Rapport de la Commission des pétitions du 28 janvier 2009

Rapport de la Commission des pétitions du 28 janvier 2009 sur le site du Parlement européen.

PARLEMENT EUROPÉEN

2004 – 2009
Commission des pétitions
28.01.2009

DOCUMENT DE TRAVAIL

concernant les allégations de mesures discriminatoires et arbitraires prises par les autorités en charge de la jeunesse dans certains États membres, en particulier par le Jugendamt en Allemagne

Commission des pétitions

Président: Marcin Libicki

DOCUMENT DE TRAVAIL

concernant les allégations de mesures discriminatoires et arbitraires prises par les autorités en charge de la jeunesse dans certains États membres, en particulier par le Jugendamt en Allemagne [1]

1. INTRODUCTION

La commission des pétitions du Parlement européen a reçu un très grand nombre de pétitions et de lettres de soutien concernant les mesures discriminatoires et arbitraires qu’auraient prises les autorités responsables du bien-être des jeunes dans certains États membres, en particulier par le Jugendamt en Allemagne, objet principal de la présente note. [2]

Ces pétitions sont particulièrement difficiles à évaluer, compte tenu de l’extrême sensibilité de chaque cas individuel. La commission ne peut tirer de conclusions absolues, même en présence d’allégations très détaillées, faute d’information des autres parties. Par conséquent, les pétitionnaires doivent comprendre que la commission des pétitions ne peut se substituer aux tribunaux et organes de contrôle judiciaire compétents. La commission ne pouvant évaluer clairement la portée du problème soulevé par les pétitionnaires, il est impossible de parler de dysfonctionnement systémique. D’autre part, il convient de reconnaître que le fonctionnement du Jugendamt constitue un problème très inquiétant pour de nombreux citoyens européens et qu’il doit, à ce titre, être examiné d’urgence par les autorités responsables au niveau national, régional et local en Allemagne, notamment au sein des commissions responsables du Bundestag.

La commission des pétitions, conformément à son règlement, se consacre à des questions relevant du champ d’activité de l’Union européenne. Partant, sa compétence se rapporte aux dispositions du Traité concernant les droits fondamentaux des citoyens européens, les questions liées à une éventuelle discrimination fondée sur la nationalité, l’origine ou la langue et l’interprétation de la transposition des actes législatifs communautaires par les autorités nationales, sans jamais perdre de vue que la seule Cour de justice des Communautés européennes est habilitée à rendre des arrêts contraignants sur l’interprétation de la législation communautaire dans ces affaires.

La commission des pétitions doit tenir compte du fait que si les pétitionnaires lui ont écrit en si grand nombre, c’est en partie parce qu’ils n’ont pas reçu d’explication satisfaisante des autorités allemandes compétentes. Celles-ci ont présenté des excuses officielles au pétitionnaire, en raison d’actes discriminatoires à l’encontre de l’enfant, dans un seul des cas examinés à ce jour au sein de la commission.

Les différentes catégories de pétitions

Les pétitionnaires ont contacté la commission à titre individuel, ainsi qu’en qualité de signataires soutenant des campagnes plus organisées qui contestent, avec véhémence bien souvent, le régime du Jugendamt.

Un groupe conséquent de pétitions portent des accusations claires et précises relatives aux discriminations commises par les autorités allemandes à l’encontre du parent ne possédant pas la nationalité allemande, époux d’une union matrimoniale mixte dissoute, lorsqu’il rend ultérieurement visite à ses enfants dans un cadre surveillé. Les pétitionnaires affirment que le problème de discrimination découle des procédures régulièrement utilisées par le Jugendamt, lesquelles entravent, voire rendent impossibles, les contacts entre l’époux ne disposant pas de la nationalité allemande et ses enfants. Les pétitionnaires disposant uniquement d’un droit de visite parental surveillé en particulier critiquent avec force le fait que des fonctionnaires représentant le Jugendamt vérifient régulièrement si le parent concerné s’adresse à l’enfant en allemand. Lorsque le superviseur ne comprend pas la langue utilisée par le parent et l’enfant, la conversation est interrompue et le parent est prié de s’en aller. Les pétitions reçues semblent indiquer que la discrimination la plus courante se produit lorsqu’un parent parle polonais, même si de nombreux exemples concernent le français ou d’autres langues.

