Rouen : quand le couple franco-allemand se déchire autour des enfants

Article de Boris Maslard et Christophe Hubard, paru le 02/07/2017 dans le journal Paris Normandie

Depuis sa séparation avec son conjoint allemand, Karine Bachelier a progressivement perdu tous ses droits sur sa fille. Elle a fondé à Rouen, en 2011, l’association Enfants otages pour aider les parents confrontés à des situations similaires. Malgré des règlements européens, l’Allemagne se réserve le droit de refuser une décision de justice prise par un autre État membre concernant, par exemple, la garde des enfants.

Karine Bachelier

Tous les mardis soir, Karine Bachelier compose le numéro de téléphone de son ex-conjoint pour joindre sa fille restée en Allemagne. En vain. « Depuis 2012, il ne répond plus », raconte cette mère de famille meurtrie.

La Rouennaise de 41 ans, au même titre que des centaines de parents, tente de faire valoir ses droits. Elle est à l’origine de l’association Enfants otages, créée en 2011 à Rouen, avec Alain Joly, un père traversant une situation semblable. Ensemble et avec un relais actif en Italie, ils viennent en aide à des parents en conflit avec leur ex-conjoint allemand pour les questions de garde et de visite. L’association estime que l’Allemagne, via le Jugendamt (en français, « l’administration de la jeunesse »), favorise très souvent le parent allemand.

« L’impression d’avoir servi de mère porteuse »

Une situation surprenante, dans une Union européenne symbole de protection, reposant essentiellement sur les différences de procédures et la difficulté à faire respecter les règlements européens entre les États membres – Bruxelles II bis en l’occurrence, adopté en 2003, censé régler ces questions.

En 1998, Karine Bachelier part six mois outre-Rhin pour un stage d’études. « Pas de bol, je l’ai rencontré au bout d’un mois, à Nuremberg », glisse-t-elle à propos du futur père de ses deux enfants, sur un ton dissimulant une colère contenue. Amélie naît en 2004, suivie de Patrick en 2007. Mais le couple se sépare peu de temps après. « Il est parti du jour au lendemain, en août2008″, pour « vivre avec son ex avec qui il a déjà eu une fille ». Pendant un an, Karine a la garde de ses enfants, le père les voit un week-end sur deux. Jusqu’au 19 octobre 2009. « Il ne les a pas amenés à l’école après une garde. » La procédure judiciaire est enclenchée pour récupérer ses enfants. Mais face au père réclamant également la garde, l’équivalent outre-Rhin du juge aux affaires familiales ordonne la séparation des enfants. Karine récupère Patrick et voit sa fille s’éloigner. Son appel pour obtenir une décision plus favorable n’y changera rien. « Jusqu’en 2011 tout est très compliqué. Le père ne respecte pas les jugements, poursuit-elle. Plus ça allait et plus il me l’apportait tard et la reprenait tôt. Petit à petit, il rognait mon droit de visite. » Au fil des mois, elle réalise son impuissance à faire respecter ses droits. « J’ai signalé les problèmes au Jugendamt mais cela n’a rien donné. J’ai tout de suite compris que je n’avais aucune chance. » C’est toutefois une employée du Jugendamt qui lui donnera officieusement un conseil prêt à tout chambouler. « Elle m’a expliqué que mon fils risquait d’être placé. » Désormais au chômage, Karine Bachelier décide de rentrer en France. « J’ai organisé mon déménagement en huit jours, sans prévenir personne », sauf son ex-conjoint. « Il a accepté de me donner son accord par écrit pour que je puisse quitter le pays avec Patrick. Je ne voulais pas être accusée d’enlèvement à mon retour. Dès le début, le père ne s’est intéressé qu’à la fille, assure-t-elle, ajoutant dans un souffle : C’est horrible une mère devant choisir entre ses deux enfants. » Depuis, le père de ses enfants s’est marié avec son ex et a pris le nom allemand de cette dernière (le sien étant d’origine polonaise).

