Conférence du 12 décembre 2012 au Parlement Européen

De gauche à droite, Erminia Mazzoni, Marinella Colombo, Flo Clucas, Philippe Boulland, Cristiana Muscardini, Manuel Sarno et Sara Vatteroni.

Le 12 décembre 2012, nous nous sommes rendus à Strasbourg pour assister à la conférence au Parlement Européen dont le thème était « Le droit des enfants binationaux et le Jugendamt (service administratif de la jeunesse allemand) ».

Liste des intervenants :

  1. Madame Cristiana Muscardini (ouverture)
  2. Madame Flo Clucas
  3. Monsieur Philippe Boulland, député européen, membre de la commission des pétitions
  4. Madame Marinella Colombo, maman italienne
  5. Monsieur Philippe Boulland
  6. Une maman allemande
  7. Madame Nathalie Griesbeck, membre de la Commission des Libertés civiles, de la justice et des affaires internes
  8. Maitre Grégory Thuan, avocat à la cour européenne des droits de l’Homme
  9. Monsieur Maxime Obé, assistant de M. Boulland
  10. Monsieur Arnaldo Ferragni
  11. Maitre Grégory Thuan
  12. Monsieur Niccolo Rinaldi (conclusion)

Intervention de Madame Cristiana Muscardini (ouverture)

Il semble que les organisateurs de cette conférence dont Marinella Colombo, Monsieur Niccolò Rinaldi, Madame Erminia Mazzoni et Madame Cristiana Muscardini aient rencontré quelques « difficultés » pour mettre en place cette rencontre et à ce titre, nous les remercions pour le mal qu’ils se sont donnés.

Nous remercions également les intervenants dont certains comme Philippe Boulland (France) ou Cristiana Muscardini (Italie) tous deux députés européens qui soutiennent notre cause depuis longtemps déjà.

Parmi les difficultés rencontrées, citons notamment la volonté de l’allemand Monsieur Martin Schulz, Président actuel du Parlement, de faire retirer le logo du Parlement européen des invitations qui avaient été préparées. Il serait d’ailleurs intéressant de connaître la raison qui a motivé cette demande.

Notons également, avant de rapporter ce qui s’est dit lors de cette conférence, qu’il est dommage qu’aucun député allemand n’ait pu se rendre disponible pour y assister. Toutefois, deux assistants étaient présents pour prendre des notes et ne sont à aucun moment intervenus. Nous saluerons donc encore une fois le sens des responsabilités et le goût du travail bien fait des allemands qui a fait la réputation de ce pays. Mais c’était, à notre avis, inutile d’engager des dépenses pour cela car bien entendu, un rapport aura dû être remis aux intéressés.

En tout état de cause, à une présence allemande « virtuelle », nous aurions préféré une présence réelle qui aurait permis de véritables échanges au cours desquels, les parents non allemands eux-mêmes, forts de leurs expériences personnelles, auraient pu donner une autre couleur au débat. En effet, qui d’autres auraient été mieux placés que ces parents pour témoigner ? Lors de litiges entre patrons et salariés, ce sont bien ces mêmes personnes qui se retrouvent autour d’une table.

A cet égard, nous avons trouvé judicieuse la proposition de Madame Colombo d’inviter des parents lorsqu’une autre délégation européenne se déplacera à Berlin comme en novembre 2012 ou lors de toute autre rencontre, réunion ou assemblée sur le thème du droit familial, du Jugendamt et des pratiques administratives dans ce domaine en Allemagne.

Madame Cristiana Muscardini a ouvert la séance en précisant qu’il ne s’agissait pas d’une guerre contre quelqu’un, mais de la nécessité de trouver une solution après des années de travail sur un problème grave et complexe. Faute d’interprète en début de conférence, Madame Muscardini qui a dû s’exprimer en Français (merci à elle), a employé les mots « problèmes lourds »

Intervention de Madame Flo Clucas

Avant les Élections municipales en 2010, Miss Flo Clucas était le Leader Adjoint de Liverpool et le Membre Exécutif pour la Financeet l’Europe. D’abord élu au conseil en 1986, Madame Clucas a tenu un certain nombre de portefeuilles : Finance, Développement Économique, Logement, Soin Social et Santé, Environnement, Sécurité Communautaire et Services de Voisinage et Affaires européennes. Dans son Portefeuille elle a la responsabilité d’Affaires européennes.

Elle a été un membre du Comité des Régions depuis 2002, se joignant comme un membre alterné de 2002 à 2006 et comme un membre à part entière dans ce mandat. Elle est le Président de l’Alliance des Libéraux et des Démocrates pour l’Europe, un groupe de plus de 100 membres à travers l’UE. Madame Flo Clucas est actuellement le Président du Budget européen de CoR (2014-20)la Commission, où elle est aussi le Rapporteur sur les propositions Budgétaires de l’Union européenne dela Commission.

Intervention de Madame Flo. Clucas le 12 décembre 2012 dans l’enceinte du parlement européen (Traduit de l’Anglais par l’un de nos membres).

« Merci beaucoup pour cette invitation. Je suis heureuse de pouvoir être avec vous pour ce séminaire, même si ce sera bref, sachant que c’est quelque chose que nous devons prendre

avec sérieux en tant que libéraux démocrates en Europe. Nous pensons que l’enfant devrait être considéré en premier, lors d’une quelconque confrontation sur l’autorité parentale ou à son accès. Un enfant a deux parents, parce qu’il faut deux personnes pour faire un enfant et deux parents ont le droit de s’attendre à ce qu’ils soient considérés sur un même plan d’égalité. Un enfant, lorsqu’il est né a le droit de connaitre ses deux cultures, pas seulement une, de même il a le droit de connaitre deux langues et non seulement une. ».

(Un rappel est fait sur le droit des femmes et l’égalité des sexes, en faisant référence à la charte qui guide « the Committee of the Region’s ALDE group ».

Elle prend un exemple britannique d’une femme mariée avec un étranger et ayant eu deux enfants binationaux. Six ans plus tôt, le père des enfants les a pris, a quitté le pays, et depuis elle ne les a jamais revus. L’élément utilisé par le père des enfants pour justifier ses actions a été de dire que cette femme avait des problèmes de santé mentale.

Sachant que ses filles vont avoir dix-huit ans cette année, une voisine de la famille a pensé faire quelque chose pour aider cette mère de famille, elle les a retrouvées sur facebook, malheureusement ses filles ne parlent plus anglais. Elle a donné les éléments récupérer sur facebook à cette mère britannique, qui ne les a pas reconnues. Elle ne les avait pas revues depuis trop longtemps. Elle n’avait pas pu communiquer avec ses filles, parce que la cour de justice de ce pays lui avait interdit tout contact avec elles. Depuis elle a tenté de se suicider deux fois et s’est mis à boire de manière importante.

La question est de savoir si chacun d’entre nous n’aurait pas agit de la même manière que cette femme. Malheureusement, il n’y a pas de fin heureuse à cette histoire.

Nous devons faire en sorte que les pays, et plus particulièrement celui dont nous parlons aujourd’hui, comprennent les conséquences de ce genre de situation sur les personnes pour que nous puissions faire en sorte que ces histoires se terminent avec plus de bonheur.

C’est la raison pour laquelle, nous sommes là aujourd’hui à vos côtés, en espérant pouvoir contribuer à faire changer les choses, sachant que l’Union Européenne ne peut rien pour le moment.

Intervention de Monsieur Philippe Boulland

Monsieur Philippe Boulland, député européen membre de la Commission des pétitions a ensuite pris la parole. Il a précisé que ce sujet lui tenait à cœur et que dès sa prise de fonction, il a très vite été interpellé par le nombre de pétitions concernant le Jugendamt et par toutes ces souffrances d’enfants et de familles. Toutes ces pétitions étaient régulièrement classées comme recevables, mais « disparaissaient ensuite dans la nature ». A sa demande, la commission a décidé pour la deuxième fois d’approfondir ce sujet. Une première mission avait été organisée en 2009.

Il a insisté sur le fait qu’il ne fallait pas se tromper de combat et qu’il ne fallait pas mettre en avant d’autres problématiques qui gênent le travail effectué au Parlement européen et qu’ils (ndlr : les parlementaires sensibles au problème) s’attèlent à faire progresser au travers de la Commission des pétitions. Certains mettent en avant le déclin démographique allemand, d’autres mettent en avant l’argent que rapportent les enfants à l’Allemagne (pensions alimentaires, droits de visites surveillées, tribunaux, expertises psychologiques presque toujours truquées etc.) pour expliquer l’attitude allemande.

Il nous a par ailleurs déclaré qu’au travers de la Commission des pétitions, le Parlement européen s’était positionné pour dénoncer la problématique qui se présente dans le cadre de séparations de couples binationaux avec un parent allemand et a insisté que cette problématique n’existait qu’avec l’Allemagne.

Le Parlement européen se heurte donc, selon Monsieur Boulland à l’attitude plutôt protectionniste des parlementaires allemands qui mettent en avant la législation de leur pays comme étant un pré carré dans lequel les parlementaires européens ne peuvent pas pénétrer pour faire bouger les choses.

