a été assigné (!).

Die Kinderkommission fordert verbindliche Standards bei der Anhörung von Kindern.
La Commission enfance exige également des normes et des protocoles contraignants pour l’audition des enfants.

Kinder und Jugendliche müssen während des Verfahrens nachfragen und sich beschweren können.
Les enfants et les adolescents devraient pouvoir poser des questions et se plaindre pendant la procédure.

Kinder und Jugendliche möchten den vom Gericht bestellten Verfahrensbeistand ablehnen oder wechseln können.
Les enfants et les adolescents souhaitent pouvoir refuser ou faire changer le Verfahrensbeistand désigné par le tribunal.

Document complet : Kommissionsdrucksache – 19. Wahlperiode – 19/04

Pédagogie : Éduquer pour le Führer

Article original en allemand de Anne Kratzer paru le 17/01/2019 sur le site Spektrum.de

© AKG Images / Lucien Lorelle (Ausschnitt)

Pour élever une génération de suiveurs et de soldats le régime nazi exigeait des mères qu’elles ignorent systématiquement les besoins de leurs bébés. Jusqu’à aujourd’hui, disent les spécialistes des sciences de l’éducation, on constate les effets de cette méthode.

Elle veut aimer ses enfants, mais tout simplement elle n’y arrive pas. La dépression pousse Renate Flens à fréquenter le cabinet de la psychothérapeute Katharina Weiss. Cette experte a tôt fait de percer derrière les problèmes de sa patiente la frustration de celle qui ne peut pas laisser d’autres personnes l’approcher.

Après une recherche intensive des causes dans le passé de Flens les deux femmes pensent avoir trouvé une coupable : le médecin Johanna Haarer qui au temps du nazisme expliquait dans ses manuels comment éduquer les enfants pour le Führer. Et pourtant Renate Flens, qui s’appelle autrement en réalité, n’a vu le jour que dans les années 1960 – bien après la guerre. Mais les livres de Haarer étaient des bestsellers. Même dans l’Allemagne d’après-guerre on en trouvait des exemplaires dans presque chaque foyer. Questionnée par sa thérapeute Flens se souvint d’avoir vu quelques livres de Haarer dans la bibliothèque de ses parents. Et un aspect particulièrement négatif de la philosophie éducative de Haarer a sans doute été transmis de génération en génération : pour éduquer de bons soldats et de bons suiveurs, le régime nazi exigeait des mères qu’elles ignorent systématiquement les besoins de leurs bébés. Ces enfants ne devaient pas avoir d’émotions ni d’attachement. Quand toute une génération a été éduquée avec ce système de sorte à ne pas s’attacher aux autres, comment peut-elle alors apprendre cet attachement à ses enfants ou petits-enfants ?

En 1934 le médecin Johanna Haarer publia son manuel « La mère allemande et son premier enfant ». Le livre se vendit à 1,2 millions d’exemplaires et devint pendant le nazisme la base de l’éducation dans les jardins d’enfants et les foyers ainsi que dans les stages de formation des « mères du Reich ».

Dans son livre Haarer recommande aux mères de faire grandir leurs enfants sans attachement. Si l’enfant pleure, il faut le laisser crier. Des câlins exagérés doivent toujours être évités.

Les scientifiques craignent qu’une telle méthode cause chez les enfants concernés un trouble de l’attachement qu’ils ont ensuite transmis aux générations suivantes. Il n’y a pas cependant d’études « randomisées » sur l’influence de la philosophie éducative de Haarer.

« Les analystes et les spécialistes de l’attachement y voient déjà depuis longtemps un sujet » dit Klaus Grossmann, qui était chercheur à l’université de Ratisbonne et qui a étudié dès les années 1970 l’attachement mère-enfants. Au laboratoire il pouvait alors reconstituer régulièrement ce type de scène : un bébé pleure. La mère se dirige vers l’enfant, mais avant d’être près de lui, elle s’arrête. Bien que l’enfant pleure à quelques mètres d’elle, elle ne fait rien pour le prendre dans ses bras et le consoler. « Quand nous demandions aux mères pourquoi elles agissaient ainsi, elles disaient qu’elle ne devaient pas gâter l’enfant. »

Ce genre de phrase et de de proverbe comme « Un Indien ne connaît pas la douleur » sont encore répandus de nos jours. Même les bestsellers « Chaque enfant peut apprendre à dormir » d’Annette Kast-Zahn et Harmut Morgenroth vont dans le même sens. Le livre conseille de coucher seuls dans leur chambre les enfants qui ont du mal à s’endormir ou à dormir d’une traite et de n’aller les voir ou leur parler qu’à des intervalles de plus en plus longs, de ne pas les prendre dans les bras, même quand ils pleurent. « Le mieux, c’est quand l’enfant est seul dans sa propre chambre » écrivait Johanna Haarer dans son manuel de 1934 « La mère allemande et son premier enfant ». Si l’enfant se met à crier ou à pleurer, il faut l’ignorer. « Ne commence surtout pas à sortir l’enfant de son lit, à le porter, à le bercer, à le promener ou à le tenir sur tes genoux, voire à le laisser téter. L’enfant comprend incroyablement vite qu’il n’a qu’à crier pour faire venir une âme compatissante et devenir ainsi l’objet d’une telle sollicitude. En peu de temps il exige comme son droit qu’on s’occupe de lui  et n’arrête pas de réclamer qu’on le porte, le berce ou le promène – et voici que règne le petit, mais impitoyable tyran du foyer ! « 