Un à deux appels par mois

Dernier acte en date, « il m’a annoncé en mai son intention de faire une requête pour m’enlever l’autorité parentale. Si on détruit ma filiation avec ma fille, j’aurais l’impression d’avoir servi de mère porteuse car sa nouvelle femme était trop âgée pour avoir un autre enfant et leur première fille a des difficultés. » La dernière fois que Karine Bachelier a vu la sienne, c’était en janvier 2016, à peine le temps d’une journée. Son ancien compagnon tentait (en vain) de lui faire signer une autorisation pour qu’Amélie prenne le nom de sa nouvelle femme. « Elle ne m’a pas parlé. Je l’ai trouvée très fermée. Avant, c’était un rayon de soleil. Aujourd’hui, elle a des problèmes de comportement à l’école. »

Les cas similaires (lire par ailleurs) ne sont pas rares. Au titre de l’association Enfants otages, « nous recevons entre un à deux appels par mois, calcule-t-elle. « Malheureusement, lorsque les gens nous contactent c’est souvent déjà trop tard, ajoute Alain Joly, l’autre cheville ouvrière de l’association. Il faut nous appeler avant de se rendre à toute convocation allemande ou de répondre à tout courrier. » Les multiples procédures à engager (toujours en langue allemande) finissent d’user et de décourager des parents souhaitant préserver leurs enfants. « En Allemagne, il faut faire des procédures pour tout, commente Karine Bachelier. Pour les droits de visite, le lieu de résidence, l’autorité parentale, les affaires scolaires… Ce n’est pas comme en France où l’on fait un « paquet ». »

La difficulté de faire respecter des décisions prises par les deux parents renforce cette impasse. « L’Allemagne respecte en apparence les conventions et les règlements qui imposent de décider toujours en considérant le bien-être de l’enfant mais dans leur conception ce bien-être signifie être élevé en Allemagne », complète Alain Joly. « On est seuls, l’État français ne s’en préoccupe pas », soupire Karine Bachelier, découragée devant son impuissance à se faire entendre par l’Allemagne et par son propre pays…

Contact de l’association : 06 04 19 24 25.

D’autres cas en Normandie et ailleurs

Pour le co-fondateur de l’association Enfants otages, Alain Joly, le calvaire débute en 2009 quand, du jour au lendemain, son amie allemande quitte le domicile avec leur fille d’à peine trois ans. « Le tribunal allemand a estimé que je n’étais pas apte à élever mon enfant du fait de mon handicap », relate le Français, aveugle. Quelques mois plus tard, « un coup de fil anonyme passé au Jugendamt annonce que j’allais peut-être essayer d’enlever ma fille… » Après une année passée à voir sa fille trois heures toutes les trois semaines en Allemagne en présence d’un avocat, aujourd’hui, Alain Joly, désormais Rouennais, est autorisé à l’accueillir dans un appartement qu’il conserve en Bavière mais doit être accompagné d’un tiers pour sortir avec elle… « À 11 ans, elle ne peut toujours pas rester dormir chez moi », déplore-t-il, désarmé. Il continue de la voir deux jours toutes les trois semaines.

Le cas de Fabien Lecoutey est légèrement différent. Lui et sa femme sont Français, originaires de Caen. Partis vivre en 1997 à Vannes, en Bretagne, ils se séparent en 2007. Mais au cours des vacances, la mère enlève leurs deux garçons nés en 2002 et 2006 direction l’Allemagne, où elle refait sa vie. « Au commissariat, on m’a conseillé de monter une équipe pour aller chercher mes enfants car ils ne pouvaient rien faire! », se souvient Fabien Lecoutey. En 2009, il accepte finalement de céder ses droits. « Elle voulait que je signe ou sinon je ne les reverrais pas me disait-elle. » Depuis début 2016, l’aîné, 15 ans, ne veut plus voir son père. « Il ne parle plus ni à moi, ni à ma famille, ni à ses quelques très bons copains qu’il avait en France. Même le juge en Allemagne a mis en garde sur la manipulation du compagnon de mon ex-femme. Je n’aurai jamais imaginé qu’un jour un de mes enfants puisse ne plus me parler. Aujourd’hui, j’accepte toutes les situations d’échec pour réussir à conserver mon deuxième. »