Il a ensuite évoqué les difficultés qu’ils avaient rencontrées pour faire voter quelques unes de leurs propositions, face à une « levée de boucliers des allemands et de leurs amis qu’ils avaient réussi à ramener pour le vote ». Malheureusement, la proposition principale n’a pu être votée : l’institution en Allemagne d’un médiateur à l’image du défenseur des droits en France, qui aurait la capacité, en cas d’erreur de jugement ou de « diagnostic » du Jugendamt, de remettre en cause ce jugement et de refaire une analyse. « Seuls deux pays en Europe ne disposent pas d’un médiateur national ; l’Allemagne est l’un de ces deux pays. Sans cette possibilité de recours, il y a une inégalité de jugement et de traitement des citoyens européens sur l’ensemble du territoire européen ». Selon Philippe Boulland, ce médiateur, à condition qu’il ait un véritable pouvoir, serait la solution aux problèmes de divorces binationaux. »,

Philippe Boulland a ensuite abordé l’usage abusif et inadmissible du Mandat d’Arrêt Européen (MAE) par l’Allemagne en évoquant l’affaire Gilberti :

« …Il y a dans les procédures d’urgence, un recours trop systématique au MAE, comme cela a été le cas trop facile de Monsieur Gilberti qui relevait complètement d’accords binationaux qui se basaient uniquement sur des procédures civiles et non pas sur des procédures pénales. Là, on a squizé complètement dans le cas de Monsieur Gilberti, les procédures civiles pour arriver à une procédure pénale et au lancement d’un MAE, ce qui est inconcevable. C’est même inadmissible. C’est à dénoncer fortement… La procédure d’urgence, je vous rappelle ce que c’est. Quand un couple qui divorce s’entend pour la garde des enfants et se fâche après, si le parents allemand est de mauvaise foi, alors qu’il s’était entendu avec le parent non allemand pour qu’il passe des vacances en France avec les enfants, il peut dénoncer un rapt auprès du Jugendamt et un MAE est lancé… ».

Le député a ensuite souligné que désormais, beaucoup d’allemands se plaignaient également du Jugendamt et qu’on ne peut dès lors pas parler de discrimination en raison de la nationalité (NDLR : S’il est vrai que le Jugendamt sème la terreur parmi les allemands eux-mêmes, il n’en reste pas moins vrai que lorsque l’un des parents n’est pas allemand, qu’il soit père ou mère, il se verra quasi systématiquement et progressivement écarté de ses enfants par des moyens qui relèvent souvent de la torture psychologique.)

Une autre pratique très courante en Allemagne a également été évoquée : « lorsque le Jugendamt intervient, se trompe et juge et partie, conseille anormalement les tribunaux et aboutit à une conclusion qui est inique pour une famille, la procédure est complètement stoppée. Cela peut durer des années et rien n’est fait pour maintenir le contact entre le parent non allemand et ses enfants. « … c’est inadmissible qu’on rompe ce lien, quelque soit la procédure en cours… Après quelques années, on dit, il ne se voient plus, ils ne se connaissent plus, il n’y a plus de relations entre eux, donc on tranche pour confier la garde au parent allemand… Ce sont des procédures qu’il faut dénoncer et je vous assure qu’à la commission des pétitions, nous n’arrêterons jamais de nous battre pour cela. ».

Monsieur Boulland a finalement terminé son allocution en rappelant que le poids du Parlement Européen n’était pas décisif et a encouragé la médiatisation de cette affaire… ».

Intervention de Madame Marinella Colombo

Marinella Colombo a ensuite pris la parole pour faire quelques remarques à Philippe Boulland avant son départ pour se rendre là où d’autres affaires l’attendaient. Son attaché, Maxime Obé est resté jusqu’à la fin de la conférence. Après avoir pris connaissance du rapport de la délégation européenne qui s’est rendue à Berlin le 23 et le 24 novembre 2012, elle a encore une fois constaté « qu’il y a des demi vérités qui sont dites par les allemands et qu’en tant que demi vérités, ce sont des mensonges… ». Elle a pris pour exemple qu’ils « parlent du code civil allemand tout en se gardant bien de parler du code social et du Fam. FG, c’est-à-dire un code qui règle les décisions non contradictoires, ce qui est déjà tout un programme… ».

Elle a ensuite évoqué l’affaire de Monsieur Gilberti et a critiqué la manière dont l’information a été publiée. « On explique que c’est un papa qui n’a pas payé la pension alimentaire de façon à ce qu’on dise en France qu’il a effectivement commis un délit s’il n’a pas payé la pension alimentaire de ses enfants. Or, le problème est tout autre et on n’en parle pas. Ce n’est pas l’ex femme de Monsieur Gilberti qui réclame le versement de cette pension, mais l’état allemand. Grâce à la mesure de la Beistandschaft, Monsieur Gilberti, comme tous les autres parents non allemand est devenu débiteur à vie de l’état allemand. D’ailleurs, nous venons d’apprendre que la pétition qui a été déposée contre cette mesure vient d’être déclarée recevable parla Commission… ».

Après quoi, Marinella Colombo est revenue sur le MAE en apportant son témoignage personnel : « … Quand on dit, oui effectivement, il y a un usage un peu exagéré du MAE, vous savez, j’étais partie en Italie en 2008 en vacances avec mes enfants et le jour où mes enfants étaient avec leur père, j’ai été insérée dans la liste Interpol pour avoir enlevé mes enfants qui étaient avec leur père. Cela fait maintenant deux ans que mes enfants ont disparu en Allemagne, qu’on efface leur famille et toute leur culture italienne, tout comme pour plusieurs parents ici présents qui viennent témoigner le même fait… Alors vous comprenez, moi, je ne suis pas quelqu’un qui boit ou qui devient fou etc. Moi j’ai écrit un livre et quand je vous parle, je vous parle des lois et des codes allemands, parce que moi, ayant vécu dix ans en Allemagne, tout en parlant parfaitement l’Allemand, j’ai été discriminée. Je n’ai pas été discriminée parce que je ne comprenais pas la langue. J’ai été discriminée parce que justement, je comprenais ce qui était en train de se passer. Parce que quand, la dernière fois que j’ai eu la possibilité d’aller en Allemagne, c’est-à-dire, au mois de juin de cette année, je me suis retrouvée devant la juge de la cour d’appel qui implorait le Jugendamt de me faire rencontrer mes enfants que je ne voyais plus depuis un an et demi et qui étaient dans la pièce d’à côté ; et le Jugendamt qui répondait non, il faut faire une demande de visites surveillées ; et la juge qui continuait d’implorer ; alors comment peut-on dire que le Jugendamt est un service social qui est là pour apporter aide et soutien au juge ? Je l’ai vu de mes yeux. Il y avait la juge qui demandait au Jugendamt « s’il vous plaît, est-ce qu’on peut lui faire rencontrer ses enfants ? » ; et elle le faisait parce qu’elle savait que cette audience avait été médiatisée, parce qu’elle savait que le jour d’après, si je n’avais pas rencontré mes enfants, tout le monde l’aurait su… Et donc pourquoi continue-t-on à essayer de cacher la vérité ? Il y a des parents qui ne sont pas venus aujourd’hui, parce qu’ils ont peur, ils ont peur de terminer comme Monsieur Gilberti. Parce que sans rien faire, on peut se retrouver avec un mandat d’arrêt. Moi, je n’avais rien fait et je me suis retrouvée avec un mandat d’arrêt… je me suis retrouvée en prison… Alors que quelqu’un comme moi meure… Il n’y a pas besoin de se suicider pour mourir en prison (NDLR : Madame Colombo est italienne. L’Italie fait régulièrement l’objet de condamnations en raison de la surpopulation carcérale)… Et moi je ne peux pas oublier d’avoir porté deux enfants dans mon ventre. Je ne peux pas l’oublier… Et on essaye de nous faire de grands discours : normalement le Jugendamt travaille bien. Alors je vous dis, les couples allemands qui ont des problèmes avec le Jugendamt (moi aussi, parce que je connais la langue, j’ai vu des centaines de dossiers) ont toujours, ou bien une origine étrangère, ou bien des liens très étroits avec l’étranger. Il y a ici une femme, elle est allemande, qui a fait la faute de très bien s’entendre avec son mari français…

Alors, on parle de litige, quel litige ? Il n’y a pas de litige. Quand il y a un parent allemand qui regarde vers l’étranger, qui a de bonnes relations avec l’étranger, lui aussi est criminalisé. Alors vous comprenez… OK. Monsieur Philippe Boulland fait signe qu’il doit absolument s’en aller. Comme je vous l’ai dit, j’ai fait une analyse de tout ce qui est écrit dans ce rapport. Ce n’est pas l’émotion que j’essaye de laisser chez moi, mais c’est vraiment une analyse très claire très lucide de tout ce qui manque et de toutes les lois allemandes dont on ne parle pas.

Intervention de Monsieur Philippe Boulland

Avant de partir, Monsieur le député Philippe Boulland a confirmé qu’il connaît l’histoire de Madame Colombo et souscrit complètement à ses propos, mais qu’il faut comprendre que lorsqu’au Parlement Européen, il s’est agi de faire adhérer des parlementaires allemands à cette cause de lutte contre le Jugendamt et les mauvaises décisions du Jugendamt, leur première réaction a été de dire qu’ils ne pouvaient pas accepter qu’on mettent en avant une position allemande volontariste pour un problème de démographie ou de fiscalité etc.