Le bébé, un esprit maléfique dont il faut briser la volonté – tels étaient les enfants selon Haarer. Les effets de cette vision se font sentir encore aujourd’hui. Qu’il s’agisse de la faible natalité, des nombreuses personnes divorcées ou vivant seules, des nombreux burnouts, dépressions, maladies psychiques en général – de nombreux chercheurs, médecins, psychologues se demandent s’il ne faut pas rapporter toute une série de phénomènes à l’absence de sentiment et d’attachement qui a marqué l’éducation des enfants.

Une vision lucide de ces phénomènes sociaux suggère toutefois assurément des causes multiples. L’influence de Haarer ne peut être constatée tout au plus que pour un cas particulier, comme celui de la patiente de Katharina Weiss. « La plupart du temps de telles thérapies mettent d’autres sujets en avant. Mais au bout d’un certain temps on entend des choses qui font penser à Haarer : le dégoût face à son propre corps, des règles alimentaires strictes et une incapacité à s’attacher » dit la psychanalyste. Même le psychiatre et psychothérapeute Hartmut Radebold parle d’un patient qui le consulta à cause de graves problèmes de relation et d’identité. Un jour, ce dernier trouva chez lui un gros livre dans lequel sa mère avait noté d’innombrables informations sur sa première année de vie  concernant son poids, sa taille ou la fréquence de ses selles – mais aucun mot sur ses sentiments.

« On nourrit, baigne, sèche l’enfant, pour le reste on le laisse totalement en paix », tels étaient à l’époque les conseils de Johanna Haarer. Elle décrivait dans tous les détails les aspects corporels, ignorait tout ce qui était psychique – et mettait en garde contre une affection « simiesque » : « Submerger l’enfant de tendres câlins, surtout quand ils viennent de tierces personnes, peut nuire et amollir à la longue. Une certaine retenue à cet égard est ce qui convient à la mère allemande et à l’enfant allemand. » Dès la naissance, il faut recommander d’isoler l’enfant pendant 24 heures ; au lieu d’utiliser une « langue enfantine ridiculement déformée » la mère ne doit s’adresser à lui qu’en un « allemand raisonnable », et quand il crie, elle doit le laisser crier. Cela fortifie les poumons et endurcit.

Les conseils de Haarer avaient une apparence moderne et scientifique, mais ils étaient faux – et on le savait déjà à l’époque – et même nocifs. Les enfants ont besoin de contact physique mais Haarer recommandait de les toucher le moins possible quand on les porte. Elle conseillait une position peu naturelle, illustrée par des images : les mères portent leurs enfants en évitant de les toucher et les fixent sans les regarder pour autant dans les yeux.

De telles expériences peuvent traumatiser. Entre 2009 et 2013 les psychologues Ilka Quindeau et ses collègues de la Frankfurt University of Applied Sciences ont étudié la génération des enfants de la guerre, pour répondre à une mission du ministère fédéral de l’éducation et de la recherche. En fait leur étude devait porter sur les effets à long terme des bombardements et de la fuite des populations. Mais dès les premières interviews les chercheuses durent modifier leur cahier des charges : les conversations concernaient si souvent des expériences familiales qu’elles décidèrent d’ajouter une interview supplémentaire de plusieurs heures sur ce sujet. À la fin, les scientifiques concluent ceci : « Ces personnes manifestent un modèle de loyauté remarquablement forte envers leurs parents. Que leurs descriptions ne mentionnent aucun conflit signale une perturbation de la relation. » En outre Quindeau indique que nulle part ailleurs en Europe on trouve un discours d’enfants de la guerre aussi exhaustif qu’en Allemagne, bien qu’il y ait eu aussi dans d’autres pays des bombardements et des destructions. La psychanalyste austro-britannique Anna Freud avait découvert en 1949 que les enfants qui avaient une bonne relation avec leurs parents avaient moins souffert de la guerre que ceux qui n’avaient pas de bonne relation. Si l’on combine ces découvertes, on constate que les interviews des enfants de la guerre en disent moins sur les bombardements et les expulsions que plutôt sur le deuil concernant les expériences familiales, telle est l’hypothèse de Quindeau. Seulement, ces expériences sont si traumatisantes qu’elles sont devenues indicibles.