Le Jugendamt intervient également lors de déménagement hors d’Allemagne. En 2007, un couple franco-allemand vivant près du Rhin projette de partir vivre à Strasbourg. Leurs deux filles sont récupérées à la sortie de l’école et placées dans une famille allemande par le Jugendamt. Ils profiteront d’un droit de visite pour prendre la fuite et franchir la frontière… France 3 leur avait consacré un reportage :

« Des auditions dès l’âge de 3 ans »

Eleonora Evi, eurodéputée italienne (Mouvement 5 étoiles), a présidé un groupe de travail (de fin 2015 jusqu’au vote du rapport final le 3 mai dernier), au sein de la commission des pétitions du Parlement européen, sur les problèmes de la protection de l’enfance.

Quel est le rôle de la commission des pétitions ?

Eleonora Evi : « Tout citoyen européen peut adresser une pétition. La commission n’a pas de pouvoir législatif mais elle permet de mettre en évidence certaines lacunes du droit européen. »

Pourquoi avoir réclamé un groupe de travail sur cette question des enfants binationaux ?

« C’est le principal problème traité par la commission des pétitions. Depuis 2006, nous avons enregistré près de 250 cas mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg car tous les parents ne connaissent pas la commission. Il existe également d’autres pétitions antérieures mais il nous est difficile de les répertorier. Cela ne concerne pas seulement la France, mais aussi l’Italie, la Pologne, la Suède ou des pays de l’Europe de l’Est. On a maintenant de vrais témoignages et des éléments concrets qui nous disent qu’il existe des discriminations [contestées par les autorités allemandes, lire par ailleurs, NDLR] entre les parents ; en particulier le parent qui n’est pas allemand est pratiquement systématiquement discriminé par le Jugendamt. »

En quoi consiste ce Jugendamt si décrié ?

« C’est une administration qui intervient toujours dans le cas des séparations avec enfant. Il devient une sorte d’avocat pour l’enfant. Il donne des recommandations au juge qui sont presque systématiquement suivies par ce dernier. Et si elles ne le sont pas, le Jugendamt peut faire appel. C’est extrêmement particulier. Cette troisième partie qu’est le Jugendamt veille aux intérêts de l’Allemagne. C’est un peu fort de le dire mais c’est ce que l’on a constaté pendant toutes ces années d’investigation. »

Pour quelles raisons ?

« Ils ont un système qui a toujours considéré que l’État allemand est le meilleur possible pour vivre et pour élever des enfants. C’est aussi fort à dire mais c’est quelque chose qui perdure même si, avec le passé, on aurait dû tirer des leçons de l’Histoire. »

Cela pourrait-il avoir un lien avec la faible démographie allemande ?

« C’est un fait : la natalité est plus basse en Allemagne. On n’a pas de preuves pour le dire mais ce serait logique. »

Vous estimez que l’Allemagne considère que le bien-être de l’enfant passe par une enfance en Allemagne ?

« Oui, vous ne le trouverez jamais écrit mais c’est ce qui se passe. De plus, je ne peux pas l’affirmer officiellement mais on peut penser qu’il y a également une considération économique. Même si le parent non allemand, qui n’a pas la garde, n’a pas les ressources financières pour soutenir l’autre parent, il sera complètement pressé par le Jugendamt et la justice allemande pour donner cet argent [en passant notamment par des huissiers, NDLR]. »

Quelles recommandations avez-vous émises ?

« Nous avons demandé à ce que soient éclairées les notions de bien-être et de l’intérêt supérieur de l’enfant et nous avons fait d’autres recommandations sur un point très important : en Allemagne, les enfants sont écoutés dès l’âge de 3 ans par le juge, les services sociaux ou le Jugendamt. Ces instants ne sont pas enregistrés et les parents n’obtiennent qu’un résumé. Et cela va plus loin. L’Allemagne s’appuie sur le fait que l’enfant (même très jeune) n’a pas été entendu dans l’autre pays pour ne pas respecter la décision précédente de cet autre État membre qui aurait par exemple donné la garde au parent non-allemand. »

Le problème est évoqué depuis des années, notamment lors de questions posées à l’Assemblée nationale en France. Comment expliquez-vous que l’on en soit encore à la rédaction de rapports ?