« …Donc, nous nous braquons tout de suite nos collègues parlementaires allemands, alors que j’espérais que nous aurions au contraire une caution de leur part. Mettre en avant ce que certaines associations mettent en avant parfois de manière un peu outrancière les a complètement braqués et il a fallu que je me justifie auprès de ces parlementaires qui pensaient que j’épousais cette cause. Cela a été un obstacle flagrant à la discussion diplomatique et amicale que nous pouvions avoir entre nous… (NDLR : de brèves interventions de quelques secondes que nous avons pas entendues) Il ne faut pas non plus discréditer systématiquement à 100 % ces organismes là si on veut de façon législative ou diplomatique, atteindre un but qui est commun et qui est de défendre vos enfants et le lien que vous avez avec eux. C’est notre but commun que j’épouse complètement. ».

Intervention d’une maman allemande

Puis intervient le couple franco-allemand dont parlait Madame Colombo. C’est la maman qui est allemande qui prend la parole : « … Je ne suis pas d’accord avec vous lorsque vous dites que le Jugendamt ne fait pas que des choses mauvaises. Je viens d’entendre à la télé allemande il y a deux jours que le Jugendamt aura, à partir de janvier 2013, le droit, dans l’état de Badenwurtenberg, d’intervenir immédiatement dans les maternités pour retirer les enfants si par exemple, on l’informe d’un problème dans un couple.

Le Jugendamt n’existe qu’en Allemagne et vous ne pouvez pas dire : bon, la DASS fait certainement aussi des erreurs… Un bruit de fond a rendu quelques secondes de ses propos inaudibles. Le Jugendamt est protégé par toute la politique. Pour moi, le vrai problème, c’est le Jugendamt. Je vous demande vraiment de faire quelque chose contre ce système parce que ça ne peut pas continuer comme ça… On est des tas de parents ici qui se battent contre ce système depuis des années sans aucun résultat. On nous prend nos enfant, on nous prend notre argent, on devient pauvres ; le Jugendamt se fiche royalement des enfants et de leur bien-être. C’est comme ça en Allemagne, et c’est la vérité.

Monsieur Philippe Boulland répond une dernière fois avant de partir : « Je comprends tout à fait que vous puissiez avoir un avis tranché parce que votre défense passe par vos combats respectifs. Mais nous, nous ne pouvons pas afficher au Parlement européen et vis-à-vis de nos collègues européens ou au-delà du Parlement européen, une position aussi tranchée que celle que vous avez. Ce n’est pas possible. Donc si vous voulez tenir ce discours là à d’autres parlementaires qui se désintéressent complètement du Jugendamt, je veux bien, moi, je pense que je m’en occupe énormément, nous avons les mêmes perspectives, le même but et je suis là pour vous défendre, Madame Erminia Manzoni et d’autres parlementaires qui ont compris la problématique aussi. Le Jugendamt, c’est vraiment un problème intrinsèque à l’Allemagne, je suis tout à fait d’accord avec vous. Il faut trouver des solutions. Donc les solutions, moi je suis preneur de toutes les solutions que vous voulez. A notre stade à nous parlementaires, avec le travail législatif que nous avons à faire ou les recommandations ou les motions et tout l’arsenal législatif qui est en notre possession, nous sommes déjà limités. Mais si nous voulons un peu faire bouger les choses, il faut qu’il y ait de plus en plus de députés intéressés et concernés et interpellés par ces sujets là. Je suis tout à fait d’accord avec vous, mais je pense, je suis parlementaire, que de temps en temps, il faut mettre des nuances dans les propos. Mais sur le fond, je suis entièrement d’accord avec vous et je reste à votre disposition pleine et entière. ».

Intervention de Madame Nathalie Griesbeck

La Députée européenne membre de la Commission des Libertés civiles, de la justice et des affaires internes, Nathalie Griesbeck, malgré un emploi du temps chargé, a elle aussi tenu à passer pour nous témoigner son soutien :

« … On se rencontre souvent sur Internet et vous êtes nombreux à me faire part de votre désarroi, de votre fureur et de votre désespérance par rapport à la situation que vous rencontrez. Je suis membre de la commission des libertés de la justice et des affaires intérieures et c’est sous cet angle que j’essaye d’apporter ma pierre à un édifice qui est compliqué à édifier en raison de la diversité des droits nationaux dans l’espace européen. C’est justement par cet appartenance à cette commission que j’essaye vraiment depuis de longs mois « d’actionner » les chose vers une harmonisation. Plus on sera dans un espace européen, plus il y aura des histoires d’amour entre personnes issues d’états membres différents avec bien sûr, des effets juridiques très importants. Donc, lorsqu’on m’a signalé, il y a longtemps déjà, les difficultés graves liées aux décisions du Jugendamt et donc de l’application de certaines des dispositions du droit allemand, j’ai pris mon bâton de pèlerin pour rencontrer le plus d’interlocuteurs, solliciter très régulièrement Viviane Reding, la commissaire en charge de ces aspects là et j’ai aussi fait des éléments de médiatisation par rapport à ce que je trouve totalement inadmissible par rapport à cette mise en œuvre du Jugendamt, de décisions sur la situation des enfants de couples binationaux dont l’un au moins est allemand. C’est vrai que ce n’est pas toujours couronné de succès, mais lors de la dernière rencontre que j’ai eue avec la commissaire Reding, elle a eu une position qui était davantage une position de coopération par rapport aux actions que je tente, que je mène et que je poursuivrai.

Alors, on a envisagé, au travers d’une « interpellation » de la ministre de la justice allemande que j’ai sollicitée pour attirer, en tant que députée européenne, avec les collègues (il y a aussi des questions qui sont posées), l’attention des gouvernants allemands sur la situation de nombreuses familles.

Comme j’ai été sollicitée (je ne suis pas membre de la commission des pétition), je crois que vous avez vu Philippe Boulland, je lui ai dit qu’il fallait qu’il vienne même peu de temps pour apporter son témoignage par rapport aux travaux et à la mission qui s’est déroulée à Berlin. Mais pour en revenir à la coopération avec Viviane Reding, je pense qu’en travaillant avec les gouvernants allemands, peut-être qu’on pourra un peu bouger les choses.

Je finis ma phrase par rapport à ce que je disais, par rapport aux personnes qui me sollicitent, il y a aussi des allemands qui souffrent des décisions du Jugendamt. Donc, j’avance aussi cet argument là qui brise un petit peu le système qui consiste pour l’Allemagne, à considérer que quoi qu’il arrive, c’est le droit allemand et que le membre du couple qui ne l’est pas ne le concerne pas. J’ai des exemples de citoyens allemands qui souffrent de ces décisions. Que les allemands préfèrent s’adresser à des personnalités politique françaises ou, comme nous le verrons lors de l’intervention de M. Thuan, à des avocats français, cela mérite peut-être réflexion.

J’essaye donc, à la petite taille de mon action (mais c’est en travaillant ensemble qu’on aboutira peut-être enfin à une forme d’équité, à une forme de justice), de procéder de cette façon là. J’ai aussi interpellé les membres de mon groupe parlementaire de nationalité allemande et j’ai rencontré une sorte de mutisme qui n’est pas du tout de bon aloi. C’est la raison pour laquelle, si j’obtiens une réponse qui permet d’avancer concernant la demande que j’ai formulée auprès de la ministre de la justice, peut-être que ça fera un peu bouger les choses.

Je n’ai pas entendu tout ce qui s’est dit cet après-midi, mais peut-être qu’il y aura des actes, je pense qu’il faut qu’on aille sur un champ très très large, qu’on fasse un éventail très très large d’actions et j’ai aussi sollicité, ça peut paraître surprenant, mon gouvernement français pour attirer son attention sur le fait qu’on ne peut pas chercher à avoir une harmonisation juridique uniquement par rapport à ses petites affaires, mais que cette harmonisation juridique, même si elle est difficile à obtenir, surtout lorsqu’elle correspond à des situations concrètes de citoyens européens, passe par un travail de fond des gouvernants qui ne sont pas également directement concernés. C’est-à-dire que j’essaie de ne pas en faire une espèce de bataille exclusivement à l’encontre de l’un des états membres qui est l’Allemagne, mais d’en faire une question de principe sur « Quelle Europe voulons-nous ? ». Voulons-nous une Europe atomisée et rester en rade dès que surgissent des embûches juridiques et concrètes ? Ou bien voulons-nous plus d’Europe, une Europe qui puisse répondre aux difficultés. Au sein de la commission des libertés de la justice et des affaires intérieures, en lien avec la commission juridique, on a progressé sur d’autres plans ; Par exemple pour ce qui concerne la reconnaissance du choix du juge en matière d’affaires de divorces. Cela paraît être anodin, mais pendant longtemps, c’était très compliqué. Bien sûr, il faut qu’au départ, les gens soient à peu près d’accord, ce qui parfois disparaît au moment où il y a des mésententes, mais il y a des petites pierres qui sont apportées progressivement. Dans le cadre des décisions du Jugendamt, je pense qu’on doit progresser. On m’a au départ expliqué qu’il ne s’agissait pas d’une juridiction au sens classique du droit et que c’était donc très difficile, puisqu’il s’agit d’une sorte d’organisme (… manque un mot que nous n’avons pas compris…), une sorte d’organe semi administratif. C’est administratif et pas juridictionnel. Et donc, que cela pouvait être une difficulté complémentaire. En fait, il y a des difficultés tout au long du chemin et cela ne change rien à la détermination de ceux qui sont face à vous pour essayer d’apporter des solutions qui, avant d’être individuelles, doivent être des solutions qui donnent un cadre juridique et une volonté d’harmoniser.