Difficile de prouver cette interprétation. L’éthique interdit de réaliser des études expérimentales randomisées de contrôle sur l’influence des conseils pédagogiques de Haarer. Mais des recherches qui ne concernent pas au premier chef l’éducation durant le Troisième Reich livrent des renseignements de valeur, dit Grossmann. « Toutes les données que nous avons indiquent ceci : quand on privé durant la première ou les deux premières années un enfant d’un discours affectueux – telle était la recommandation de Johanna Haarer – on obtient ces enfants limités, incapables d’émotion et de réflexion que la recherche nous fait découvrir. »

Ce spécialiste de l’attachement affectif renvoie entre autres à une étude de long terme publiée en 2014 dans la revue spécialisée « Pediatrics » par une équipe réunie par la psychiatre Mary Margaret Gleason de la Tulane Université de la Nouvelle-Orléans, Louisiane. Gleason et ses collègues  avaient réparti en deux groupes 136 orphelins roumains âgés de six mois à quatre ans : une moitié restait au foyer, les autres furent confiés à des familles d’accueil. Le groupe de contrôle de la même région était constitué par des enfants grandissant chez leurs parents. Entre autres choses, tant chez les enfants des foyers que ceux des familles d’accueil, l’étude constata des problèmes d’apprentissage de la langue et d’attachement. Si par exemple, durant une expérience avec 89 des enfants, un étranger entrait par la porte et demandait aux garçons et aux filles de le suivre sans donner de raison, seuls 3,5% des enfants du groupe de contrôle lui obéissaient, mais 24,1% des enfants des familles d’accueil et même 44,9% des enfants des foyers.

Quand toute une génération a été élevée sans construire d’attachement, comment peut-elle apprendre cet attachement à ses enfants ?

« De tels enfants qui sont manipulables, qui ne pensent et ne ressentent rien, sont pratiques pour une nation de guerriers », dit Karl-Heinz Brisch, psychiatre et psychothérapeute à la clinique pédiatrique Dr. von Haunerschen de l’université Ludwig-Maximilian de Munich. Même dans l’antique cité de Sparte les enfants ont été ainsi élevés. « L’essentiel pour Johanna Haarer, c’est qu’on ne donne pas d’affection à l’enfant quand il en demande. Mais quand on refuse, on repousse aussi », explique Grossmann. Un bébé ne peut communiquer qu’en mimant ou en faisant des gestes. Si cela ne suscite aucune réaction, il apprend que ce qu’il dit n’a aucune valeur. En outre les bébés ont peur de mourir lorsqu’ils souffrent de la faim ou de la solitude et que leur personne de contact ne les apaise pas. Dans le pire des cas, de telles expériences mènent à un trauma de la relation qui empêche les personnes concernées de s’attacher par la suite à d’autres personnes.

Haarer, qui n’avait en tant que pneumologue aucune formation pédagogique ou pédiatrique, fut délibérément soutenue par les nazis. Les conseils de son livre « La mère allemande et son premier enfant » furent enseignés dans les formations destinées aux « mères du Reich ». Ces cours devaient inculquer aux femmes allemandes des règnes unitaires pour élever des nouveau-nés. Jusqu’en avril 1943 ce ne fut pas moins de trois millions de femmes qui subirent ces formations. En outre, le manuel de Haarer était la base de l’éducation dans les jardins d’enfants et les foyers.

Avant même de publier sa « bible de l’éducation » Johann Haarer avait traité des soins pour nourrissons dans des journaux. Plus tard d’autres livres d’elle parurent, entre autres « Mère, parle d’Adolf Hitler », une sorte de conte propageant dans une langue accessible aux enfants l’antisémitisme et l’anticommunisme, ainsi que « Nos petits enfants », un autre manuel de conseils. Après le nazisme la Munichoise fut internée durant une année. Elle resta une nazie enthousiaste jusqu’à sa mort en 1988, selon les dires de deux de ses filles. Et son idéologie personnelle n’est  pas la seule à survivre au Troisième Reich, mais aussi son œuvre principale « La mère allemande et son premier enfant » qui resta longtemps encore un ouvrage répandu. Soutenu par la propagande nazie, il atteignit un tirage de 690.000 exemplaires jusqu’à la fin de la guerre. Et même après la guerre, épuré de son jargon nazi le plus grossier, il fut acheté jusqu’en 1987 par presque autant d’Allemands, atteignant un tirage total d’1,2 millions d’exemplaires