« La compétence européenne est très limitée sur ces sujets-là. La pression politique permettrait de mettre en lumière ces problèmes mais une partie du Parlement ne veut pas en entendre parler. Des groupes politiques ont affiché une très forte opposition à ce groupe de travail, en particulier des membres du Parti populaire européen où les Allemands sont très représentés. »

Réponse des autorités allemandes

Dans une réponse apportée à la commission des pétitions, le ministère allemand des Affaires familiales, des seniors, des femmes et de la jeunesse atteste du droit de l’Allemagne de ne pas reconnaître une décision prise par un autre État membre. « La Cour constitutionnelle fédérale a statué qu’un tribunal peut demander à entendre un enfant âgé de plus de 3 ans au moment de la décision […] L’audition peut donner une indication de la relation de l’enfant avec un parent, ce qui devrait être pris en compte lors de la prise de décision. Une audience est obligatoire en dehors des cas exceptionnels. Selon ces principes, les décisions prises à l’étranger sans audience ne seront généralement pas reconnues en Allemagne. »

De plus, tiré du rapport final du groupe de travail, ce résumé de l’intervention de M. Hoffman, représentant d’un Jugendamt de Berlin, lors d’une réunion à la commission des pétitions le 10 novembre 2016. Celui-ci dément toute discrimination de parent non-allemand : « M. Hoffmann a souligné qu’il n’y avait pas de discrimination systématique à l’égard d’un groupe de personnes sur la base de la nationalité », souligne le rapporteur. « Cependant, il peut comprendre que la complexité de la procédure allemande, les obstacles linguistiques, les distances, les différentes normes juridiques des pays et les différents concepts éducatifs peuvent conduire à des malentendus et être considérés, à tort, comme des discriminations. Il a ajouté que les différends [entre parents] peuvent durer des années, passer par de nombreuses étapes d’appel et se retrouver au final devant la commission des pétitions. Bien qu’il s’agisse de cas individuels tragiques, de son point de vue, la différence des nationalités n’est pas la clé ici, mais plutôt l’incapacité de trouver un compromis et le refus de coopérer. »

Viviane Philippe et Valérie Skubiszewski : à qui la garde des enfants ?

Voici un exemple de 2 cas connus par notre association.

Divorce : quand le Rhin sépare

Quand un couple franco-allemand divorce, les droits de garde des enfants donnent souvent lieu à des conflits aigus. En cause, la différence d’approche en matière de droit de la famille des deux côtés du Rhin, et la difficulté à se conformer à la réglementation européenne.


Article de Peter Pfeil, paru le 22/06/2016 dans le Journal Les Dernières Nouvelles d’Alsace

Article A qui la garde des enfants

Isabelle Soukiassyan et son association, un espoir pour les enfants « otages » en Allemagne

Article de Jérôme Rivet, paru le 01/07/2015 dans La Dépêche

Isabelle dans les bras de son papa Armen fin avril au domicile de ses grands-parents avec Jocelyne Courtois, fidèle soutien de la famille durant ce combat de 4 ans pour ramener la fillette d’Allemagne. / DDM, J.R.

En avril dernier, après quatre années d’un bras de fer juridique entre France et Allemagne, la petite Isabelle Soukiassyan retrouvait les bras de son père Aremn à Albi. Jocelyne Courtois, fidèle amie de la famille Soukiassya, a voulu parler à La Dépêche du Midi de l’association « Enfants Otages » qu’elle a rejoint et des possibilités offertes par le retour d’Isabelle pour les milliers d’autres enfants binationaux toujours retenus illicitement en Allemagne.

Jocelyne Courtois, parlez-nous « d’Enfants Otages » ?

Cette association, dont le siège est à Rouen, est présidée par Alain Joly. Elle regroupe des parents souvent privés de leurs enfants depuis plusieurs années, retenus en Allemagne et qui ont choisi de se rassembler pour défendre l’intérêt supérieur des enfants et préserver leurs droits fondamentaux dans l’Union européenne.

Vous êtes devenue la secrétaire de l’association ?

Pendant quatre ans, j’ai aidé mon ami Armen Soukiassyan à récupérer sa petite Isabelle qui avait été enlevée par sa mère qui a fui l’Allemagne. À son retour en avril dernier, j’ai pris contact avec cette association pour aller plus loin.