Voilà en quelques mots ce que je voulais apporter comme écho à ce sujet et je félicite ma collègue d’avoir organisé cette rencontre ici au Parlement européen de Strasbourg. ».

Intervention de Maitre Grégory Thuan

Madame Muscardini a ensuite repris la parole pour proposer aux parents de rédiger et de lui transmettre un résumé d’une à deux pages de leurs expériences. Ces résumés seront traduits en plusieurs langues puis reliés sous forme d’un recueil qui sera diffusé au sein du Parlement, ceci afin de lancer le débat entre les parlementaires.

Elle a ensuite passé la parole à Madame Vatteroni… (Interventions italiennes à traduire avant publication)

Monsieur Grégory Thuan, avocat … nous a exposé son point de vue d’expert.

« Merci aux organisateurs de cette rencontre, merci à Madame Colombo et surtout à Madame Muscardini, à Madame Angelilli et aux autres groupes parlementaires qui ont eu le courage d’organiser cette conférence qui déchire un peu plusieurs camps et qui tend à diviser, alors que l’objectif, je pense, est tout autre. Et justement, d’essayer de comprendre d’abord avant de résoudre ensuite…

Je voudrais souligner l’intérêt du sujet, parce que cela a déjà été dit, mais je voudrais le redire avec mes propres mots ; Puisque nous sommes quand même au cœur de la construction de l’union européenne, si vous remontez dans l’antiquité, vous constaterez que la base du droit s’est faite avec la construction autour de la cellule familiale, que ce soit dans le droit romain et même avant. Si vous faites en sorte que cette cellule familiale éclate, alors c’est le droit lui-même qui en pâtit. Et aujourd’hui, je pense que c’est un peu la situation que vous rencontrez et que des centaines voir des milliers de personnes qui représentent ces centaines voir ces milliers de pétitions rencontrent également. C’est une inexistence du droit. Vous êtes faces, à mon sens, à un déni de justice.

J’avais demandé à Madame Colombo si je devais ou si je pouvais participer à cette rencontre, car je suis l’avocat de nombreuses personnes qui sont ici présentes. Malheureusement ai-je envie de dire, puisque si vous faites appel à mon cabinet, c’est que vous rencontrez un problème grave. Je tiens d’ailleurs à saluer ici la famille de Monsieur Gilberti qui traverse une période très compliquée.

Alors je partirai de ma pratique personnelle en me basant sur des faits concrets, sur des affaires concrètes, sur des constats que j’ai pu faire sur un certains nombre de dossiers typiques qui révèlent selon moi, plusieurs problématiques que l’on rencontre avec la justice familiale en Allemagne. Et c’est vrai qu’il y a sur ce point là, une spécificité.

Je soulignerai également l’actualité du sujet, puisque je tiens ce document à disposition pour les députés européens ; Le 30 novembre dernier, donc le 30 novembre 2012, les « homologues » des députés européens, les membres de l’assemblée du Conseil de l’Europe ont adopté en session plénière, un rapport établi par la Commission des affaires juridiques et des droits de l’Homme, le rapporteur était Monsieur Christopher Chope du Royaume Uni, qui est intitulé « Droits de l’Homme et justice familiale ».

Dans ce rapport et c’est là l’intérêt, un certain nombre de dysfonctionnements sont pointés du doigt, mais concernent en fait plusieurs états dont l’Allemagne,la République Tchèque et en particulier, le Royaume Uni. Sur ce point, c’est dommage qu’il n’y ait plus personne des Commission, parce que j’invite vivement les membres de la Commission des pétitions à se rapprocher de leurs homologues de la Commission des affaires juridiques et des droits de l’Homme ou la Commission du droit social qui siègent régulièrement à deux pas d’ici. Pourquoi ? Parce qu’en faisant ainsi, vous pourriez peut-être soulever le débat à l’intérieur même du Conseil de l’Europe afin qu’un rapport sorte sur le problème. Parce que je ne comprends pas pourquoi cela fait des années que la Commissions des pétitions se bat un peu seule avec quelques députés européens par ci par là, mais de manière plutôt isolée en dénonçant ce problème, et pourquoi une institution comme le Conseil de l’Europe qui pourtant a une compétence véritable en la matière n’a jamais soulevé le problème. Donc c’est une piste, elle vaut ce qu’elle vaut, mais c’est toutefois une piste.

Je vous livre dès à présent la synthèse de mes constats à partir des dossiers que j’ai eu à traiter par l’intermédiaire de Monsieur Karrer.

Je fais une petite parenthèse sur Monsieur Karrer qui, comme vous le savez est actuellement détenu dans un centre pénitentiaire de la banlieue milanaise dans des conditions matérielles qui sont assez difficiles, l’Italie connaissant un problème systémique de conditions de détention plus que difficiles puisqu’elle fait régulièrement l’objet de condamnations par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour violation de l’article 3 et pour des conditions matérielles inhumaines en détention.

Lorsque j’ai rencontré Monsieur Karrer, je me suis posé la question « d’où sort-il, quelle mouche l’a piqué ? Il débloque complètement… Ce qu’il me raconte n’est pas possible… ». Et petit à petit, il m’a apporté plusieurs dossiers, puis d’autres dossiers sont arrivés par d’autres biais et j’ai réalisé que ce qu’il dénonce, c’est malheureusement, grosso modo la vérité. C’est vrai qu’il est dans l’outrance. Il est dans l’excès, dans la disproportion. C’est peut-être sa manière de voir les choses, mais en tout cas les faits qu’il dénonce se révèlent être en majeure partie exacts et c’est bien là le problème.

La synthèse de mes constats est relativement simple. C’est peu ou prou les mêmes que le Parlement Européen dans son document de travail du 28 janvier 2009 a lui aussi constaté.

C’est tout d’abord le manque de contrôle des juges allemands compétents sur les avis, sur les actions, sur les décisions que prend le Jugendamt. Parce qu’il ne faut pas perdre de vue et cela l’a un peu été cet après-midi, lorsqu’on parle des décisions, des jugements du Jugendamt, c’est inexact. Le Jugendamt ne rend pas de jugements. Celui qui rend un jugement, c’est le juge allemand compétent aux affaires familiales qui a in fine le pouvoir de dire exactement le contraire de ce que dit le Jugendamt, en tout cas sur le papier, dans la législation allemande. Mais il ne le fait pas.

Donc la question sur laquelle la Commission des pétition et la Commission des questions juridiques de ce Parlement devraient peut-être se pencher, c’est aussi, pourquoi les magistrats allemands (il faut directement poser la question à l’école allemande de la magistrature) ne font-ils pas leur travail et ne remplissent pas correctement leurs fonctions juridictionnelles en ne sanctionnant pas les avis qui sont prônés par le Jugendamt. Car ce ne sont que des avis, des avis qui ne lient pas le juge qui est seul habilité à décider in fine et à rendre une décision exécutoire. C’est là un point qui me paraît tout à fait important à soulever.

Le deuxième constat, ce sont les restrictions excessives et arbitraires, je le dis carrément, qui sont imposées aux parents étrangers (NDLR : non allemand) pour la plupart, pour maintenir un contact avec leurs enfants.

Sur ce point, il y a à mon sens deux éléments qui sont très préoccupants.

Le premier, c’est l’imposition souvent par les services du Jugendamt qui sont validés par le juge (en tout cas le juge ne dit rien à ce propos), d’utiliser la langue allemande lors des visites médiatisées (NDLR : visites surveillées) des parents étrangers de sorte que leurs conversations puissent être contrôlées. Ce n’est pas systématique, mais je l’ai rencontré dans plusieurs dossiers et ça, je pense que c’est quand même un problème extrêmement grave.

J’ai le cas d’un Monsieur qui s’appelle Wahid Ben Alaya qui réside en Allemagne et qui est de nationalité tunisienne. . Son ex épouse est également tunisienne et ils se parlent naturellement en arabe. Lors de la séparation, le Jugendamt se saisit de l’affaire, les enfants sont confiés à la mère, puis pendant une période à une famille d’accueil et enfin, de nouveau à la mère. Les visites de quelques heures accordées au père par ci par là sont médiatisées dans des conditions extrêmement strictes et on force le père à parler avec ses enfants en Allemand. C’est à mes yeux une violation qui est plus que flagrante, une violation manifeste de plusieurs droits fondamentaux et notamment du respect dû à l’éducation donnée aux enfants, au respect dû à la vie familiale et même à la liberté d’expression ! Droits qui sont garantis par le droit de l’Union Européenne, nous le verrons un peu plus loin.