Ces chiffres montrent le succès de l’idéologie de Haarer même après la guerre. Mais pourquoi des mères ont-elles pu pratiquer une méthode si contraire à leur intuition ? « Cela ne plaisait pas à toutes », dit Hartmut Radebold. Le psychiatre, psychanalyste et auteur a consacré des recherches intensives à la génération des enfants de la guerre. Il part du principe que le  manuel de Haarer a eu de l’influence surtout sur deux groupes : sur les parents qui s’identifiaient fortement avec le régime nazi ainsi que sur de jeunes femmes qui venaient elles-mêmes de familles détruites (souvent par la Première Guerre mondiale) et de ce fait n’avaient aucune idée de ce qu’est une bonne relation. Si leurs époux se battaient en plus sur le front en les laissant seules, surmenées et en insécurité, il apparaît naturellement qu’elles étaient particulièrement susceptibles d’adhérer à la propagande éducative de Haarer. En outre, une éducation autoritaire était bien avant 1934 tout à fait courante en Prusse. Seule une culture qui de toute manière tendait vers de telles idées d’endurcissement et d’entraînement intensif pouvait réaliser chose semblable, pense Grossmann. Cela est confirmé, poursuit-il, par les résultats d’études des années 1970 qui indiquant par exemple qu’à Bielefeld, ville du nord de l’Allemagne, un enfant sur deux avait un trouble de l’attachement et qu’à Ratisbonne, au sud de l’Allemagne, qui n’avait jamais appartenu à la zone d’influence prussienne, pas même un enfant sur trois  n’avait en revanche un tel trouble.

Pour évaluer la stabilité de la relation entre la mère ou le père et l’enfant Grossmann et d’autres scientifiques utilisent souvent le test de la situation étrange mis au point par la psychologue nord-américaine du développement Mary Ainsworth. Une mère entre dans une pièce par exemple avec son petit et le dépose près d’un jouet. Après 30 secondes elle s’assied sur une chaise et lit un magazine. Après deux minutes au plus sonne un signal censé rappeler à la mère d’encourager l’enfant à jouer, s’il ne le fait pas encore. Dans les intervalles suivants d’une à trois minutes se déroulent les scènes suivantes : une femme étrangère paraît dans la pièce se tait, les deux femmes s’entretiennent, l’étrangère s’occupe de l’enfant, la mère laisse son sac à main sur la chaise et sort de la pièce. Au bout d’un bref moment elle revient dans la pièce, l’étrangère sort. Peu après la mère sort, et l’enfant reste seul. Après peu de minutes c’est d’abord l’étrangère qui revient et s’occupe de l’enfant, puis la mère.

Les spécialistes de l’attachement observent dans les détails comment se comporte l’enfant. Si dans la situation de séparation il est brièvement heurté et pleure, mais se calme rapidement, on considère qu’il a un attachement stable (« secure »). Les garçons et les filles qui ne trouvent plus le calme ou bien qui ne réagissent pas du tout à la disparition de leur personne de référence passent en revanche pour avoir un attachement instable (« insecure »). Grossmann a fait ce test dans des cultures différentes. Il découvrit ainsi qu’en Allemagne, par opposition à d’autres pays occidentaux, beaucoup d’adultes sont positivement impressionnés par les enfants qui ne réagissent pas à la disparition de leur personne de référence. Ces parents estiment alors que ces enfants sont « autonomes ».

Tels parents, tels enfants

Ses résultats montrent en outre que des enfants, quand ils deviennent adultes et ont eux-mêmes une descendance, transmettent leur comportement d’attachement à la génération suivante. Dans le cadre de l’une de leurs études Grossmann et ses collègues ont saisi de quatre à cinq ans après le test de la situation étrange, à l’aide d’interviews, quel fut le style d’attachement des parents des enfants de l’enquête, quand ils étaient eux-mêmes des enfants. Pour leur évaluation les scientifiques n’ont pas seulement tenu compte du contenu des réponses, mais aussi des émotions des adultes pendant l’entretien. Ainsi, les chercheurs regardaient si les personnes interviewées changeaient souvent de sujet, ne répondaient que par des monosyllabes ou se lançaient dans des éloges bien trop généraux de leurs propres parents, sans décrire de situation concrète. Le résultat de la publication parue en 1988 : pour 65 parents et enfants le comportement d’attachement correspondait dans 80% des cas à celui des parents. Une méta analyse de 2016 des chercheurs réunis autour de Marije Verhage de l’université d’Amsterdam, sur la base d’un corpus de 4819 personnes, a confirmé l’effet de la transmission du comportement d’attachement d’une génération à l’autre.

Il y a actuellement différentes théories tentant d’expliquer comment exactement les parents transmettent à leurs enfants les expériences négatives de leur enfance. Entre-temps les indices s’accumulent concernant le rôle que pourraient jouer ici des facteurs biologiques. Dahlia Ben-Dat Fisher de l’université Concordia de Montréal et ses collègues ont par exemple découvert en 2007 que les enfants de mères négligées durant leur enfance ont régulièrement le matin un taux inférieur de l’hormone de stress cortisol. Les chercheurs ont estimé que c’était le signe d’une manière anormale de réagir au stress.