Pourquoi ?

Parce que nous avons tous compris que nous devions nous battre contre un système bien organisé, un mécanisme juridique bien huilé dont la seule finalité est d’enlever les enfants binationaux lors de la séparation de couples mixtes au profit de celui des deux parents, qu’il soit père ou mère, qui offre la meilleure garantie que l’enfant restera sur le sol allemand et qui permettra une germanisation.

Concrètement, comment ce système se matérialise-t-il ?

Lorsque cette mécanique se met en fonctionnement, c’est-à-dire que la justice et les services de l’administration en charge des affaires familiales allemandes ont connaissance d’une telle situation, dans tous les cas ou presque comme celui d’Isabelle Soukiassyan, le parent non allemand est progressivement écarté de son ou ses enfants qui ne pourront plus quitter le territoire allemand.

N’est pas exagéré de sous-entendre que l’objectif du système allemand est sous une « apparente légalité » d’enlever les enfants binationaux ?

Non, dans les cas de séparation de couples binationaux dont l’un des parents est allemand, c’est toujours le parent allemand qui obtient la garde des enfants. Même lorsque les enfants enlevés vers l’Allemagne ne sont pas nés et n’ont pas vécu en Allemagne, que le tribunal compétent est le tribunal du pays de résidence de l’enfant avant l’enlèvement, le système allemand va tout mettre en œuvre pour que le tribunal allemand devienne compétent pour traiter l’affaire et empêcher le retour de l’enfant dans son pays d’origine.

C’est précisément le cas d’Isabelle Soukiassya ?

Oui, le tribunal allemand de Hamm a tenté de détourner la finalité du droit européen applicable dans cette situation pour rendre l’enlèvement et la résidence en Allemagne d’Isabelle légaux. Il n’a pas immédiatement renvoyé Isabelle chez son père en France comme le prévoit le règlement « Bruxelles II ». Pour cela, tout en affirmant à son père que la mère avait bien enlevé l’enfant, la justice allemande a profité de la méconnaissance de la langue de Goethe d’Armen et du système scolaire allemand. Ils ont attribué le droit de garde à Armen Soukiassyan tout en fixant des droits de visite à la mère qui ont permis de scolariser Isabelle en Allemagne. Plus le temps a passé et plus la justice allemande évoquait une parfaite intégration de la fillette en Allemagne et un possible traumatisme en cas de retour en France.

Est-ce le cas depuis avril ?

En aucun cas. Isabelle parle à nouveau français. Elle a retrouvé une scolarité normale à l‘école Parmentier. Elle est heureuse avec son père et ce dernier revit à ses côtés. La petite peut parler via Skype à sa mère. Tout se passe très bien.

Mais pourquoi tout le monde laisserait faire ce système sans bouger ?

Là, je ne sais pas. J’imagine simplement qu’on a peur de mettre nos « amis » allemands en colère. C’est d’ailleurs ce que nous a fait comprendre le consulat de France en Allemagne. Malheureusement, dans ces histoires d’enlèvements d’enfants qui relèvent plus de la politique que de la justice, ce sont des milliers de vies familiales brisées.

Avec « Enfants Otages », d’autres enfants pourraient espérer recouvrer la liberté après Isabelle ?

Contrairement à ce que l’on peut penser, l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas seulement menacé dans les pays tiers de l’Union européenne. L’association est aujourd’hui essentiellement franco-italienne mais « Enfants otages » a déjà eu à venir à venir en aide à des parents espagnols et polonais.

Qui vous aide ? Comment fonctionnez-vous financièrement ?

Aujourd’hui, de plus en plus de personnes sensibles à notre cause nous aident activement ou financièrement. Nous avons également le plaisir de compter maintenant dans nos rangs André Bamberski (lire ci-contre). Son vécu et son expérience du système judiciaire nous seront très utiles.

Quels sont les besoins spécifiques de l’association dans l’immédiat ?

Nous avons particulièrement besoin de spécialistes du droit européen, du droit familial, du droit international, de traducteurs et/ou d’interprètes, de psychologues pour permettre à d’autres Isabelle de retrouver leurs parents.