Un deuxième groupe de pétitions concerne des cas dans lesquels l’enfant est séparé du parent par décision du Jugendamt au motif que le parent concerné n’est pas apte sur le plan physique ou mental à assumer les responsabilités liées à l’éducation d’un enfant. Bien entendu, une commission parlementaire n’est pas en mesure de vérifier de telles allégations, pas plus que la justification psychologique ou psychosociale ayant abouti à cette catégorisation. La commission se borne à remarquer que lorsque les pétitionnaires contestent ces motifs, ils ne sont manifestement pas en mesure de résoudre ce problème dans le cadre des procédures courantes en vigueur en Allemagne.

Le troisième groupe, le plus important, porte sur diverses actions mises en œuvre par le Jugendamt. Les pétitionnaires estiment dans ce cas que le Jugendamt commet des infractions incessantes à la Convention européenne des droits de l’homme et aux principes communautaires instaurant le respect des droits fondamentaux et des droits de l’enfant. Ces pétitions demandent par conséquent l’intervention du Parlement européen et l’abolition du Jugendamt.

La commission des pétitions a examiné ces pétitions à plusieurs reprises avec la participation des pétitionnaires, de la Commission européenne et des autorités allemandes. Le 22 mars 2007, une délégation de la commission des pétitions, accompagnée de certains pétitionnaires, a rencontré des représentants des autorités allemandes en Allemagne, notamment le Dr. Reinhard Wiesner, du ministère fédéral des affaires familiales, des seniors, des femmes et de l’enfance, et M. Andreas Hilliger, du ministère de l’éducation, de la jeunesse et des sports du land de Brandenbourg. Celui-ci a reconnu que des manquements ne pouvaient être exclus dans certains cas individuels complexes, mais que les gouvernements régionaux œuvraient à la résolution du problème par le biais du renforcement de la formation des fonctionnaires.

Lors de la réunion de la commission des pétitions du 7 juin 2007, les autorités allemandes ont présenté de manière plus détaillée leur point de vue sur la question en présence de certains pétitionnaires. Mme Gilla Schindler, du ministère fédéral des affaires familiales, des seniors, des femmes et de la jeunesse, a souligné l’intégrité du système de droit familial allemand en ce qui concerne les droits des enfants et de leurs parents, sans discrimination fondée sur la nationalité, tout en admettant que les fonctionnaires du Jugendamt avaient manqué aux normes de professionnalisme requises dans certains cas spécifiques soumis par les pétitionnaires.

Durant cette même réunion, le représentant de la Commission européenne a indiqué qu’il s’agissait d’un problème complexe de droit national, mais susceptible de comporter des implications européennes. Il a reconnu que certaines pratiques du Jugendamt, telles que décrites par les pétitionnaires, pouvaient effectivement être considérées comme un comportement discriminatoire de la part de ses représentants.

2. CADRE LÉGISLATIF

Les droits de l’enfant font partie intégrante de la législation communautaire, conformément à l’article 24 de la Charte européenne des droits fondamentaux. Par ailleurs, l’un des principaux objectifs du nouveau règlement Bruxelles II, entré en vigueur le 1er mars 2005, consiste à garantir le respect total du droit de l’enfant à rester en contact avec ses deux parents après un divorce, même lorsque ceux-ci vivent dans des États membres différents.

Un document de synthèse interne concernant les dispositions juridiques relatives à l’exercice de la responsabilité parentale a été rédigé, en collaboration avec le département thématique responsable (département thématique C – droits des citoyens et affaires constitutionnelles), afin de répondre à cette situation et de déterminer la base juridique exacte aux niveaux européen et national. [3]

3. DISCRIMINATION FONDÉE SUR LA NATIONALITÉ

De nombreux pétitionnaires [4] affirment que le problème de discrimination fondée sur la nationalité découle de la procédure adoptée par le Jugendamt allemand, laquelle engendre une discrimination à l’égard de l’époux de nationalité non allemande dans les mariages mixtes à la suite de la séparation du couple. Cette procédure rend difficiles, voire impossibles, les contacts entre l’époux concerné et ses enfants dans les cas où seul un droit de visite surveillé a été attribué. Durant les réunions, le superviseur vérifie régulièrement si le parent concerné s’adresse à l’enfant en allemand. Lorsque le superviseur ne comprend pas la langue utilisée par le parent ou l’enfant, il interrompt brutalement la conversation.