Une équipe réunie autour de Tobia Hecker de l’université de Zurich a comparé en 2016 en Tanzanie des enfants qui avait subi beaucoup de violence physique et psychique avec d’autres qui n’avaient subi que peu de mauvais traitements de ce genre. Ils découvrirent ici dans le premier groupe non seulement davantage de problèmes médicaux, mais aussi une forme divergente de méthylation du gène qui code la protéine proopiomélanocortine. Cette protéine est déterminante pour toute une série d’hormones, en particulier l’hormone de stress adrénocorticotrophine qui est fabriquée dans la glande de l’hypophyse. Des schémas de méthylation modifiés peuvent influer sur l’activité du gène et très probablement être transmis de génération en génération. Dans des expériences sur des animaux les scientifiques ont pu déjà bien observer ce phénomène, chez l’homme les résultats actuels ne sont pas aussi clairs.

Du point de vue comportemental on ne peut transmettre que les expériences que l’on connaît, dit Grossmann. Certes, les parents peuvent faire le point sur leur propre expérience de l’attachement et tenter d’élever autrement leurs enfants. « Mais dans les moments de stress on retombe souvent dans les schémas appris et inconscients », affirme Grossmann. Peut-être est-ce la raison pour laquelle Gertrud Haarer, la plus jeunes des filles de Johanna Haarer, n’a pas voulu avoir d’enfants. Elle a publiquement parlé de manière critique de sa mère et, après une grave dépression, elle a écrit un livre sur sa vie et ses opinions. Elle-même, dit-elle, avait longtemps refusé les contacts et n’avait aucun souvenir de son enfante. « Manifestement, cela m’a tellement traumatisée que je pensais ne jamais pouvoir élever d’enfants », déclara-t-elle dans une interview à la radio bavaroise.

Anna est psychologue et journaliste à Heidelberg. Lorsqu’elle parla de sa recherche à sa mère, cette dernière monta au grenier et lui présenta l’un des manuels de Haarer – dont elle n’avait cependant jamais pensé du bien.

Couples binationaux : « La plupart des cas d’enfants dits volés sont franco-allemands »

Article paru le 22/07/2018 dans Le Parisien

Dans une tribune au Parisien – Aujourd’hui en France, trois parlementaires européens se mobilisent pour un meilleur traitement des affaires familiales.

Entre 2007 et 2018, le Parlement européen a reçu plus de 300 pétitions dénonçant les pratiques des tribunaux et du Jugendamt, l’Office allemand de la jeunesse. LP/Olivier Corsan

Emmanuel Maurel (PS), Virginie Rozière (RG) et Edouard Martin (PS), parlementaires européens

Des centaines de nos compatriotes ont perdu la garde de leur enfant né d’une union franco-allemande, pour la seule raison qu’ils ne sont pas allemands. Les juridictions allemandes ont tendance à donner gain de cause à l’Allemand(e) qui dispute la garde de l’enfant à un(e) Français(e). Dans le cas d’un conflit transfrontalier, le verdict est le même : peu importe son lieu habituel de résidence, l’enfant issu d’un couple binational doit rester (ou retourner) sur le sol allemand, afin de protéger son « son intérêt supérieur ».

C’est le Jugendamt, l’Office allemand de la jeunesse, qui veille à l’intangibilité de cette règle. Se voulant « l’avocat des enfants », le Jugendamt, 35 Mds€ de budget, a pour mission de verser les allocations familiales et d’intervenir dans les cas de séparations judiciaires avec enfant(s). Son organisation est très décentralisée et en même temps c’est une véritable institution, un Etat dans l’Etat, qu’on appelle aussi « le troisième parent ». Il conseille les tribunaux, qui suivent ses avis, nourris par la certitude que l’Allemagne est le meilleur endroit au monde pour élever des enfants.

C’est ainsi que des parents français sont jugés inaptes à éduquer leurs enfants. C’est ainsi que des pères et des mères français perdent tout droit sur eux et s’en retrouvent définitivement séparés alors même que des jugements de tribunaux français revendiqueraient l’inverse. Ennuyeux au moment où l’on pense la création d’un procureur européen et où les juges nationaux doivent se faire mutuellement confiance. La plupart des cas d’enfants dits « volés » sont franco-allemands, mais ils sont aussi polonais, suédois, italiens… Des milliers de parents européens sont victimes de cette discrimination.

Entre 2007 et 2018, le Parlement européen a reçu plus de 300 pétitions dénonçant ces pratiques, néanmoins le droit familial ne relevant pas des compétences de l’UE, la Commission refuse toute « ingérence » dans les affaires nationales. Un règlement de 2003 existe pourtant, sur les différends transfrontaliers en matière matrimoniale et de responsabilité parentale, mais il précise que cette dernière est déterminée par la loi du pays de résidence de l’enfant. Ce faisant, la législation européenne détourne le regard de la pratique concrète des tribunaux et du Jugendamt lui-même.