Le deuxième élément que je trouve préoccupant, c’est que très souvent, de très nombreux parents qui s’adressent à moi et pas seulement des parents étrangers, c’est vrai qu’il faut aussi souligner le fait que les parents allemands sont aussi des victimes (NDLR : des allemands qui s’adressent à un avocat français qui ne parle pas Allemand pour défendre leurs droits à la CEDH… Il y a sûrement une explication à cela.) du Jugendamt et de la justice allemande en générale ; vous ne pouvez pas imaginer les dizaines et les dizaines et les dizaines de messages que j’ai reçus lorsque Monsieur Karrer s’est fait arrêté et c’était pour la plupart, des messages de parents allemands.

Le deuxième élément donc qui me paraît préoccupant, c’est l’inexécution ou l’impossible exécution matérielle des droits de visites en Allemagne lorsque le parent étranger dispose par chance de quelques heures toutes les deux semaines pour voir son enfant. Et là je pense que c’est notamment l’affaire de Monsieur Gilberti.

Monsieur Gilberti a deux enfants. Le juge allemand a bien voulu fixer un droit de visite médiatisé de manière périodique. Mais ce droit de visite ne peut pas être exercé du fait des agissements de mauvaise foi de l’autre parent. Et au lieu, pour le juge allemand ou pour les services du Jugendamt, de taper du poing sur la table et de dire « ça suffit maintenant, vous ne pouvez pas vous abriter derrière tel et tel prétexte pour ne pas amener vos enfants au centre de visites médiatisées, le juge et les services du Jugendamt ne font absolument rien, de sorte que le parent qui détient la résidence principale de l’enfant a un pouvoir exorbitant par rapport à l’autre. Ces agissements là ont été condamnés par la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans une affaire française. C’est un arrêt Plasse – Bauer contre France en 2006 qui condamne la France à 20 000 € de dommages et intérêts et à revoir son système. Nous avons maintenant un décret qui est passé en 2012, il y a obligation pour le juge français, si il y a des difficultés, de contrôler et de condamner si besoin est, le centre chargé du point de rencontre. Cela me paraît là également une piste à explorer. (NDLR : Pourquoi ne pas envisager de transférer le droit de garde à l’autre parent si il n’est pas lui aussi aliénant ? Il semblerait que beaucoup de juges allemands optent pour cette solution, même en Bavière, lorsque bien entendu, il s’agit d’affaires familiales germano-allemandes). Cela me paraît aussi, pourquoi pas, une piste à explorer.

Le troisième constat que je fais, c’est que l’autorité parentale est trop facilement, en Allemagne, attribuée de manière exclusive au détriment de l’autre. En France et je pense partout ailleurs en Europe et j’en suis sûr, en Italie, le principe est que l’autorité parentale est l’autorité parentale conjointe. Sauf cas tout à fait exceptionnel, le juge peut transférer l’autorité parentale de manière exclusive à l’un des deux parents, mais dans des conditions très strictement encadrées par la loi et par la jurisprudence. Le problème avec l’Allemagne, est que j’ai la nette impression que le transfert peut se faire très facilement et rapidement. C’est aussi un problème de droits fondamentaux.

Le quatrième constat que je fait en analysant ces dossiers, c’est l’iniquité des procédures devant les juridictions saisies. En matière de référé dans le cadre d’une procédure d’urgence, selon le droit allemand applicable, c’est clair et net, je dispose des traductions officielles des décisions rendues par les juridictions allemandes, le parent allemand peut solliciter, par simple courrier, sans autre forme de formalisme, saisir le JAF (NDLR : le Juge des Affaires Familiales) compétent en la forme des référés, c’est-à-dire en urgence, afin que celui-ci lui attribue de manière provisoire certes, l’autorité parentale exclusive sur l’enfant. Et le juge, en quelques jours, voir même en quelques heures, je l’ai vu, le juge peut faire droit à cette demande, de manière unilatérale, sans convocation de l’autre parent et c’est en plus, une décision insusceptible de recours.

Alors vous allez me dire, et c’est d’ailleurs ce que m’a répondu le magistrat des liaisons français qui se trouve à Berlin (NDLR : Monsieur Valéry Turcey) : « Oui, mais ce ne sont finalement que des décisions provisoires… ». Sauf que dans les faits, vous constaterez que ces décisions provisoires ont tendance à s’éterniser et ensuite être validées, puisque plusieurs mois se sont passés (NDLR : plusieurs mois qui deviennent des années), validées par le tribunal compétent qui lui rendra sa décision avec une audience en convoquant préalablement les parties pour respecter le principe du contradictoire. Le mal était fait.

C’est là aussi un point sur lequel je pense que la Commission des pétitions qui fait un travail remarquable et formidable et je les salue, car cela ne doit pas être simple de convaincre politiquement leurs collègues de se pencher sur la question et de voter dans un sens ou dans un autre, mais, c’est vrai que je n’ai pas caché ma déception qui fut très profonde lorsque j’ai découvert le dernier rapport de la Commission, suite à la visite sur place à Berlin. Je trouve que ce rapport est vraiment un rapport à minima où l’essentiel n’est pas dit et je ne pense pas, c’est dommage que Monsieur Boulland ne soit plus là, je ne pense pas qu’avoir un ombudsman, même avec des pouvoirs élargis en Allemagne résolve les situations très épineuses que vous connaissez tous.

Enfin, un autre constat, c’est la pénalisation ou la criminalisation quasi systématique des parents récalcitrants qui ne veulent pas se soumettre à ces mesures. Ces mesures qui sont des mesures de visites contrôlées par les services du Jugendamt de manière très encadrée qui pourraient s’analyser en une torture psychologique et en utilisant au besoin des moyen de coopération pénales lourds. Et j’entends par là le mandat d’arrêt européen.

C’est une erreur, peut-être stratégique ou pas, mais c’est une erreur des autorités allemandes de pénaliser, de criminaliser ce type de dossiers, parce que ensuite, lors de l’application des procédures de retour en application de la Convention de La Haye et du règlement Bruxelles 2 bis, dans le cadre donc des enlèvements parentaux d’enfants, la situation va se retrouver bloquée du fait de la pénalisation du dossier.

Mais avant de me pencher plus en détail, il faut avant tout résoudre le problème de la compétence des institutions européennes pour discuter de la matière. Parce que la réponse de la Commission et de Madame Viviane Reding en particulier, il faut le dire, est totalement insatisfaisante. Toutes les questions qui sont posées à plusieurs reprises par Madame Muscardini, par Madame Angelilli, par Madame Mazzoni sur des cas précis, notamment le cas de Madame Colombo, les réponses apportées par la Commission sont insatisfaisantes. Elles visent uniquement à se débarrasser du problème en disant : « Finalement nous ne sommes pas compétents, puisqu’il n’existe pas en Europe un droit matériel de la famille. Le règlement Bruxelles 2 bis n’est qu’un instrument de reconnaissance au niveau procédural, mais ce n’est pas un instrument qui va dire quelle est, au sens du droit européen, quelle devrait être la notion d’intérêt supérieur de l’enfant. ». Non, ça vous ne le trouverez pas, effectivement, dans les instruments dérivés, droit communautaire, directives ou règlements.

Seulement, elle oublie de dire, à mon sens, et là c’est notamment le point de vue de Madame Mazzoni, elle oublie de dire que les objectifs maintenant, surtout depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, les objectifs de l’Union Européenne, c’est la protection et la promotion des droits de l’enfant, le Traité de Lisbonne ayant fixé à l’Union Européenne l’objectif de promouvoir les droits des mineurs.

Dans ce cadre, la Commission aide à protéger, à promouvoir, à garantir les droits de l’enfant, dans toutes les mesures et politiques européennes internes et externes qui ont un effet sur eux. Et lorsque les états membres appliquent le droit de la famille, ils mettent en œuvre en fait, l’un des objectifs de l’Union Européenne. D’où l’application, à mon avis, de toutes les dispositions de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, dont en particulier, l’article 24 paragraphe 3 qui dispose que tout enfant a le droit d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt.

Les autres dispositions de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, ce sont l’article 7, le respect de la vie privée et familiale, l’article 20, l’égalité en droit, l’article 21, la non discrimination, l’article 24 que je viens de citer, l’article qui garantis la libre circulation des personnes, puisque c’est en fait ce que reproche Madame Colombo dont je suis l’avocat dans le cadre de la procédure que nous avons déposée à Strasbourg. C’est ce que reproche Madame Colombo aux autorités allemandes notamment, puisque dans le jugement qui a refusé à Madame Colombo de s’installer à Milan, il est expressément fait mention de ce que le droit à la liberté de circulation des personnes est subordonné au droit des enfants de vivre de manière stable en Allemagne.

Alors là, je pense que nous sommes en plein dans le champ de la compétence de l’Union Européenne et j’espère que cette pétition va aboutir à des réponses plus satisfaisantes de la part de la Commission Européenne de Bruxelles.

Et enfin, il y a dans la Charte des Droits Fondamentaux, le droit des handicapés. Les états membres de l’Union se sont engagés à promouvoir à respecter et à garantir le droit des handicapés.