Les fonctionnaires menacent également les parents non ressortissants allemands d’une interdiction de contacts avec leur enfant en cas de refus d’obéir à ces ordres. Ces menaces sont mises à exécution dans certains cas. Selon les pétitionnaires, le Jugendamt utilise l’argument suivant à l’énoncé du jugement: « d’un point de vue de pédagogie professionnelle, il n’est pas dans l’intérêt de l’enfant que les rencontres en présence d’un fonctionnaire accompagnateur se déroulent dans une langue étrangère. Il convient que l’enfant développe sa connaissance de l’allemand, dès lors qu’il grandit en Allemagne ou effectuera la scolarité dans ce pays. »

Les pétitionnaires ont souligné (ce que confirment des preuves scientifiques) que la langue joue un rôle fondamental dans les contacts avec un parent ayant communiqué avec l’enfant dans sa langue maternelle depuis sa naissance. Un lien affectif se développe entre l’enfant et le parent non allemand sur la base de la langue. Celle-ci nourrit progressivement ce lien. Le lien entre l’enfant et ses parents constitue le principal critère dans la définition de « l’intérêt optimal de l’enfant ». Le désir d’une personne de s’adresser à son enfant dans sa langue maternelle – pendant les visites surveillées notamment – exprime par conséquent le désir de préserver un lien affectif avec l’enfant.

Les pétitionnaires soulignent que cette interdiction d’utiliser une langue autre que l’allemand, que le Jugendamt considère comme « sans risque », présente d’importantes conséquences. Elle affecte le lien entre le parent non allemand et l’enfant et peut entraîner une interdiction de contact judiciaire si le parent fait preuve de « désobéissance ».

Les pétitionnaires déclarent que les demandes d’organisation de réunions dans le cadre d’établissements de services familiaux bilingues présentées par des parents déterminés sont-elles aussi rejetées, de même que la mise à disposition d’un professionnel connaissant la langue étrangère et pouvant assister à une réunion entre le parent et l’enfant. Le Jugendamt se justifie en invoquant plusieurs raisons et circonstances. Il accuse par exemple les parents de ne pas faire usage de leur connaissance courante de l’allemand durant leurs contacts avec l’enfant ou invoque l’absence de potentiel technique permettant d’organiser une réunion avec l’enfant dans la langue concernée.

Les pétitionnaires ajoutent que dans certains cas extrêmes, l’entêtement d’un parent non allemand finit par le priver de ses droits parentaux. Ce type de procédure « inhumaine » foule aux pieds les droits des parents et des enfants. Les pétitionnaires affirment que le Jugendamt impose l’éducation des enfants en langue allemande de manière si implacable qu’il n’hésite pas à violer les principes de non-discrimination fondée sur l’origine et la langue. Ce sont donc les décisions du Jugendamt, non celles des parents, qui ignorent l’intérêt optimal de l’enfant.

Dans un registre tout à fait différent, d’autres pétitionnaires [5] se plaignent du fait que les familles étrangères vivant en Allemagne à titre temporaire ne sont pas autorisées à assurer la scolarité des enfants à domicile ni à recourir à l’enseignement à distance, ce qu’elles considèrent comme une discrimination fondée sur la nationalité. L’Espace européen de la recherche a besoin de chercheurs plus nombreux et mieux formés. Les chercheurs et autres travailleurs hautement qualifiés, dont la profession impose des déménagements fréquents, souhaitent bien évidemment s’installer avec leurs familles. Leurs enfants ont des besoins pédagogiques que le système scolaire allemand n’est pas en mesure de satisfaire, raison pour laquelle ils recherchent des alternatives pédagogiques. Cette démarche est considérée comme illégale et peut amener le Jugendamt à retirer les enfants à leur foyer.