Au-delà du débat « compétences nationales versus compétences communautaires », comment peut-on accepter une vision aussi unilatérale de l’intérêt supérieur de l’enfant ? Les couples binationaux sont nombreux — près de 14 % des mariages français sont mixtes et parmi eux les couples binationaux européens sont en augmentation constante. C’est l’un des heureux résultats de la libre circulation des personnes. En abolissant les frontières, l’Union européenne permet d’aimer. Mais si l’amour est permis, les séparations qui en résultent ne sont, elles, pas assez encadrées. À cause du Jugendamt et de l’inaction européenne, des centaines de couples se séparent ainsi dans l’injustice — et dans la ruine : non seulement la procédure administrativo-judiciaire allemande est infiniment plus complexe que la nôtre, mais elle est aussi exclusivement formulée en allemand et surtout… très onéreuse. Les frais d’enregistrement et d’avocats peuvent très vite dépasser plusieurs dizaines de milliers d’euros. Bafouant en toute impunité deux principes fondamentaux de l’Union — la non-discrimination à raison de la nationalité et la libre circulation des personnes, l’Allemagne, expose des citoyens européens à la plus cruelle des injustices : être définitivement séparés d’un enfant.

L’Europe doit favoriser une coordination minimale entre les différents droits nationaux de la famille, ne serait-ce que pour éviter des situations aussi kafkaïennes que celles créées par le Jugendamt, et s’intéresser davantage aux enfants issus de couples binationaux européens. Or c’est à l’Europe d’agir, en faisant respecter ses principes et en créant les conditions, concernant les affaires familiales, d’un véritable droit au procès équitable en Allemagne et partout en Europe. Représentants des citoyens, nous, parlementaires européens, refusons d’être complices d’une telle situation.

Le combat de Rouennais pour faire revenir leurs enfants restés en Allemagne avec leur autre parent

Article de Christophe Hubard, paru le 15/06/2018 dans le journal Paris Normandie

Conférence de presse du 29 mai 2018 au Parlement européen à Strasbourg

Combat. Tandis que l’association rouennaise Enfants otages continue d’aider les parents ayant perdu la garde de leur enfant, des eurodéputés tentent de faire du bruit médiatiquement.

Rencontrée il y a un an (lire notre édition du 3 juillet 2017), l’association rouennaise Enfants otages poursuit son action en faveur des parents ayant perdu la garde de leur enfant au profit de l’ex-conjoint allemand. L’accumulation des cas favorisant le parent allemand pousse des députés européens à s’emparer du sujet. Interview de Virginie Rozière (Les Radicaux de gauche), eurodéputée à l’initiative d’une conférence de presse tenue le 29 mai au Parlement européen.

Qu’est-ce qui vous a décidé à organiser cette conférence ?

« Nous avons eu une nouvelle pétition [déposée auprès du Parlement européen au sein de la Commission des pétitions, NDLR] d’une mère de famille française. Elle s’est rendue en Allemagne pensant assister à une conciliation autour de la garde de son enfant. À ce moment-là, elle avait encore l’autorité parentale exclusive. En sortant du tribunal, elle est repartie sans son enfant, le juge ayant décidé d’accorder la garde à son ex-conjoint, allant à l’encontre de la décision de justice française. »

De combien de cas parlons-nous ici ?

« Plus de 300 pétitions ont été enregistrées à ce jour par la Commission des pétitions [en 2012, on en dénombrait une centaine, mais le problème est bien antérieur, NDLR]. Et encore, il faut connaître son existence. Je viens de rencontrer une dame dans une situation similaire. Elle a entendu parler de la conférence de presse et se demandait si cela valait le coup de déposer une pétition. À mon avis, on est sur plusieurs milliers de cas. »

Qu’est-il reproché ici à l’Allemagne ?

« La violation du droit européen par le Jugendamt* (en français, « l’administration de la jeunesse », accusée de veiller aux intérêts de l’Allemagne). Nous avons des cas écrits noir sur blanc où l’on nous explique que l’enfant scolarisé en France serait mieux en Allemagne, qu’il y recevrait une meilleure éducation. La juridiction allemande ne tient pas compte des décisions prises dans le pays de résidence de l’enfant. »

« Plusieurs milliers de cas »

N’est-ce pas le travail de la Commission européenne de faire respecter la hiérarchie du droit et notamment le règlement Bruxelles II bis censé régler ces questions ?

« En effet. Nous voulons qu’elle ouvre une infraction à l’endroit de l’Allemagne pour discrimination sur la base de la nationalité. C’est une entorse aux principes fondamentaux de la construction européenne. Mais l’un de ses représentants nous a déjà répondu qu’elle n’est pas compétente. C’est faux. Si c’était seulement quelques cas, il ne lui appartiendrait pas de se substituer au juge. Mais vu l’accumulation, elle devrait demander au Jugendamt des statistiques des cas de binationaux pour voir dans quel sens va la préférence. »

Que faire ?

« Nous allons essayer de produire, pour cet automne, une résolution au Parlement adressée à la Commission et au Conseil de l’Union européenne, afin d’investiger et d’agir pour prendre la mesure. »

Quelles sont vos chances de réussite ?