Et là je voudrais mentionner une affaire tout à fait topique, typique de la réaction des juridictions allemandes, c’est l’affaire de Monsieur Joly qui est ici présent. Dans les décisions rendues par les juridictions allemandes, il y est aussi dit de manière très claire que la résidence de la fille de Monsieur Joly doit être, DOIT être, PAS peut être, attribuée à son ancienne compagne, au motif que Monsieur Joly souffre d’un handicap physique et notamment d’une cécité. Le juge ne se cache pas, au moins il le dit, c’est clair et net, donc il décide de prendre cette mesure discriminatoire qui m’apparaît totalement injustifiée, injustifiée notamment au regard des instruments de l’Union Européenne.

Donc il est inexact de dire, comme le fait la Commission, que le droit matériel de la famille et notamment donc l’intérêt supérieur de l’enfant, l’unité de la cellule familiale, le respect du droit à une vie familiale est hors le champ d’application et de contrôle de l’Union Européenne.

Alors maintenant sous l’angle de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, c’est essentiellement les fondements juridiques suivants : l’article 8 de la Convention qui garantit le droit au respect de la vie familiale, l’article 14 qui interdit toute discrimination, l’article 10 qui garantit le droit à la liberté d’expression, l’article 6 qui garantit le droit au procès équitable, l’article 13 qui garantit le droit à un recours effectif. Vous pouvez prendre ces articles de manière isolée ou vous pouvez les combiner entre eux.

Ce qui est intéressant avec la Convention Européenne des Droits de l’Homme, c’est qu’elle constitue le dénominateur commun à l’ensemble des états européens, donc les vingt-sept états membres de l’Union Européenne. Et ce qui est aussi intéressant avec cette Convention Européenne des Droits de l’Homme, c’est que, vous constaterez si vous lisez la Charte des Droits Fondamentaux, qu’en son article 53 paragraphe 2, il est expressément fait mention de ce que les droits garantis par la Charte des Droits Fondamentaux ne peuvent pas être interprétés en de çà des standard imposés par la Convention Européenne des Droits de l’Homme et la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Donc, avec la CEDH, vous êtes vraiment dans les standards minimales du respect des Droits de l’Homme en Europe.

Et donc les violations qui sont constatées, ou en tout cas que moi j’estime avoir constatées au fur et à mesure de l’analyse des dossiers, je l’ai dit, c’est l’iniquité des procédures, l’iniquité des procédures internes, la non convocation systématique aux audiences des personnes concernées, l’information par simple lettres rédigées en Allemand seulement de l’objet des procédures et l’impossibilité de faire valoir utilement ses droits en temps utile devant le juge allemand compétent.

Sur le plan du respect du droit à la vie familiale, je considère que les juridictions allemandes ont une vision très particulière de la notion d’intérêt supérieur. J’estime que cette vision est une vision très parcellaire en fait de ce qu’est la notion d’intérêt supérieur de l’enfant au sens de la jurisprudence très abondante en la matière de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Puisque c’est vrai, je suis tout à fait d’accord avec ce qu’a dit tout à l’heure Madame Colombo, j’ai la nette impression, à la lumière du droit national allemand et au vu de la jurisprudence rendue par les tribunaux allemands, la notion de l’intérêt de l’enfant, c’est non pas de s’épanouir et d’entretenir des relations avec ses deux parents et d’intégrer et d’entretenir une double voir une triple culture, mais c’est avant tout de se stabiliser sur le sol allemand. Et si l’on veut qu’il se stabilise sur le sol allemand, on doit donc, aux yeux des juridictions allemandes, attribuer le plus possible, le droit de décider du lieu de résidence de l’enfant au parent qui lui, réside de manière stable sur le sol allemand.

J’irai même jusqu’à dire, sans faire dans la polémique, que j’ai des fois l’impression, quand je lis les décisions allemandes et d’un point de vue d’avocat, qu’en fait, on souhaite que l’enfant soit principalement résident en Allemagne, qu’il ait le moins de contacts possible avec son parent, qu’il parle principalement la langue allemande et qu’il intègre l’ensemble des valeurs allemandes.

Enfin, une troisième série de violations constatées, c’est la violation du droit au respect des biens. Là, je voudrais vraiment finir en quelques secondes sur le système de la « Beistandschaft » qui consiste en fait, pour les services du Kreis Jugendamt, à se subroger aux droits du parent allemand, à lui payer une qui est fixée selon une nomenclature préétablie par les services du Jugendamt qui est ensuite avalisée par une décision d’un juge allemand pour réclamer ensuite au parent débiteur de cette pension, le solde de tout compte.

Et là je vois un gros problème, puisque si le juge allemand a validé le principe et le montant de la pension alimentaire et si sa décision est assortie d’un titre exécutoire européen en vertu d’un règlement du 21 avril 2004 sur les créances non contestées, alors là, la messe est dite. Il n’existe aucun recours pour le parent débiteur de faire annuler cette décision. C’est là je pense une autre violation des droits fondamentaux et également du droit de l’Union Européenne.

Encore deux petites minutes pour parler de l’émission abusive de Mandats d’Arrêt Européens. C’est là encore le cas de Monsieur Gilberti qui, pour une affaire qui relève en principe exclusivement du droit civil et des juridictions civiles, l’Allemagne n’a pas hésité une seule seconde, sans préalable et sans avoir recours au mécanisme qui existe pourtant entre l’autorité centrale allemande et l’autorité centrale française qui représentée dans ce cas là par le Bureau de Recouvrement des Créances Alimentaires, l’Allemagne n’a pas hésité à émettre un Mandat d’Arrêt Européen qui a about à l’incarcération d’un honnête homme, qui a abouti à un préjudice moral et matériel pour lui puisqu’il a dû arrêter son travail et qu’il est dans la crainte quotidienne de devoir être remis manu militari menottes aux poignets aux autorités allemandes pour être jugé

Si l’on peut critiquer l’Allemagne pour avoir émis un tel mandat d’arrêt européen, il ne faut pas aussi perdre de vu qu’on peut aussi critiquer l’état qui est sensé mettre à exécution un mandat d’arrêt européen. C’est ce que j’ai en vain tenté de faire devant les juridictions françaises. J’ai également, pour l’instant en vain, tenté d’alerter les autorités de l’exécutif et les autorités législatives de mon pays.

Et je regrette que Madame Griesbeck ne soit pas là car c’est avec une sénatrice remarquable, Madame Joëlle Garriaud-Maylam, l’une des rares femmes députés et sénatrices à faire en sorte de toujours remettre sur la table ce débat.

Donc si l’on doit critiquer l’Allemagne pour avoir osé émettre un tel mandat d’arrêt, les critiques sont aussi partagées avec l’état qui est requis, c’est-à-dire la France, pour ne pas avoir fait la part des choses et pour avoir mis à exécution un mandat d’arrêt européen, alors que cela méritait tout au plus une amende en matière civile uniquement.

Je vous remercie.

Intervention de Monsieur Maxime Obé

M. Maxime Obé, assistant de M. le Député Philippe Boulland intervient.

« Nous avions déjà demandé aux parents de nous transmettre un résumé de leur histoire présenté sous la forme d’un tableau, ce qui nous a permis de mieux analyser les différents cas avant de nous rendre à Berlin. Ces résumés nous ont permis de rédiger les différentes critiques qui sont exactement les mêmes que les vôtres (NDLR : M. Obé s’adresse à M. Thuan) et notamment concernant la procédure d’urgence. Mais c’est vrai que le point qui fait défaut pour pouvoir intervenir auprès de la Commission européenne principalement, c’est cette fameuse compétence et c’est la réponse qu’on a régulièrement reçue : l’application de la Charte européenne des droits européens se fait lorsque le droit européen est appliqué. Je pense que c’est la faille qu’il faut trouver pour pouvoir enfin demander clairement des réponses à la Commission européenne. Un an et demi (NDLR : ou peut-être un mois et demi, nous n’avons pas bien entendu) auparavant, nous avons déposé 15 questions écrites à la Commission européenne, chacune portant sur un aspect différent en essayant de mettre en avant le droit européen. Dix questions sur les quinze ont été acceptées et malheureusement, les cinq questions les plus importantes ont été rejetées au motif qu’elles ne relevaient pas de la compétence européenne.

Madame Griesbeck ne le sait peut-être pas, mais la réponse (NDLR : nous supposons, la réponse à la sollicitation de Madame Griesbeck – voir son intervention) de la ministre de la justice allemande vient d’arriver chez Madame Reding. La réponse disait qu’en fin de compte, depuis la mission à Berlin, les choses s’étaient améliorées et que la justice allemande examinait de plus près les décisions prises par le Jugendamt. Mais en général, la majeure partie de la réponse concerne le fameux document de travail de la Commission des pétitions de 2009 qui est sur le site Internet du Parlement et que les allemands souhaitent voir retirer, ce qui ne sera pas fait puisqu’il s’agit d’un document officiel.

Enfin, je voudrais terminer sur la pétition sur le « Beistandschaft » qui est en cours de recevabilité (NDLR : Au moment où nous publions cet article, la pétition a été déclarée recevable et a donné lieu au lancement d’une enquête de la Commission européenne)… »

Madame Colombo intervient pour dire que cette pétition avait déjà été acceptée depuis le 30 novembre 2012.