4. ALLÉGATION D’INCAPACITÉ PHYSIQUE OU MENTALE EMPÊCHANT LES PARENTS D’ÉLEVER LEUR ENFANT

Plusieurs parents pétitionnaires affirment que le Jugendamt leur a retiré leurs enfants sans avertissement préalable au motif d’une incapacité physique ou mentale empêchant les intéressés d’assurer leur éducation. Au lieu de se baser sur des faits, les autorités fondent fréquemment leurs décisions sur des avis et des préjugés subjectifs. Cette approche est particulièrement évidente lorsque le diagnostic ou la thérapie fait l’objet d’une controverse entre experts, comme par exemple dans les cas de maladie de Lyme (borréliose), de trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) ou de syndrome de Münchausen par procuration (SMPP) (maladie fabriquée ou provoquée), très controversée sur le plan scientifique. Plusieurs cas semblables ont été examinés lors du symposium international sur « Les Offices de la jeunesse allemands (Jugendamt) et la Convention européenne des droits de l’homme » organisée à Bamberg les 20 et 21 octobre 20071. [6]

L’un de ces cas a été soumis à la Cour européenne des droits de l’homme [7]. Celle-ci a jugé à l’unanimité que l’article 8 (Droit au respect de la vie familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme avait été violé. Conformément à l’article 41 de la Convention (Satisfaction équitable), la Cour a attribué aux plaignants des dommages et intérêts au titre du préjudice subi et des frais de procédure. La Cour européenne des droits de l’homme a par ailleurs ordonné aux autorités allemandes de restituer immédiatement les enfants à leur famille. À ce jour pourtant, seuls deux des sept enfants ont pu regagner leur foyer. Le Jugendamt avait déclaré à l’un d’eux que ses parents étaient décédés et un autre enfant s’est ultérieurement suicidé.

Un autre exemple concerne une famille dont deux des enfants ont été enlevés par le Jugendamt et placés en famille d’accueil. La mère a été accusée de souffrir du syndrome de Münchausen par procuration, bien que les médecins aient prouvé la maladie de ses deux fils (maladie cœliaque et épilepsie). Les enfants ont pu regagner leur famille après deux années de procédures difficiles. L’un des deux fils a cependant été abusé sexuellement durant son séjour en famille d’accueil.

Commentant l’affaire rapportée par la pétition 151/2007 durant le symposium international, le Dr. Helen Hayward-Brown, anthropologue médicale australienne, a affirmé qu’il s’agissait de l’un des plus graves cas d’accusation injustifiée de syndrome de Münchausen par procuration qu’elle ait rencontrés au cours de ses dix années de carrière scientifique.

5. LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME ET LES PRINCIPES COMMUNAUTAIRES EN MATIÈRE DE DROITS FONDAMENTAUX

Le plus important groupe de pétitionnaires affirme que le Jugendamt allemand et les pouvoirs sociaux abusent de la puissance publique dont ils disposent d’une manière contraire aux droits des citoyens et aux droits de l’homme dans leur traitement des parents non allemands d’enfants revêtus de la double nationalité vivant en Allemagne, mais aussi des parents vivant en dehors du territoire allemand en matière de conflits transfrontaliers relatifs aux droits de garde et de visite. Les griefs concernent également les refus par les autorité allemandes de reconnaître les statuts de paternité étranger. [8]

De nombreux pétitionnaires [9] affirment que le Jugendamt possède des pouvoirs excessifs, qu’il sert officiellement à protéger la jeunesse, mais soumet en réalité les enfants des mères célibataires au contrôle de l’État pour les élever de la manière édictée par l’administration allemande. Selon eux, le Jugendamt est une institution sans équivalent dans les autres nations démocratiques et fonctionne comme une sorte d’administration gardienne et protectrice des valeurs allemandes.

Selon d’autres pétitionnaires, les collaborateurs du Jugendamt exercent un rôle de « troisième parent ». Ils sont impliqués dans toutes les procédures de droit familial et possèdent davantage de droits que les parents biologiques. Ces fonctionnaires sont chargés de soumettre des mesures de protection au juge. Ils se considèrent comme les gardiens du bien-être de l’enfant, étant entendu que ce bien-être s’assimile à celui de la nation allemande et à la préservation de la sécurité (pour protéger les valeurs allemandes). Les pétitionnaires soulignent que toute résistance aux fonctionnaires de cette institution allemande est inutile, voire dangereuse. Ils ajoutent que ces derniers menacent en permanence les parents de manière détournée via le retrait des droits de visite ou de garde parentale et qu’ils ont le pouvoir de mettre ces menaces à exécution avec ou sans décision du tribunal.