« Il faut une majorité simple au Parlement. Cela nécessitera beaucoup de travail de diplomatie, tout en veillant à ne pas tomber dans l’anti-germanisme primaire. Évidemment, nos collègues allemands quelle que soit leur appartenance politique ferrailleront contre. Si on y arrive, ce sera une première sur le sujet. »

Ces questions ne sont pas récentes. Pourquoi en est-on encore là aujourd’hui ?

« Je ne me l’explique pas. Si ce n’est pour des raisons diplomatiques… Mais qu’est-ce qui peut justifier de sacrifier des centaines d’enfants ? Je ne comprends pas l’inaction de la Chancellerie française dont le devoir est de soutenir les Français opposés à une juridiction étrangère. Il en relève de la souveraineté française. »

* Présent à la conférence de presse, un ancien fonctionnaire du Jugendamt a invité les parents non-allemands à ne pas se rendre naïvement aux convocations des tribunaux allemands. « Une fois que les enfants sont partis il est difficile de les reprendre », résume Karine Bachelier, fondatrice d’Enfants otages.

Batailles juridiques et éloignement

Il y a un an, Karine Bachelier se battait pour ne pas perdre ses derniers droits sur sa fille restée en Allemagne. Son ex souhaite qu’elle prenne le nom de sa compagne allemande.

« L’audience a été annulée, raconte la Rouennaise, mère d’Amélie (14 ans) et de Patrick (11 ans), à l’origine de l’association Enfants otages. J’ai fait un tel foin après avoir déposé une nouvelle pétition… L’affaire a été classée car j’ai démontré que la requête n’était pas recevable, l’enfant étant mineur. On m’a présenté une lettre soi-disant écrite par ma fille demandant à changer de nom. Ma fille m’a assignée elle-même, alors qu’elle est mineure ! Je l’ai rappelé pendant toute l’audience au juge mais ils bafouent même leur code de procédure. »

Séparée de sa fille depuis 2011, Karine Bachelier ne l’a toujours pas revue depuis janvier 2016 (le temps d’une journée). « Ils cherchent toujours à m’effacer administrativement. C’est la prochaine étape. »

Alain Joly, cofondateur de l’association, vit un calvaire depuis 2009, quand son amie allemande quitte le domicile avec leur fille de 3 ans. Elle en a aujourd’hui 12 et son père est autorisé à la voir toutes les trois semaines pendant deux jours de 10 h à 18 h. « Elle n’a toujours pas le droit de rester dormir. C’est une ado, je rate plein de choses… » Jusque-là proche de son père, la jeune fille vit actuellement « un conflit de loyauté » entre ses deux parents. Pendant ce temps-là, depuis mars, la pension vient de faire un bon passant de 281 € à 370 €…

En direct de l’Europe. Garde d’enfants dans les divorces binationaux : le Parlement européen se mobilise

Emission « En direct de l’Europe », présentée par Anja Vogel, diffusée le 10/06/2018 sur Franceinfo

En matière de garde d’enfants dans les divorces binationaux, les services de la jeunesse allemande sont particulièrement montrés du doigt, accusés de discrimination par la commission des pétitions du Parlement européen.

Face à une justice allemande, qui sous l’influence du Jugendamt (les services administratifs de la jeunesse) tranche quasi systématiquement en faveur du parent allemand, dans le but de maintenir l’enfant sur son territoire, la commission des pétitions du Parlement européen appelle les Etats membres et la Commission à prendre leur responsabilité.

Un drame récurrent dans les divorces de couples binationaux

C’est le drame récurrent des enfants dont les parents se déchirent la garde, par tribunaux interposés. « Enfants volés », « enfants otages », enfants enlevés, ils sont victimes de situations parfois kafkaïennes, d’autant plus douloureuses lorsque l’un des parents est totalement déchu de ses droits.

Or c’est l’une des particularités de la justice familiale allemande, régie par le puissant Jugendamt (littéralement « office de la jeunesse », surnommé « troisième parent », il englobe toute l’administration publique chargée de l’aide sociale, de la protection de la jeunesse et de l’assistance aux familles). Sous son influence, les tribunaux allemands tranchent presque systématiquement en faveur du parent allemand et du maintien de l’enfant sur son sol, une préférence nationale justifiée outre-Rhin par « l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Depuis plus de 20 ans, des parents non allemands, victimes de cette discrimination

Des parents broyés depuis plus de deux décennies par les difficultés procédurales d’une machine judiciaire extrêmement dure, se réunissent en associations. Le CEED, Conseil européen des enfants du divorce, a beaucoup oeuvré et a déclenché une véritable prise de conscience dans les institutions européennes, avant que son fondateur, Olivier Karrer, ne soit emprisonné en Italie, à la demande de la justice allemande, pour avoir voulu aider Marinella Colombo, une linguiste italienne mariée à un Allemand, à récupérer ses enfants.