« Elle a été déclarée recevable, mais attention, elle a été déclarée recevable par son secrétariat. C’est le premier tri qui a été fait, mais la réponse du secrétariat, depuis plusieurs mois déjà, c’est de déclarer la pétition recevable, d’envoyer le document de travail (NDLR : qui a fait suite à la délégation qui s’est déplacée à Berlin en novembre 2012) et de fermer ensuite la pétition, sans débat et sans aucune intervention. Et c’est encore une fois la proposition qui a été faite par le secrétariat de la Commission des pétitions. Et cela fait des mois que Monsieur Boulland demande des explications sur ces cas. Il y a des freins au sein du Parlement européen, parmi les députés, mais également des freins du secrétariat de la Commission des pétitions que nous dénonçons régulièrement, mais tout ça c’est interne et personne ne le voit. Donc quand on communique, pas forcément sur tout, c’est vrai que ça ne ce sait pas.

Je termine sur deux derniers points. Lorsque la majorité était de son parti politique, Monsieur Boulland a saisi le ministre des affaires étrangères et notamment Monsieur Laurent Wauquiez qui est très germanophile, afin d’essayer de débloquer la situation politiquement, toujours sans communiquer vers l’extérieur car c’est une question de diplomatie. Et c’est vrai que la réponse a toujours été : ce n’est pas actuellement le moment, notamment lors des négociations au plan européen, d’évoquer de tels sujets qui pourraient fâcher.

Pour finir, pour essayer d’éclairer la proposition et je suis tout à fait d’accord avec vous, Monsieur Thuan sur la qualité du document final de la Commission des pétitions, Madame Mazzoni l’a dit, 1 an et deux mois pour sortir un tel document, c’est ridicule. Malheureusement, nous devions faire face à la démocratie. Il devait y avoir un vote qui devait donner lieu à une acceptabilité. Ce n’était pas une question de couleur politique, c’était une question de nationalité. C’est dommage, puisque c’est ce qu’on évité de faire depuis maintenant deux ans, de porter le débat au niveau national. Le problème, c’est que sur les 50 propositions que nous avons faites, seules 24 sont passées sous forme d’amendement car toutes les autres ont été jugées incompatibles avec les pouvoirs du Parlement européen sur la question.

C’est pour cela que ce que vous voyez, c’est comme le dit Monsieur Boulland, l’accord à minima. Et encore, sur les 24 propositions, seulement les trois quarts ont finalement été acceptés. Et pourquoi la proposition principale d’instituer un Défenseur des Droits pour l’Allemagne a-t-elle été refusée ? C’est à cause de ce problème de compétence. Si on pouvait, on ferait tout ce que vous avez proposé, poser ces questions, intervenir directement. Et Madame Garriaud-Maylam a plus de pouvoir pour saisir les autorités françaises, de part sa fonction de parlementaire. Mais nous, on a du mal à faire porter le débat ici, parce qu’il y a ce fameux problème d’application de la Charte des droits fondamentaux qu’on n’arrive pas à dépasser.

Alors que par ce biais du Défenseur des droits en Allemagne, on peut contourner cette barrière de la compétence.

En France, le Défenseur des droits peut avoir accès à tous les documents possibles. On a eu des plaintes d’avocats qui ne pouvaient pas accéder au dossier de leurs clients auprès du Jugendamt.

Le Défenseur des droits peut revenir sur une décision de justice et en fin de compte, constituer un ultime recours, ce que vous avez par deux fois dénoncé, notamment le Beistandschaft qui ne permettait aucun recours sur la décision des pensions ou l’iniquité des procédures et notamment la procédure d’urgence.

Donc c’est pour ça, ne vous fiez pas aux apparences, lorsqu’une proposition paraît modérée, il y a déjà derrière énormément de travail pour essayer de la faire passer.

La proposition du Défenseur des droits en Allemagne de Monsieur Boulland était la seule proposition qui puisse être proposée par le Parlement ici. Cela ne sert à rien de faire des propositions qui ne seront jamais acceptées parce qu’on nous oppose un problème de compétence. On a voulu faire une proposition qui soit applicable directement.

Malheureusement, cette proposition a été rejetée à une voix près car des députés ont trouvé que cela allait trop loin, alors qu’ils étaient d’accord sur le problème du Jugendamt. Il nous soutenaient sur toutes les autres propositions, mais sur le fait qu’on voulait obliger l’Allemagne à avoir un Défenseur des droits au niveau européen, on nous a répondu que c’était aller trop loin. Ce défenseur des droits allemand aurait fait partie d’un réseau, le réseau des médiateurs européens, un réseau où les médiateurs des autres états peuvent discuter avec le médiateur national et intervenir. Cela n’aurait pas été un médiateur allemand isolé et les autres médiateurs européens auraient pu intervenir auprès de leur homologue allemand.

Intervention de Monsieur Arnaldo Ferragni

Monsieur Arnaldo Ferragni, collaborateur de Madame Muscardini, a pris ensuite la parole pour confirmer qu’il y a effectivement également des obstacles au sein du secrétariat de la Commission des pétitions. Il a donné pour exemple la pétition de Madame Colombo qui a été remise une première fois avec plus de deux cent signatures.

« A la session suivante, nous avons consigné au secrétariat plus de deux mille signatures pour soutenir la même pétition. Tous les documents qui sont sortis du secrétariat de la Commission parlent exclusivement de 235 signatures. Nous avons écrit, Madame Muscardini a signé des lettres disant que ses collaborateurs ont consigné personnellement au secrétariat… (NDLR : les nouvelles signatures). Le secrétariat répondait : Oui oui oui, en effet, c’est vrai, mais jamais ces chiffres sont sortis sur des documents du secrétariat de la Commission. Je ne connais pas la raison, mais c’est un fait, on ne peut pas faire savoir qu’une pétition de ce type la a été soutenue par plus de deux mille signataires.

Deuxième élément que je confirme, c’est l’attitude de la Commission. Vous avez raison Monsieur l’Avocat. Vous avez parfaitement raison. Nous avons reçu cinq réponses de la part de Madame Reding qui expliquait que tout était en règle et que la Commission n’avait pas de compétences. Nous avons également essayé de démontrer la symétrie entre les allemands et ceux qui font recours contre les décisions de la magistrature. Rien à faire, absolument rien à faire. Quelqu’un a dit, mais c’est peut-être un peu trop malicieux, qu’il suffirait de changer le chef de Cabinet de certains Commissaires. Quelqu’un d’autre a dit qu’en effet, le Parlement devrait être beaucoup plus précis sur les motivations que vous venez par exemple de formuler.

Le troisième élément se réfère à l’affirmation faite par l’avocat Sarno, lorsqu’il dit qu’une action devrait être menée au niveau des institutions européennes, mais également dans les différents pays qui constatent ces difficultés pour certains de leurs citoyens. On vient également de dire qu’il y a un conflit de confiance majeur par rapport au passé peut-être. Le … (NDLR : un mot incompréhensible) de Milan ne confirme pas cette affirmation, tant de la part de la magistrature pénale que de la magistrature des mineurs. Je voudrais rappeler que le Président (NDLR : le président du tribunal), au début de l’affaire de Madame Colombo, lorsque son avocat avait affirmait à maintes reprises que la Convention de La Haye n’avait pas été respectée, le Président a fini par poser la question : Monsieur l’avocat, qu’est-ce que c’est cette Convention de La Haye ? Vous ne l’avez pas ? Pourriez-vous me l’envoyer ? Voilà, c’est ça la réalité dans certains tribunaux. C’est vrai qu’il faut mener une action assez forte, pertinente et dure au sein des institutions européennes, mais il faut aussi une action au niveau national.

Merci.

Intervention de Maitre Grégory Thuan

Monsieur Thuan a ensuite repris la parole.

« Sur la « Beistandschaft », je pense que la Commission est tout à fait compétente pour s’emparer du problème, puisque là, on peut invoquer le règlement que j’invoquais tout à l’heure, qui est le règlement du 21 avril 2004 modifié en 2005 et qui porte sur les créances non contestées. Les créances alimentaires font partie des créances non contestées au sens du droit de l’Union européenne. Il y a aussi ce nouveau règlement d’avril 2009 me semble t-il (NDLR : il n’était plus très sûr de la date de publication du règlement) sur l’exécution des décisions qui portent sur les obligations alimentaires. Donc nous sommes en plein dans le champ d’application et que ça, ça devrait passer assez facilement le filtre. Après, c’est vrai que l’écueil principal, vous l’avez dit, c’est de faire en sorte que la Commission se déclare compétente pour juger des décisions rendues par des juridictions nationales sur des questions de pur droit national.

Un argument serait de leur dire que l’un des objectifs de l’Union européenne étant la protection des droits de l’enfant, l’état membre pris individuellement est susceptible d’être tenu de faire en sorte de réaliser cet objectif là (pour quoi avoir hésité sur les mots est tenu, pourrait être tenu ?). Le lien, même ténu existe et c’est vrai qu’avec un effort de lecture de la par de la Commission européenne, cela est tout à fait possible. Après il est aussi possible qu’il s’agisse d’une question de personnes. Si le chef du Cabinet ne veut rien entendre, c’est un autre problème, c’est un autre débat.