Un grand nombre de pétitionnaires indiquent que dans les cas de couples binationaux, le Jugendamt poursuit des objectifs spécifiques :

  • Tout doit être fait afin d’empêcher les enfants de quitter le territoire allemand.
  • La simple prise en charge des enfants doit être immédiatement transférée au parent allemand, la garde parentale doit l’être à moyen terme.
  • Il convient d’empêcher les enfants d’entrer en contact avec leur deuxième culture et leur deuxième langue. L’accès au parent non allemand doit être entravé au moyen de mesures d’humiliation. Un « nettoyage » national est à mettre en œuvre par la multiplication des procédures juridiques. Si le parent étranger refuse d’accepter les dispositions allemandes, des mesures sont prises afin de menacer et de criminaliser le parent concerné.
  • Les versements de pensions alimentaires doivent intervenir en Allemagne. Les paiements en souffrance sont comptabilisés année après année et réclamés au parent étranger à l’expiration des droits des enfants, lorsque ceux-ci sont parvenus à l’âge adulte.
  • L’accès des parents étrangers à l’ensemble des documents et des informations, collectés en secret à l’encontre de leur personne par le Jugendamt, doit être refusé en vertu de la législation allemande relative à la protection des données.

Selon les pétitionnaires, le Jugendamt est une institution politique. Son pouvoir incontrôlé et arbitraire, ainsi que son intégration et son rapport étroits avec les autorités judiciaires, ne sont pas compatibles avec les règles fondamentales de justice universelle et les principes de droits de l’homme. Par ailleurs, ses principes de fonctionnement reposent sur l’unilatéralisme et le nationalisme, fait incompatible avec l’esprit de l’Union européenne et les règles stipulant que « dans tous les actes relatifs aux enfants, qu’ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. »

6. LES QUESTIONS DE DROIT FAMILIAL SEPOSENT AU NIVEAU EUROPÉEN

Deux parents dont les enfants ont disparu à la suite d’un rapt parental, ainsi que de nombreux parents et représentants d’associations internationales, ont lancé le 25 avril 2008 une marche sous le mot d’ordre « Accès refusé » entre le Parlement européen à Bruxelles et le siège de Strasbourg, où ils sont arrivés le 21 mai. À Strasbourg, ils ont rencontré des représentants du Parlement européen et remis à Marcin Libicki, président de la commission des pétitions, 11 206 signatures soutenant la « Pétition Accès refusé » [10], par laquelle les pétitionnaires protestent contre les lacunes du droit familial tel qu’il est appliqué, non seulement en Allemagne, mais aussi dans d’autres États membres tels que la Belgique, la France et les Pays-Bas. Des pétitionnaires suisses étaient également présents.

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS.

Le présent documet met en umière un problème important qui nécessite avant toute chose une réaction des autorités nationales. En définitive, ce sont les États membres qui sont responsables des questions liées au bien-être de l’enfant et possèdent des compétences par l’intermédiaire du système politique et des canaux juridiques accessibles à tous les citoyens. L’Union européenne exerce elle aussi des responsabilités clairement définies par les Traités, qui établissent des principes fondamentaux relatifs au respect de l’intégrité de la personne. Celle-ci concerne bien évidemment les citoyens les plus vulnérables. Les États membres sont clairement tenus de faire le nécessaire pour que les citoyens européens puissent vivre sans crainte de discrimination, tout particulièrement de la part de leurs administrations publiques nationale, régionale ou locale. Cette exigence nécessite un contrôle plus efficace, de la part des représentants élus à tous les niveaux notamment, ainsi que des mesures de sauvegarde plus strictes que celles actuellement appliquées dans le domaine du bien-être des enfants et de la violation potentielle des droits des enfants ou des droits et responsabilités des parents. Ajoutons que cette recommandation ne s’adresse pas à un État membre particulier, mais à chacun d’eux.