Bamberski en soutien

Cet homme a lutté pendant plus de trente ans pour faire juger le responsable du décès de sa fille, Kalinka, retrouvée morte en 1982 alors qu’elle n’avait que 13 ans.

Les soupçons du père se sont toujours portés sur Dieter Krombach, le beau-père de Kalinka. Le Toulousain a fini par faire enlever le médecin allemand en 2009 pour qu’il soit jugé en France. Dieter Krombach a été condamné définitivement à 15 ans de réclusion en 2014.

Et André Bamberski a un an de prison avec sursis pour l’épisode de l’enlèvement.

Après 18 mois de combat, Isabelle Soukiassyan enfin dans les bras de son papa

Un peu tardivement,  » Enfants Otages » vous annonce qu’Isabelle a retrouvé son père le 24 avril 2015.

Après une escale en Belgique où elle a aussi de la famille, ce fut avec beaucoup de bonheur que ses grand parents à Albi, ont pu à nouveau serrer leur petite fille dans leur bras.

C’est une belle victoire plutôt encourageante, mais cela ne signifie rien. La conception allemande de l’intérêt supérieur de l’enfant n’a pas changé, les allemands ne font toujours pas d’enfants, le « Jugendamt sévit toujours et l’attitude de l’Allemagne ne nous permet pas d’être optimistes.

Bien entendu, la maman d’Isabelle peut appeler sa fille autant qu’elle le souhaite et il est déjà prévu qu’elles se voient sur skype le dimanche de 17h à 18h.

Merci à France 3 et à La Dépêche qui a suivis et soutenu la famille d’Isabelle.

Les divorces créent l’Europe de la défiance (Le Monde)

Trois parlementaires issus de trois assemblées et de formations politiques différentes s’associent pour défendre des valeurs universelles et dénoncer des faits précis. Qu’il soit porté par des parlementaires français ou italiens, le message reste le même et c’est encourageant.


Article paru le 23/01/2014 dans Le Monde

Les divorces créent l’Europe de la défiance

L’Europe doit se saisir de la question du divorce, trop peu d’harmonisation existe entre pays membre et des situations kafkaïennes naissent de ce vide, expliquent trois parlementaires.

En Europe, 13 % des couples sont binationaux. La libre circulation favorise les rencontres, à commencer par le programme Erasmus, si bien conté dans les films « L’auberge espagnole » et « Les poupées russes ». Mais si l’amour est européen, la rupture ou le divorce, eux, le sont beaucoup moins.

À moins de l’avoir vécu, personne ne peut en effet s’imaginer vers quels drames peuvent mener un divorce transnational. Personne ne peut imaginer qu’en ce début de XXIe siècle, à cause d’un divorce, vous puissiez ne plus voir vos enfants, être jeté en prison, être ruiné, être abandonné.

Il faut d’abord surmonter l’obstacle du conflit de juridiction. L’on voudrait imaginer que les justices entre États membres se mettent d’accord et se basent sur la référence du dernier lieu de résidence ou la nationalité des personnes. Dans les faits, les États défendent le plus souvent leurs ressortissants et l’on assiste à une course où le premier qui saisit le juge de son pays aura gagné!

HEURTER LES LÉGISLATIONS FAMILIALES NATIONALES

Cependant grâce au règlement européen de Rome III, entré en vigueur dans certains États membres de l’Union, il est désormais possible au moment du mariage de choisir la juridiction de son divorce, évitant ainsi ces insupportables années de procédures. Encore faut-il être informé de son existence et des enjeux du divorce transfrontière…

Une fois la compétence d’un tribunal national établie, encore faut-il pouvoir imposer les décisions de justice susceptibles d’heurter les législations familiales nationales. Personne ne peut imaginer que le Danemark ne reconnaisse pas les décisions en matière de responsabilité parentale et cautionne ainsi de facto l’enlèvement par l’un de ses ressortissants de ses enfants élevés dans un autre pays.

Personne ne peut imaginer que la législation allemande permette, de facto là aussi, de légaliser l’enlèvement de son enfant, en accusant son ex-conjoint d’avoir caressé « l’intention » de l’enlever. C’est au parent ainsi accusé qu’il revient de prouver qu’il n’a pas souhaité enlever son enfant.