Aujourd’hui l’Association Enfants Otages poursuit le combat et continue d’alerter la commission des pétitions du Parlement européen, qui a mis en place un groupe de travail permanent sur le Jugendamt dès 2006. Grâce au règlement dit « Bruxelles II bis », l’Union européenne a clarifié la législation, en précisant quelles sont les juridictions compétentes. Mais avec l’Allemagne, le problème reste entier : de France, d’Italie, de Pologne, les pétitions continuent d’affluer, plus de 300 ces 11 dernières années.

« Une contradiction avec le droit européen »

Une nouvelle audition vient de se tenir au Parlement européen à Strasbourg, à l’initiative de l’eurodéputée Virginie Rozière, coordinatrice du groupe socialiste et démocrate pour la commission des pétitions. Face à ce qu’elle considère comme une « contradiction avec le droit européen » et une « discrimination de la part des tribunaux allemands », elle appelle la Commission européenne à sanctionner. Et les Etats membres à sortir de leur réserve.

Virginie Rozière prépare une résolution pour soutenir les parents privés de leurs enfants, comme la Mosellane Séverine Breit, qui s’est rendue à ce qu’elle pensait être une audience de conciliation, et s’y est vu retirer son fils de 6 ans qu’elle tente aujourd’hui de récupérer. Ou comme Paule-Andrée Boillat, qui après avoir passé 20 ans en Allemagne, où elle enseignait au lycée français de Francfort, vit aujourd’hui dans le Var, sous le coup d’un mandat d’arrêt européen pour enlèvement d’enfants, parce que ses filles ont fugué pour la rejoindre. Broyée par la machine judiciaire, jusqu’à se faire interpeller au domicile de ses parents, à Sanary, sous les yeux de ses enfants.

Des procédures et interpellations disproportionnées

Heureusement la procédure a pu être annulée côté français, grâce à son nouvel avocat, Me Gregory Thuan dit Dieudonné, par la chambre d’instruction de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, au motif que son « arrestation et la remise aux autorités allemandes seraient manifestement disproportionnées et qu’il y aurait une violation de son droit au respect de sa vie familiale ».

Reste l’essentiel pour cette maman, comme pour les centaines d’autres parents discriminés : pouvoir revoir leurs enfants. Cela ne sera possible qu’en remettant en cause le coeur du problème : il est structurel, explique Me Gregory Thuan dit Dieudonné, qui pointe « cette relation un peu incestueuse entre les services sociaux et le juge aux Affaires familiales allemand ».


Merci à Corinne Fugler (France Bleue Alsace) et à Anja Fogel (France Info) d’avoir couvert la conférence de presse du 29 mai 2018.

Conférence de presse sur le Jugendamt et le système familial allemand

Comme annoncé, le 29 mai dernier, nous étions au Parlement européen à Strasbourg, pour participer à la conférence de presse organisée par le trio d’eurodéputés Virginie Rozière, Eleonora Evi et Edouard Martin.

Si Eleonora Evi et Edouard Martin sont maintenant à nos côtés depuis plusieurs années pour dénoncer le système allemand et l’hypocrisie des pays membres (dont la France) de l’UE, Virginie Rozière a rejoint le duo en janvier 2017, date de son entrée à la Commission des pétitions. Un mois après son arrivée, elle défendait Séverine Breit, cette jeune maman dont l’enfant a été littéralement volé par le juge allemand.

A signaler également la présence non négligeable de Zdzisław Krasnodębski (Pologne), vice-président du Parlement.

Cette conférence avait notamment pour but de mobiliser la presse et d’obtenir une couverture médiatique la plus large possible. Ce fut un succès et ce n’est pas fini, même si une fois encore, on ne peut que regretter de ne pas avoir pu bénéficier d’une couverture nationale.

Elle a également été pour nous l’occasion de nous rencontrer, nous les parents victimes, puisque nous ne communiquions jusqu’à cette date, que par téléphone ou Skype.

Nous avons également réalisé l’interview d’une dizaine de parents que nous publierons après montage.

Un grand merci à nos eurodéputés et à leurs assistants, Mathieu Laurent (Virginie Rozière), Maxime Herrmann (Edouard Martin) et Chiara Giuli (Eleonora Evi), mais également à Yacine El Laoui Mohamed, Nicolaida Khier-Koskina (Commission des pétitions) et à Carlo Diana (Fonctionnaire PE) pour leur gentillesse et leur disponibilité.

Enlèvement par le Jugendamt d’un enfant polonais dont la mère souffre d’une sciatique

Le 8 septembre 2017, devait avoir lieu le procès concernant l’enlèvement d’un enfant polonais par le Jugendamt.

Les jeunes parents de cet enfant vivent en Allemagne.

Ce jour-là, une interview est réalisée chez eux, là où a eu lieu l’accident à l’origine de l’enlèvement.

Elle jouait avec lui lorsqu’une douleur lui coupa soudainement le souffle.

Cela fait plus de deux ans que leur enfant qui leur a été enlevé vit dans une famille d’accueil qui refuse tout contact avec les parents biologiques.