Une troisième remarque, c’est qu’à mon avis, la lumière peut très bien venir de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. C’est souvent elle qui fait bouger les lignes, c’est souvent elle qui pousse sa sœur, l’Union européenne dans un sens qui plus protecteur des droits fondamentaux. D’autant plus que comme vous le savez, il y a des négociations qui sont très intenses entre le Parlement européen, l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le Conseil européen, la Commission de Bruxelles et le Comité des ministres, pour que l’Union européenne signe et ratifie une bonne fois pour toute ce fabuleux instrument qui est la Convention Européenne des Droits de l’Homme (demander pourquoi ? ce n’est pas déjà fait ????).

Si l’Union ratifie cette convention, les choses pourront être plus simple. Mais la encore, si vous regardez la jurisprudence de la Cour, vous constaterez que contre l’Allemagne, il y a très très peu d’affaires. Depuis toutes ces années, tout le monde se pose la question, moi le premier et même en interne. Je suis un ancien conseiller référendaire de la Cour Européenne des Droits de l’Homme en charge des affaires françaises et j’ai évidemment regardé ce qui se passait chez nos collègues allemands. Force est de constater que malgré la masse de requêtes déposées contre l’Allemagne, il y a TRES peu d’affaires qui concernent l’Allemagne. Et dans ce « TRES PEU » d’affaires, TRES TRES peu d’affaires concernent le respect du droit à la vie familiale. Pourquoi ? Je n’en sais strictement rien. Y a t-il un filtre au niveau du juge allemand, au niveau des juristes référendaires ? Je ne sais pas, mais c’est un fait. Si vous comparez par exemple avec un pays comme l’Italie, vous verrez que l’Italie se fait très régulièrement condamner pour violation de l’article 8 dans des cas qui sont très sérieux et notamment, au motif que les services sociaux en Italie, dans certaines régions d’Italie ont des pouvoirs exorbitants et que le juge ne fait pas suffisamment bien son travail et qu’il valide systématiquement les avis émis par les services sociaux. Si vous êtes intéressés, je peux vous fournir toute une série d’affaires que je connais particulièrement bien.

Donc, vous pourrez constater qu’il y a beaucoup d’affaires contre l’Italie, qu’il y a énormément d’affaires contre la République Tchèque, contre la Slovaquie, contre tout un tas de pays, mais il y en a très peu contre l’Allemagne, et en tant que français, je dois bien le dire, il n’y en a pas une seule qui aboutit à un arrêt de violation contre la France. Pourtant, moi qui pratique en droit interne devant le juge des enfants (demander si ce n’est pas les juridictions familiales ou le juge des affaires familiales), je voit très bien qu’il y a des cas où il y a des violations flagrantes, mais ça n’aboutit pas devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Intervention de Monsieur Niccolo Rinaldi (conclusion)

Monsieur Thuan reprend la parole :

Oui, c’est une question nationale. Vous l’avez fait vous-même Monsieur Joly, vous avez recensé toutes les questions écrites depuis 1995, c’est-à-dire depuis presque une vingtaine d’années…

C’est vrai qu’une présence consulaire est nécessaire. C’est ce qu’à obtenu récemment Madame Colombo et c’est vrai que cela met un peu de pression sur les juges…

Plus de 4 heures après, Monsieur… prend la parole pour conclure et mettre fin à cette rencontre.

« C’était aujourd’hui une longue journée. On a commencé à 9 heures avec le prix Nobel pour tout ce qui a été achevé par l’Union européenne en son sein, on a beaucoup votés. Parmi ces votes, on a voté un rapport sur l’état des droits de l’homme au sein de l’Union européenne, nous avons donné le prix Zakharov à deux activistes des Droits de l’Homme en Iran… et puis ici (NDLR : il tapote avec sa main sur la table.)Et ce que je vois, c’est des citoyens avec beaucoup de souffrance. J’imagine que chacun d’entre vous pourrait raconter encore toute une histoire, tout un parcours, toute une vie… Beaucoup de frustration, de sentiments d’injustice… et de non protection de cette Europe qui pourtant est là, qui pourtant se fait, qui prend beaucoup de décisions… Je pourrais vous lire la liste de ce que nous avons voté aujourd’hui (NDLR : il prend ses dossiers) : la taxe sur les transactions financières, bureau des statistiques européennes, aides macro financières etc. Mais là on touche, c’est ce que je sens, une sorte de zone noire de l’Europe. Là la protection n’arrive pas. On se sent seul. Mais vous n’êtes pas seuls, vous êtes avec d’excellentes personnes comme Maître Thuan, c’est-à-dire des juristes qui explorent des possibilités, toutes les possibilités dans un domaine qui devrait être politique et il n’y a pas encore de décisions politiques. Alors, moi je ne suis pas juriste et j’essayais d’écouter et de suivre les argumentations.

Il est clair que dans la construction de la loi européenne, comme dans celle du Conseil de l’Europe, on peut trouver sans aucun doute des pistes. D’un autre côté, il est clair que nous souffrons de l’absence d’une base légale pour un droit de la famille. C’est probablement le dernier domaine pour lequel le désir de conserver la souveraineté nationale reste très très fort. Comment tout cela va s’organiser avec la Charte européenne des droits de l’homme et avec la liberté de circulation, avec un concept au-delà des normes de bon sens et de dignité, ce n’est pas quelque chose d’évident, comme vous l’avez très bien raconté.

Sarah me l’a fait remarquer, comme me l’a aussi dit un collègue allemand de mon groupe, en Allemagne, le Jugendamt est quand même reconnu comme quelque chose de socialement utile par la plupart des personnes ; beaucoup de personnes qui ne connaissent pas toutes ces choses et qui ont une image superficielle du Jugendamt qui est là pour la protection des enfants etc. Alors dès lors que cette reconnaissance sociale par l’opinion publique est là, tout est plus difficile pour essayer de changer. Moi, je pense que c’est un défi qu’il faut relever en empruntant deux pistes. Une piste, Maître Thuan l’a évoquée, est d’essayer de répertorier tous les cas et d’essayer de trouver les moyens, au niveau de la jurisprudence et au niveau des lois, pour améliorer la situation et tout au moins, pour lentement corriger les abus, mais l’état des abus est énorme (NDLR : nous supposons, le nombre et la gravité des abus). J’ai noté toute une série de choses incroyables. « L’enfant ne doit pas quitter le sol allemand… » ; C’est abominable d’entendre ça en Europe au 21ème siècle ! Et pourtant, c’est la réalité. Alors, comment contourner ce genre de pratiques par la voie légale, c’est un défi, une démarche qu’il faut faire.

L’autre piste est un travail de persuasion politique, de pressions, de sens de la décence qu’on devrait essayer, avec des efforts de persuasion, de mettre (NDLR : nous supposons d’inculquer aux…) dans les autorités allemandes. Je pense que l’explosion de ces situations est toujours un atout très important. Plus ces abus deviennent publics, plus on en parle au sein de la Commission européenne, plus on arrivera, je pense, à mettre l’Allemagne et les autres autorités devant leurs responsabilités. Le sens de la réputation est quand même toujours très fort. Soit on n’en parle pas et cela reste un secret, soit on en parle et cela peut évoluer positivement.

Il y a une sorte de complicité bizarre entre les autorités nationales et les autorités des pays qui sont concernées. Il y a une sorte de pacte et ça c’est mon impression, entre tous les états membres, que sur ces questions de droit de la famille, on ne veut pas entrer dans des hostilités, on ne veut pas interférer. Alors que reste –il ? Les livres, les débats, les questions écrites, les pétitions, les recours devant la Cour de Strasbourg… Hier l’Ambassadeur (… mot inaudible) m’a dit que le Conseil de l’Europe a créé une petite cellule de réflexion sur la question du Jugendamt. C’est tout à fait nouveau, (… quelques mots inaudibles) et peut-être qu’un jour, on aboutira à un projet de convention dont le Jugendamt sera l’objet principal, mais il m’a confirmé qu’effectivement, ces choses constituaient encore un tabou parmi les milles choses dont on s’occupe en Europe.

Cristiana Muscardini vous a par exemple dit au début de cette séance, que nous avons eu une sorte d’interférence pour tenter d’empêcher ce séminaire. C’est une toute petite chose et je n’en ferais pas toute une polémique, cela dit, c’était quand même un peu bizarre, j’ai entendu l’embarras du Président allemand pour demander de ne pas trop foncer, pour ne pas trop faire d’histoires, créer des polémiques avec un certains nombres, c’est-à-dire avec deux délégations parlementaires. Mais tout cela s’est fait avec beaucoup de légèreté et de courtoisie et je n’insisterais pas trop. Evidemment, s’il s’était agi du Jugendamt de l’Estonie ou de la Slovénie, il n’y aurait eu aucun problème, mais les rapports de force existent et ont toujours existé, il ne faut pas être naïfs.

(NDLR : quelques mots sur son emploi du temps…)

Je salue votre courage, dans la mesure du possible, vous pouvez compter sur notre soutien. Nous n’avons pas, comme cela l’a été dit, des instruments politiques immédiats de (NDLR : mot inaudible), nous ne pouvons pas demander une directive européenne et c’est ce qu’il faudrait faire, mais nous n’avons pas la base légale, mais je le répète, dans la situation présente, je vois comme pistes, le travail légal et l’exposition médiatiques, politiques, avec toutes ces initiatives qu’on est en train d’entreprendre dans nos pays respectifs.

Je vous remercie.