DES PROCÉDURES SANS FIN

Cela représente des mois voire des années de procédures kafkaïennes durant lesquelles l’on n’autorise pas ce parent à revoir ses enfants par crainte d’enlèvement. Peu de parents réussissent à aller au bout de ces procédures sans fin, extrêmement coûteuses, pour lesquelles ils sont souvent privés d’aide juridictionnelle.

Personne ne peut imaginer qu’après avoir réussi à prouver son innocence, le parent ayant récupéré le droit de visite ou de garde, se heurtera dans la pratique à l’hostilité de l’influent Jugendamt (office allemand de protection de la jeunesse), qui peut se permettre sans grand mal de ne pas appliquer les décisions de justice.

Où est l’Europe dans tout cela? Nulle part, puisqu’il s’agit de questions administratives et judiciaires entre États, échappant à sa compétence. L’Europe est à ce point impuissante que l’on peut être poursuivi par un mandat d’arrêt européen pour une question de pension alimentaire et jeté en prison. Le mandat d’arrêt européen, créé pour lutter contre la grande criminalité, s’en est trouvé dévoyé.

RESSUSCITER LA COMMISSION PARLEMENTAIRE

Ces situations se comptent par centaines dans les documents reçus par la Commission des pétitions du parlement européen. Nous sommes trop souvent interpellés par des parents brisés, minés par le désespoir, l’injustice, l’attente et la ruine. Nous n’avons de cesse d’attirer l’attention de toutes les autorités, européennes comme nationales. En vain. « Circulez, il n’y a rien à voir » n’est plus une réponse acceptable. Ce sont des vies d’enfants et de parents bousillées parce qu’il n’y a jamais de responsable.

À quand une définition européenne de l’intérêt supérieur de l’enfant ? Pourquoi, entre Allemands et Français, ne pas ressusciter la commission parlementaire de médiation qui avait été mise en place par les gouvernements Schröder et Jospin entre 1999 et 2002 et qui avait obtenu des résultats appréciables ?

Pourquoi ne pas, à quelques États volontaires, rapprocher nos droits du divorce et de l’autorité parentale ? Pourquoi ne pas organiser chaque année des assises européennes des professionnels de la famille, où administrations, travailleurs sociaux, juges et avocats partageraient enfin leurs expériences ?

Il n’est pas fréquent pour trois parlementaires issus de trois assemblées et de formations politiques différentes, de s’associer dans une tribune. Nous le faisons pour défendre des valeurs universelles et dénoncer des faits précis. Nous n’entendons donner aucune leçon.

Chaque pays doit faire des progrès, y compris le nôtre et la citoyenneté européenne ne pourra progresser qu’à ce prix. Mais chaque relation parent-enfant compte. Humanisons les procédures et évacuons le sentiment d’abandon des parents et des enfants, otages aux mains de l’injustice, celle parfois, de leur propre pays.

Philippe Boulland (député UMP-PPE au Parlement européen)
Joëlle Garriaud-Maylam (sénatrice UMP des Français de l’étranger)
Pierre-Yves Le Borgn’ (député PS des Français de l’étranger)

UE : Rencontre sur le sort des enfants de couples binationaux après décision du Jugendamt

Communiqué publié le 10/07/2013 dans Agence parlementaire italienne

« Il est nécessaire de développer une coopération plus étroite entre les pays qui subissent des décisions du Jugendamt allemand sur les enfants de couples binationaux » a déclaré la députée européenne Cristiana Muscardini, Vice-président de la Commission du Commerce International au Parlement Européen, accompagné des députés européens Rinaldi, Angelilli, Mazzoni, Toia et de deux parents, représentants de centaines d’autres dans la même situation , lors de la rencontre qui a eu lieu hier avec le Cabinet du Commissaire Européen à la Justice, aux droits fondamentaux et à la citoyenneté, Viviane Reding.