Il ne fait aucun doute que chaque pétition concernant le Jugendamt allemand transmise par des parents lésés constitue une demande personnelle de justice, de même qu’une expression de détresse profonde. Il est également vrai que la commission des pétitions a reçu ces demandes de parents privés, par le Jugendamt en particulier, de ce qu’ils considèrent comme un droit, tel le traitement équitable et équilibré de la part des organes officiels. Elle n’a pas reçu de correspondance de personnes formulant une évaluation divergente. La commission ne s’est pas non plus rendue dans les bureaux du Jugendamt afin de vérifier les faits sur le plan local. Cette responsabilité incombe aux autorités allemandes.

Il serait, dans ces circonstances, déplacé de critiquer ou de condamner le système d’administration d’un État membre. Il serait cependant parfaitement inapproprié de ne pas reconnaître le nombre très élevé de violations de droits des parents qui semblent avoir eu lieu à la suite d’une discrimination fondée sur des critères ethniques, nationaux ou linguistiques, lesquelles n’ont pas été réglées et n’ont apparemment pas été vérifiées. Cette situation s’est avérée contraire à l’intérêt de l’enfant dans presque tous les cas entendus par la commission des pétitions. Il semble de surcroît que le refus du droit des parents à parler à leurs enfants dans leur langue maternelle constitue une pratique courante et que, plus grave encore, l’impact de cette disposition sur l’enfant et sa stabilité affective soit minimisé par les autorités responsables, si l’on en croit les témoignages reçus.

  • Des orientations et des instructions claires doivent être communiquées à tous les bureaux du Jugendamt pour leur rappeler leurs responsabilités et les droits fondamentaux des parents et des enfants confiés à leurs soins. Il ne fait aucun doute que ces instructions seront superflues pour une grande majorité de ces bureaux, dès lors que ces derniers travaillent d’ores et déjà sur cette base. Cependant, il semble que certains d’entre eux aient besoin d’une mise au point au sujet de leurs devoirs envers toutes les parties.
  • Les autorités concernées doivent accepter et tolérer toutes les langues parentales sans contestation lorsque les parents rendent visite à leurs enfants dans un environnement institutionnel.
  • Les services du Jugendamt sont tenus d’informer tous les parents au sujet de leurs droits d’appel contre les décisions rendues et des conditions à respecter pour interjeter appel.
  • Tous les États membres sont tenus d’encourager le renforcement du contrôle démocratique ou parlementaire au niveau national ou régional sur les agences chargées du bien-être des enfants et, partant, de permettre aux citoyens de rechercher des solutions efficaces plus proches de leur lieu de prédilection.
  • Il convient d’encourager activement une coopération bilatérale plus étroite entre les agences chargées du bien-être des enfants afin de promouvoir une coordination et une compréhension optimisées entre fonctionnaires responsables, de manière à faciliter la prise de décision des autorités compétentes dans l’intérêt optimal de l’enfant.

[1] Le présent document passe en revue les pétitions reçues concernant le Jugendamt et d’autres pétitions relatives au bien-être des enfants. Il contient des recommandations proposées par la commission des pétitions. Le contenu de ce document ne constitue pas une évaluation ou une déclaration de politique générale du Parlement européen en tant qu’institution.

[2] Trente-quatre nouvelles pétitions concernant le Jugendamt ont été reçues en 2008. Toutefois, depuis 2006, des centaines de cas individuels, en plus des pétitions individuelles, ont été soumis par courrier. Ces cas ont fait l’objet d’un accusé de réception, mais la commission n’a pas été techniquement en mesure de répondre sur le fond. D’où l’importance du présent document.

[3] Note de synthèse de janvier 2008 (PE 393.276).

[4] Pétitions 38/2006, 712/2006, 713/2006, 848/2006, 849/2006, 1008/2006 et autres.

[5] Pétitions 477/2007 et 744/2007.

[6] Cf. Über Institution Deutsches Jugendamt

[7] Haase contre Allemagne (requête n° 11057/02).

[8] Pétition 450/2006 et autres.

[9] « Pétition de 10 parents », qui a servi de modèle à de nombreuses pétitions.

[10] Pétitions 519/2008, 1346/2008 et autres.