« Il faut se coaliser contre un système de justice familiale qui considère, en cas de séparation, le parent allemand comme le seul capable d’éduquer les enfants (en réalisant ainsi un processus de germanisation) et qui empêche aux parents étrangers d’exercer leur propre fonction parentale parce que de cette manière, les enfants seront privés de leur amour, mais également d’une partie fondamentale de leur propre culture. Et nous ne voulons pas croire qu’au troisième millénaire un processus de germanisation puisse s’opérer, comme les agissements du Jugendamt le font malheureusement supposer ».

La vice-présidente du Parlement européen, la Députée européenne Roberta Angelilli, en qualité de Médiateur européen pour les problèmes internationaux concernant les mineurs, a déclaré que son bureau reçoit de nombreuses demandes d’aide de la part de parents qui, ayant des enfants en Allemagne, n’ont plus aucun contact avec eux.

Tout cela ne viole pas seulement les droits des adultes, mais cela viole également et incontestablement ceux des enfants.

Monsieur l’eurodéputé Niccolò Rinaldi a rappelé les nombreuses initiatives au Parlement européen sur le problème Jugendamt en répétant aux membres du Cabinet que s’ils confirmaient encore une fois leur impuissance à intervenir, ils provoqueraient une méfiance certaine de la part des citoyens envers les institutions européennes. « La Commission, a-t-il, souligné, ne devrait pas sous-estimer ce problème qui ne concerne pas seulement les parents séparés, mais qui touche le respect des droits fondamentaux et qui concerne l’avenir de l’Europe elle-même ».

Madame l’eurodéputée Toia a en outre souhaité que le Commissariat de Viviane Reding ait le courage de se battre et d’imposer le respect des droits fondamentaux des enfants, comme elle s’est déjà battue pour d’autres nobles causes.

En conclusion de cette rencontre, les parlementaires européens ont décidé d’envoyer une lettre au Président lituanien Dahlia Grybauskaite, qui prendra pour un semestre (à partir du 1er Juillet 2013) la présidence de l’Union européenne, et de demander que le Conseil affronte le problème.

Traduit de l’Italien par l’association

Mineurs : Parlementaires italiens, lutte de l’UE contre les lois allemandes

Communiqué publié le 10/07/2013 dans Ansa

Rencontre de la vice-présidente Reding, lettre à la présidence lituanienne

L’Ue doit prendre position et organiser une « coopération plus étroite » entre les pays dans lesquels on subit les conséquences des actions du Jugendamt et de la législation allemande qui, dans les cas de séparation de couples binationaux, reconnaît seulement au parent allemand le droit de garde des enfants. C’est ce qui a été demandé par un groupe de parlementaires européens italiens, lors d’une rencontre avec le vice-président de la Commission européenne et Commissaire à la Justice, aux droits fondamentaux et à la citoyenneté, Viviane Reding. Les députés ont aussi envoyé une lettre au premier ministre Lituanien, Dahlia Grybauskaite, président pour six mois de l’Union Européenne (UE), afin de lui demander de faire en sorte que le Conseil affronte le problème.

Ont également participé à cette rencontre, le vice-président du Parlement européen et médiateur Européen pour les problèmes internationaux relatifs aux enfants, Roberta Angelilli, le vice-président de la Commission du Commerce international, Cristiana Muscardini, le chef du groupe ALDE, Niccolo’ Rinaldi, le président de la Commission des Pétitions, Erminia Mazzoni, le vice-président du groupe S&D Patrizia Toia et deux parents qui représentaient les centaines de parents touchés par le problème du Jugendamt.

« Il faut se coaliser contre un système de justice familiale qui réalise un processus de germanisation » a observé Roberta Angelilli, en ajoutant que nous ne voulons pas croire qu’au troisième millénaire puisse s’opérer un processus de germanisation comme les attitudes du Jugendamt le font malheureusement supposer ».

Monsieur Rinaldi a rappelé les nombreuses initiatives au Parlement européen sur le problème Jugendamt, en répétant aux membres du Cabinet que s’ils confirmaient encore une fois leur impuissance à intervenir, ils provoqueraient une méfiance certaine de la part des citoyens envers les institutions européennes. Madame Toia a souhaité que le Commissaire Reding ait le courage de se battre et d’imposer le respect des droits fondamentaux des enfants.

Traduit de l’Italien par l’association